Bassorah est, par son importance, la seconde ville d'Irak après Bagdad. Ce pays arabe est situé dans la partie sud-ouest de l'Asie, qu'on appelait jadis la Mésopotamie – « le pays d'entre les deux fleuves », le Tigre et l'Euphrate. (Dans le 'Houmach elle a pour nom Aram Naharaïm ou Paddan-Aram.) Dans la partie septentrionale de cette région, au temps de notre Patriarche Abraham, florissait le puissant empire babylonien. Là, à Our, en Chaldée, Abraham naquit. Et quand il commença à s'attaquer aux idoles locales et à proclamer l'existence d'un D.ieu unique, il fut jeté dans une fournaise, dont il sortit miraculeusement sain et sauf. La Mésopotamie fut aussi le lieu de naissance de nos « Matriarches » Sarah, Rivkah, Rachel et Léah.
La ville de Bassorah fut fondée par les Arabes en l'an 636, il y a plus de treize siècles. Elle est située à 120 kilomètres au nord du Golfe Persique et à environ 160 km au sud de l'ancienne ville de Suse, mieux connue sous le nom de Chouchane, capitale du roi A'hachvéroch. Toutefois, Suse fait actuellement partie de l'Iran (anciennement la Perse).
Les Juifs s'établirent à Bassorah dès les premiers temps de sa fondation et une communauté israélite importante s'y développa bien vite. L'épisode que nous allons vous conter eut lieu il y a 200 ans. Il s'acheva sur une délivrance si miraculeuse que les Israélites instituèrent un Pourim spécial en souvenir de cette issue providentielle, un Pourim qu'ils observèrent chaque année le second jour de Nissan, l'appelant « le Jour du Miracle » (Yom HaNess). La Méguilah spéciale (Méguilath Parass) composée en l'honneur de ce jour en fait le récit.
On était au temps de Solimane Pacha, qui gouvernait Bassorah avec justice et droiture, et traitait les Juifs avec bonté. La communauté israélite de cette ville prospérait sous la direction éclairée de son Nassi, Rabbi Jacob ben Aaron. Puis un jour du mois de Nissan, en l'an 5534 après la Création (1774), arriva Karim Khan, vizir du Shah de Perse, à la tête d'une puissante armée qui mit le siège devant Bassorah. Solimane Pacha essaya de résister, mais la famine eut raison des défenseurs, et le 27 Nissan, la ville tomba. La soldatesque de Karim Khan se livra au pillage et commit les pires abus. Des femmes furent enlevées. Beaucoup de Juives se jetèrent au feu et moururent pour ne pas tomber aux mains des envahisseurs.
Le jour de Roch 'Hodech Iyar, Karim Khan établit son pouvoir sur Bassorah. Des indemnités très lourdes furent réclamées à la population et particulièrement à la communauté juive dont on prit les chefs comme otages. Rabbi Jacob ben Aaron, sa femme et ses enfants furent envoyés comme prisonniers au Shah à Chiraz en même temps que Solimane et sa famille. Pendant que Karim Khan et ses hommes célébraient leur victoire par d'abondantes libations, la ville de Bassorah était au désespoir.
Les Juifs de la ville se rassemblèrent dans la synagogue et proclamèrent un jeûne de repentance. Ils pleurèrent et implorèrent D.ieu qu'Il les délivre des envahisseurs. Le Tout-Puissant entendit leurs prières. Et, comme le cœur des rois et des gouvernants est entre Ses mains, il durcit le cœur de Karim Khan et l'incita à rechercher encore plus de conquêtes et de gloire. Ce dernier alla combattre contre les tribus arabes voisines, mais il essuya une sanglante défaite et dut battre en retraite à Bassorah après avoir subi de très lourdes pertes. Il rassembla une nouvelle armée et marcha à nouveau contre les Arabes. Mais ceux-ci le firent tomber dans une embuscade. Les troupes de Karim Khan s'empêtrèrent dans les eaux des fleuves en crue. Les Arabes en profitèrent pour tuer un grand nombre d'entre eux. Karim Khan échappa de justesse à la mort et ramena à Bassorah les débris de son armée. Le vizir persan, à qui les deux précédentes défaites n'avaient rien appris, réunit en hâte une autre armée. Il voulait prendre sa revanche sur les Arabes. Mais ses soldats n'avaient plus le cœur à combattre. Ils complotèrent pour se débarrasser de lui. Le 27 Adar, Karim Khan fut trouvé mort : ses propres serviteurs l'avaient empoisonné.
« Yom HaNess »
La nouvelle de la mort de son vizir et de la défaite de ses armées parvint au Shah. Il ordonna à ce qui restait de celles-ci de quitter Bassorah à la faveur de l'obscurité, et de retourner en Perse sans que personne ne s'en aperçoive.
Le second jour de Nissan, en l’an 5535 (1775), les Juifs de Bassorah se levèrent le matin pour découvrir que pas un seul des hommes de Karim Khan ne restait dans la ville. Leur joie fut grande : être si vite délivrés d'un ennemi si implacable tenait du miracle. Ils se rassemblèrent dans leur synagogue, rendirent grâce à D.ieu pour ce dénouement providentiel et décidèrent de célébrer chaque année ce jour comme « le Jour du Miracle ».
Or, à cette époque un saint rabbin et kabbaliste de Terre Sainte vint en visite à Bassorah. Il était envoyé comme messager spécial par la communauté israélite de 'Hébron afin de demander une aide financière pour les pauvres et les indigents de cette ancienne et sainte ville. Il se nommait Rabbi Jacob Elyachar. (Il fut le grand-père de Rabbi Jacob Saül Elyachar, 'Hakham Bachi [Grand-Rabbin] de Jérusalem, et auteur de nombreux ouvrages et responsas). Rabbi Jacob Elyachar composa une Méguilah spéciale pour les Juifs de Bassorah, Méguilath Parass, qu'ils réciteraient dans la synagogue en ce « Jour de Miracle » et feraient suivre d'une fête spéciale comportant des cadeaux aux pauvres, comme au jour de Pourim. Les Juifs de Bassorah acceptèrent avec enthousiasme toutes ses suggestions et les incorporèrent aux traditions de la communauté. Depuis, ils n'ont cessé d'observer le deuxième jour de Nissan comme un Pourim spécial, le « Pourim de Bassorah », ou Yom HaNess.
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