19:2 Le décret de la Torah. La confrontation à la réalité de la mort nous soumet à l’influence contagieuse de la loi de l’entropie : la réalité de la nature où tout se décompose, meurt et s’engloutit dans l’oubli, et où la vie est futile et dénuée de sens. Cette vision décourageante du monde entraîne la paralysie spirituelle, la réticence ou l’incapacité à agir positivement, et s’oppose donc diamétralement à notre mission divine, qui affirme que la vie a une finalité possible d’être accomplie.
C’est pourquoi le contact avec la mort entraîne l’impureté rituelle, qui empêche l’individu d’entrer dans le domaine de la sainteté. Pour en retrouver l’accès, l’individu doit subir un processus de purification visant à guérir sa dépression réelle ou potentielle et rétablir son enthousiasme et sa vitalité. La source majeure d’impureté est le cadavre d’un homme ; aussi, le processus de purification du contact avec lui est le plus radical et le plus mystérieux de toute la Torah. Dans la mesure où la loi de la nature décrète que tout ce qui existe succombe tôt ou tard à la mort, braver cette loi revient à braver la logique. Par conséquent, le rite de purification de la mort doit provenir d’un degré de l’existence défiant la logique ; il s’agit tout simplement d’un « décret », une expression apparemment arbitraire de la volonté de D.ieu, dépourvue de raison d’être, et même contrevenant de façon absolue à la logique.1
Ainsi donc, alors que le manque de logique lié aux autres commandements irrationnels de la Torah réside dans leurs contradictions ou leurs incohérences, la préparation de la solution utilisée pour ôter l’impureté que transmet la mort est totalement illogique : on tue un animal uniquement pour le réduire en cendres ; il n’est ni offert en sacrifice ni utilisé comme bouc émissaire. Le processus semble parfaitement inutile. Dès lors, le rite de la vache rousse ne possède aucun ancrage dans la réalité logique, matérielle de ce monde.2
3 Hors du camp. Seul ce sacrifice est offert en dehors du Tabernacle, tous les autres étant offerts à l’intérieur. La raison en est que tous les autres sacrifices rachètent les fautes involontaires, celles que nous commettons parce que notre nature animale nous fait négliger le domaine du spirituel. Notre nature animale pouvant se raffiner et devenir partie intégrante de la sainteté, les sacrifices qui ont cette finalité sont offerts à l’intérieur du Tabernacle. La vache rousse, en revanche, vient nous débarrasser de l’impureté de la mort, qui ne peut être raffinée ou élevée. Par conséquent, elle doit être anéantie : la vache rousse doit être entièrement réduite en cendres, sans épargner aucun morceau pour le consommer comme nourriture. Dès lors, le rite ne saurait avoir sa place à l’intérieur du Tabernacle.3
7–10 Restera impur jusqu’au soir. Le rite de la vache rousse est paradoxal en ce sens que les cendres purifient ce qui est impur, mais rendent impur ce qui est pur.
Autrement dit, les prêtres qui préparent et administrent les cendres doivent être désireux de quitter l’enceinte du Tabernacle – et prêts à être temporairement exclus de toute chose sainte – afin de purifier leurs frères juifs. C’est ce sacrifice altruiste, la volonté qui est la leur d’aller au-delà de leurs intérêts personnels, qui éveille la sainteté transcendante de D.ieu et achève la purification.
Il est vrai que D.ieu récompense toutes les bonnes actions, et les prêtres savent sûrement qu’à long terme ils tireront un bénéfice du fait qu’ils auront mis de côté leur propre pureté et se seront inquiétés de purifier leurs frères. Pourtant, pour que ce rituel fonctionne leurs motivations doivent être pures ; ils ne peuvent pas avoir ce calcul en tête.
De cet exemple, nous apprenons : (1) combien nous devons être prêts à aider chacun à rejoindre le domaine de la pureté et de la sainteté, même si le fait de l’aider nous rend temporairement impurs ; et (2) combien nous devons veiller à la pureté de nos motivations.4
9 En dépôt. Notre dévouement envers la communauté peut nous faire oublier que cela même peut nous rendre impurs. Lorsque nous aidons quelqu’un d’autre, par exemple, notre rôle de bienfaiteur peut créer en nous des illusions de grandeur. Enfin, nous ne devons pas compromettre le niveau de pureté que nous gardons dans d’autres domaines lorsque nous nous rendons impurs pour quelqu’un d’autre. C’est pour toutes ces raisons qu’il fallait conserver une partie des cendres de la vache rousse à titre de rappel pour ceux qui entreprennent de purifier leurs frères.5
12 Le troisième et le septième jour. Pour nous débarrasser de l’impureté de la mort, nous devons invoquer le troisième et le septième attribut émotionnel de l’âme. Le troisième attribut est la pitié (ra’hamim), et le septième est l’humilité (chiflout).
Plus nous ressentons la douleur de notre âme Divine, qui voit sa conscience limitée par le monde matériel, plus nous sommes conduits à la sauver par l’étude de la Torah de D.ieu et l’accomplissement de Ses commandements. Ainsi, nous nous adressons à D.ieu dans nos prières comme Celui « qui ressuscite les morts avec grande miséricorde ».6 Moins nous sommes égocentriques, moins nos intérêts personnels bloquent le flux de la force de vie Divine et de la vitalité qui vient dynamiser notre vie.7
22 Impureté. Dans un sens allégorique, le rituel de la vache rousse rachète la faute du veau d’Or comme suit :
Qu’ils prennent pour toi : de leur propre argent, puisqu’ils firent don de leurs bijoux pour fabriquer le veau.
une vache : pour que la mère (la vache) corrige le désordre provoqué par l’enfant (le veau).
sans défaut : pour restaurer la perfection du peuple, entachée par le veau d’Or.
sur laquelle on n’aura jamais mis de joug : afin de racheter le fait d’avoir jeté à terre le joug du ciel.
On la remettra à Eléazar : et non à Aharon, car il prit part à la faute.
Quelqu’un brûlera alors la vache : comme Moïse brûla le veau.
Le prêtre prendra du bois de cèdre, de l’hysope et de la laine écarlate : trois objets, en correspondance avec les trois mille hommes tués pour avoir commis la faute du veau, et pour indiquer que le transgresseur, hautain comme le cèdre, doit s’abaisser jusqu’au rang de l’hysope ou du ver qui produit la teinte écarlate afin d’être en mesure de se repentir.
Il les placera… en dépôt : car chaque fois qu’une faute est sanctionnée, la faute du veau d’Or est punie en même temps.
Quiconque porte l’eau d’aspersion devient impur : tout comme le veau rendit le peuple impur, la vache le fait vis-à-vis de tous les participants au rite.
Il doit prendre… une partie des cendres… et asperger… la personne impure : de même que le peuple fut racheté au moyen des cendres du veau.
20:2 L’assemblée n’avait pas d’eau. La nourriture nourrit le corps, mais le corps a besoin d’eau pour absorber les nutriments qu’elle contient. Dans un sens allégorique, la « nourriture » de l’âme est la Torah, et son « eau » est la capacité de la Torah à influencer toutes les facettes de notre personnalité, tous les types d’hommes et tous les aspects de la vie.
Comme nous l’avons vu,8 Miriam fut celle qui garantit l’existence d’une nouvelle génération de Juifs destinée à accomplir la mission de D.ieu. Elle encouragea le peuple juif à continuer d’engendrer des enfants et sauva les nouveau-nés du décret de Pharaon. La source d’eau existait par le mérite de ses efforts pour que la Torah continue de « couler » dans la prochaine génération.
Avec le décès de Miriam, Moïse dut assumer son rôle. Cela nous enseigne que, lorsque d’autres Juifs sont en danger physique ou spirituel, nous devons leur venir en aide quand bien même ce type d’assistance ne serait pas notre point fort. Quand nous aidons autrui, D.ieu nous aide pour nos propres besoins.9
12 Vous n’amènerez pas. N’était-ce cette faute, Moïse et Aharon auraient probablement eu le privilège de conduire le peuple en terre d’Israël.10 Bien que Moïse ait commis une faute plus grave lorsque, à Kivrot Hataava, il remit en cause la puissance de D.ieu,11 il la commit en privé, et elle ne devint donc pas un mauvais exemple pour le peuple. Ici, en frappant le rocher, ce fut en public qu’il n’obéit pas à l’ordre de D.ieu.
Pour Me sanctifier. Quelles que soient les justifications de leur conduite, les dirigeants juifs doivent décider de leurs actes de telle sorte qu’ils incitent le peuple à adhérer à la Torah et ses voies avec davantage de dévouement.
De même, lorsque nous traitons avec les autres, nous devons toujours tenir compte de l’impact potentiel que nos paroles ou nos actes peuvent avoir sur leur attitude envers le peuple juif en général et le message de la Torah en particulier.12
13 Il fut sanctifié. D.ieu annula alors Sa promesse de donner aux enfants d’Israël les terres des Ammonites, des Moabites et des Édomites dès qu’ils entreraient dans le pays,13 et revint à Son plan originel de reporter la conquête de ces terres jusqu’au temps messianique.14 Néanmoins, comme l’on expliquera plus loin,15 Il voulait bien leur accorder les parcelles d’Ammon et de Moab qui avaient été conquises par les Amoréens ; aussi, Il indiqua à Moïse de conduire le peuple vers la terre d’Israël, non pas en partant de l’est, mais du sud.
21 Israël s’éloigna. En allant vers le nord, il y avait une route alternative : celle qui passait par les terres de Moab. Moïse demanda ensuite aux Moabites la permission de traverser leur pays, mais ces derniers lui refusèrent le passage,16 encore qu’ils ne se soient pas empêchés de vendre de la nourriture aux Juifs.17 D.ieu fit savoir à Moïse que, ce territoire ne faisant pas partie du pays qu’Il avait l’intention de faire don au peuple, il ne devait pas essayer de le conquérir ;18 toutefois, Il lui permit potentiellement d’effrayer, d’attaquer et de piller ses habitants,19 car qu’ils imitaient l’immoralité de leur ancêtre.20 Après avoir passé quatre mois à Kadech, les Juifs se dirigèrent vers le sud, et s’éloignèrent de la terre d’Israël en longeant la frontière occidentale d’Édom.
1 Le roi d’Arad entendit. La Torah vient relater les événements survenus lors du séjour des Hébreux au mont Hor. Comme nous l’avons vu,21 les nuées qui entouraient les enfants d’Israël au cours de leurs voyages les protégeaient des éléments et des attaques des ennemis, les guidaient à travers le désert et leur servaient de « garde d’honneur ». Lorsque Aharon mourut, les nuées cessèrent de servir ce dernier but, car elles l’avaient fait uniquement par son mérite, et servirent désormais les seules fonctions de guide et de protection.22
Les nuées. Aharon aimait tous les Juifs de manière identique, se souciait de leur bien-être, leur enseignait patiemment la Torah, et réglait discrètement les disputes qui éclataient entre les gens, y compris celles survenant au sein des couples.23 Les nuées de Gloire, qui entouraient tout le peuple juif sans distinction, existaient par son mérite.24
Il fit alors la guerre. Amalek attaqua d’abord les Juifs lorsqu’ils s’acheminaient vers le mont Sinaï pour recevoir la Torah, et ici encore, alors qu’ils s’apprêtaient à entrer en terre d’Israël.
De même, notre Amalek intérieur tente d’abord de refroidir notre enthousiasme envers D.ieu et Sa Torah. Tant que nous nous acquittons de nos obligations religieuses, cette attitude peut sembler ne pas poser de grand problème. Mais, si nous approchons notre mission divine sans chaleur et enthousiasme, nous finirons par ne plus y trouver d’intérêt, et chercherons à la place des divertissements nous offrant des satisfactions matérielles ou spirituelles plus immédiates.
Si notre Amalek intérieur ne réussit pas à refroidir notre enthousiasme, il se déguisera en « Cananéen » rusé, un habitant du monde matériel dans lequel nous entrons après nos prières et nos études quotidiennes. Il argumentera : « Sois saint pendant que tu pries et étudies la Torah, mais lorsque tu gagnes ta vie et que tu as affaire avec le monde matériel, vis d’après mes règles ». Bien que cette voix puisse ressembler à celle d’un homme d’affaires avisé, elle est en fait la voix d’Amalek. En dépit de ses concessions apparentes à nos efforts spirituels, il a pour but de nous détruire. La seule réponse appropriée à Amalek est de l’anéantir sans ménagements, ce que l’on accomplit par le renouveau permanent de notre enthousiasme pour D.ieu et Sa Torah, et notre désir qu’Il soit notre guide dans tous les aspects de la vie.25
7 Moïse pria. Le pardon absolu de Moïse à l’égard du peuple qui avait médit de lui doit nous servir d’exemple.26 Lorsque nous accordons à celui qui nous a offensé un pardon « formel », nous lui épargnons toute punition divine dérivée de ses actes à notre encontre. Mais lorsque nous lui pardonnons d’une manière absolue, sans que subsiste en nous la moindre rancune, nous sommes conduits à prier également pour son bien-être général et son progrès spirituel.27
12 Dans la vallée du fleuve Zéred. D.ieu dit alors à Moïse que, bien que le peuple approchait des terres d’Ammon, situées de l’autre côté du fleuve Arnon, il ne devait pas non plus tenter de les conquérir, car elles ne se comptaient pas parmi celles qu’Il projetait de lui donner.28 En outre, Il interdit aux Juifs d’attaquer les Ammonites parce qu’une des épouses du roi Salomon serait issue de ce peuple.29 De même, alors qu’Il leur avait permis d’effrayer, attaquer et piller les Moabites, Il leur interdit d’en faire autant à l’égard des Ammonites, parce que leur ancêtre avait été plus vertueuse que celle des Moabites, et, à son exemple, les Ammonites étaient moins immoraux qu’eux.30 Mais D.ieu dit à Moïse qu’ils devaient au contraire combattre les Amoréens et conquérir leur pays, car cela leur était permis.31
14 En ce qui concerne ce campement. Le long de son cours vers la mer Morte, le fleuve Arnon passe entre Moab et le territoire des Amoréens, coulant dans une gorge entre deux falaises. Du côté sud du fleuve, le côté moabite, les falaises étaient perforées par des grottes ; du côté nord, le côté amoréen, des saillies rocheuses pointaient face à ces grottes. Les Amoréens se cachèrent dans les grottes, projetant de bombarder les enfants d’Israël de flèches et de pierres lorsqu’ils longeraient le fleuve au fond de la gorge. Mais comme les enfants d’Israël approchaient, la falaise septentrionale, qui serait bientôt dans les mains des Juifs, trembla – pour ainsi dire – en anticipation des faits, et ses saillies pénétrèrent dans les grottes et tuèrent les Amoréens qui s’y étaient cachés. Lorsque la falaise retourna à sa place, le sang et les membres des Amoréens tombèrent depuis les saillies vers le fond de la gorge. D.ieu fit alors descendre le puits qui accompagnait les Hébreux par le désert jusqu’à ce qu’il se confondit avec ce fleuve de sang et de membres ; puis Il le fit remonter miraculeusement jusqu’au camp juif et couler tout autour de lui, étalant le sang et les membres des Amoréens (notamment leurs bras forts, musclés)32 afin que le peuple puisse connaître le miracle qu’Il avait accompli pour eux et l’apprécier.
21 Au nom d’Israël. Le fait que la Torah dise que Moïse envoya des messagers à Édom et qu’Israël envoya des messagers à Si’hon, alors que dans les deux cas ce fut Moïse qui envoya les messagers au nom du peuple d’Israël, nous enseigne que Moïse et Israël étaient par essence équivalents.33 Le vrai dirigeant juif ne fait pas que représenter le peuple : lui et le peuple constituent une entité unique. Ses actes ne sauraient être classés comme publics ou privés ; il est un serviteur public à part entière. Ainsi donc, tous ses actes sont considérés comme des actes accomplis par le peuple dans son ensemble.
L’identification totale du vrai dirigeant juif à son peuple, et le dévouement désintéressé avec lequel il s’y consacre, font de lui le canal à travers lequel D.ieu pourvoit à tous les besoins matériels et spirituels du peuple. Dès lors, non seulement le dirigeant est un avec le peuple, mais le peuple est un avec lui. Aussi, tous ceux qui font partie du peuple peuvent s’élever à la perspective de la réalité de leur dirigeant et partager sa conscience divine et sa vie inspirée, même s’ils ne se sont pas encore suffisamment raffinés pour en être dignes par eux-mêmes.34
22:3 Moab eut une grande peur. Si’hon et Og avaient prélevé un tribut des rois cananéens en échange de la protection de leurs terres contre les envahisseurs,35 mais les rois avaient gardé cet arrangement secret vis-à-vis de la population en général afin de ne pas donner l’impression de dépendre d’autrui pour garantir sa défense.
Or Balak était au courant de cet arrangement. Il pensait que la raison pour laquelle les Juifs n’avaient pas encore attaqué les Moabites était la crainte de voir Si’hon et Og se mobiliser pour leur défense. Il savait en outre, comme tous d’ailleurs, que D.ieu avait promis des prouesses militaires spécifiquement aux non-Juifs, et vit que cette promesse avait empêché les Juifs de mener une guerre contre Édom.36 Il supposa alors que la raison pour laquelle les Juifs n’avaient pas attaqué Moab était qu’ils craignaient d’attaquer quiconque d’autre que les peuples de Canaan, car ils savaient que D.ieu leur avait uniquement promis le pays de Canaan, et qu’Il ne leur viendrait donc en aide que dans les batailles qu’ils mèneraient pour conquérir ce pays. Mais quand il vit que les Juifs avaient victorieusement combattu Si’hon et Og – qui ne vivaient pas en Canaan même –, Balak craignit qu’ils n’hésitent plus à lutter contre les Moabites. Et à présent il n’y avait personne pour les protéger.
Dès lors, Balak dit aux Moabites que de toute évidence, les Juifs n’avaient jamais hésité à conquérir des terres autres que Canaan, et que leurs protecteurs avaient été vaincus. Ainsi, les raisons pour lesquelles les Juifs ne les avaient pas attaqués auparavant n’étaient plus valables.
L’argument de Balak ne parut pas intimider les Moabites, qui étaient toujours d’avis que les Hébreux n’avaient nul intérêt sur leur terre et, en conséquence, ne les attaqueraient pas. Mais en fait ils devinrent très inquiets à la perspective d’être pillés sans relâche.37
23:9 Aussi robustes que les cimes des rochers… aussi robustes que les collines. La « robustesse » dont il est question ici fait référence au dévouement du peuple à D.ieu – dévouement sage, désintéressé et inébranlable –, au point d’être prêt sacrifier sa vie s’il le faut plutôt que de le trahir. Nous héritons de cet attribut des patriarches et des matriarches, qui intériorisèrent ce dévouement si ardemment qu’il devint une partie de leur être, et fut ainsi transmis à leurs descendants.38
10 Des quatre divisions d’Israël. Balaam reprit : « Leur vertu intrinsèque s’exprime également par le caractère régulier et inaltérable de certains des commandements qu’ils accomplissent. Ainsi, a-t-on jamais compté le nombre des commandements que D.ieu a ordonné de pratiquer aux descendants de Jacob en pensant que c’est ainsi qu’ils gagnent leur mérite ? En accomplissant les commandements, les Juifs acquièrent un mérite ininterrompu et infini, comme il en est des commandements qu’ils accomplissent avec la poussière de la terre : ils labourent le sol sans cesse, et à chaque fois qu’ils le font sans harnacher un bœuf et un âne ensemble, ils accomplissent un commandement !39 Ils sèment constamment leurs champs et leurs vignes, et à chaque fois qu’ils le font sans mêler les espèces, ils accomplissent un commandement !40 Quelqu’un a-t-il jamais compté la quantité de semence vitale d’Israël en pensant que le nombre témoignerait de son mérite ? D.ieu la compte parce qu’Il attend avec impatience la naissance de personnes justes. » Lorsque Balaam s’entendit dire que D.ieu comptait la semence vitale produite dans les relations conjugales des Juifs, il en fut dégoûté, et pensa : « Est-il convenable que le Saint D.ieu soit lubrique ? » Pour avoir considéré avec mépris la sainteté des relations conjugales et laisser entendre que D.ieu faisait mauvais usage de Sa vue, Balaam devint aveugle d’un œil. Cet œil fut enlevé par la suite, laissant à vide son orbite.41
16 L’Éternel entra en contact de nouveau. Dans ses deux premiers oracles, Balaam mentionne l’amour de D.ieu pour les Juifs ainsi que leur propre mérite. Dans le premier d’eux, il transmet l’idée qu’il est impossible de maudire les Juifs ; Balaam souligne ainsi l’amour protecteur de D.ieu. Dans le second, il signale que les Juifs méritent en fait d’être bénis, insistant sur leurs mérites intrinsèques.42
21 Il ne voit pas de mal dans Jacob. La raison pour laquelle D.ieu ne voit aucun mal en nous est parce qu’Il nous considère comme ayant déjà réalisé notre potentiel et réorienté notre penchant animal (notre âme animale) vers le Divin, autrement dit comme ayant bridé et canalisé la force brute de notre animal intérieur dans la recherche d’une conscience divine plus élevée. Ce qui nous permet d’effectuer cette transformation, c’est notre âme Divine. L’étincelle du Divin que possède tout un chacun contient un petit peu de la toute-puissance de D.ieu ; aussi, elle peut vaincre l’entropie de l’âme animale, qui nous tire toujours vers le bas, et à laquelle on ne saurait parer par des voies naturelles.
Telle est la signification profonde du verset :
Il ne voit pas de mal dans Jacob : autrement dit, D.ieu entend par là que nous pouvons maîtriser notre âme animale, parce que…
L’Éternel est avec eux, c’est-à-dire en nous, en référence à l’âme divine, qui nous donne les moyens de transformer notre âme animale.43
23 Qu’a accompli D.ieu ? Balaam proclama : « Même à présent, D.ieu manifeste Son affection pour les Juifs en leur faisant savoir directement quand leur conduite Lui déplaît, pour leur donner l’occasion de se repentir et éviter le châtiment. Ainsi, il n’y a pas besoin de devins chez Jacob ni besoin d’augures chez Israël : chaque fois que le peuple a besoin de savoir quelle est Sa volonté, ce que D.ieu a promulgué est transmis à Jacob et à Israël au moyen de leurs prophètes, ou, lorsque le peuple n’est pas digne de recevoir de communication prophétique directe, par les ourim et toumim. »44
24:5 Que tes tentes sont belles. Le fait de dresser les tentes de telle sorte que personne ne puisse regarder, pas même par hasard, l’intérieur de celle qui appartient à une autre famille semblerait beaucoup moins significatif que le soin de préserver l’intégrité de la lignée familiale en restreignant l’activité charnelle dans les limites prescrites. Pourtant, Balaam mentionna en premier lieu ce fait apparemment anodin, soulignant ainsi que c’est bien le soin qu’accordait le peuple aux détails de leur conduite modeste qui l’impressionna.
La leçon que ceci nous enseigne est que nous ne devons jamais penser qu’il convient de nous soucier seulement des questions « importantes » de la pudeur et de l’intimité, et qu’il nous est permis de nous relâcher à l’égard des détails « insignifiants » et « innocents ». C’est que tout détail, pour petit qu’il soit, a son importance, au point de pouvoir transformer une malédiction (ou une situation maudite) en une bénédiction (ou une situation bénie).45
Jacob … Israël. Les deux noms du patriarche Jacob – Jacob et Israël – font référence au peuple juif en tant que nation. « Jacob » fait allusion aux Juifs dans leur rôle de serviteurs de D.ieu (comme dans le verset « N’aie crainte, Mon serviteur Jacob »46 ), tandis qu’« Israël » fait tout autant référence à leur rôle d’enfants de D.ieu (comme dans le verset « Israël est Mon fils aîné »47 ). Nous jouons tous ces deux rôles, parfois l’un à la fois, parfois les deux en même temps, tout en mettant l’accent sur l’un ou l’autre.
Les tentes sont mentionnées en rapport avec Jacob, et les sanctuaires avec Israël. Une tente est une couverture protectrice extérieure, tandis qu’un sanctuaire est la charpente-foyer que protège la tente. Lorsque nous servons D.ieu en tant que « Jacob », comme des serviteurs disciplinés et fidèles, même si notre côté animal a pris alors le dessus et que nous préférerions nous consacrer à d’autres tâches, nous dressons des « tentes », des champs de force protégeant la vie divine que nous nous sommes construite jusqu’à présent contre l’intrusion de la conscience mauvaise, négative ou animale. Lorsque nous servons D.ieu en tant qu’« Israël », comme des enfants affectueux et dévoués, nous faisons de notre vie un sanctuaire pour Lui par l’acte de renforcer notre conscience divine et nous reconnaître dans les valeurs et aspirations qu’Il a pour Son monde.48
7 Ton roi s’élèvera au-dessus d’Agag. Les rois d’Amalek sont tous appelés Agag, de même que tous les rois d’Égypte sont nommés Pharaon et les rois de Philistie, Aviméle’h.49 La raison pour laquelle les rois d’Amalek sont connus sous le nom générique d’Agag est que ce mot est lié au mot hébreu signifiant « toit » (gag), la partie de la maison qui protège ses habitants de l’atmosphère se déployant au-dessus de leurs têtes. Le peuple d’Amalek incarnait les maux de l’arrogance et de l’égocentrisme, se rebellant contre le D.ieu qui est au Ciel par pure effronterie. En effet, ils prétendaient ignorer D.ieu et se protéger de la présence du Ciel dans leur vie, gênante pour eux. C’est pourquoi le nom de leurs rois dérive du mot pour « toit ».50
14 Je te conseillerai. Balak fut finalement convaincu que Balaam était inapte à l’aider à vaincre les Juifs. Cependant, conscient que seuls les moyens spirituels pouvaient l’emporter sur eux, il était toujours d’avis que quelqu’un d’une envergure spirituelle plus élevée que celle de Balaam aurait des chances de réussir. En réponse, ce dernier dit à Balak : « Abandonne ton idée de l’emporter sur leurs mérites spirituels. Même les Égyptiens les plus vertueux et dignes de louanges, ceux qui firent cas des paroles de D.ieu et épargnèrent ainsi leurs animaux de mourir par les plaies, ne parvinrent pas à les vaincre et se noyèrent dans la mer des Joncs.51 En revanche, je te conseille d’attirer les Juifs dans la faute afin que leur D.ieu soit contraint de les punir. Leur D.ieu a horreur de la débauche charnelle, et les Juifs apprécient les vêtements faits en lin. Installe alors un marché, et place parmi les vendeurs de vieilles femmes offrant des vêtements de lin dans des étals ouverts. Les Juifs ne se méfieront pas de parler à de vieilles femmes. Puis demande à ces femmes de leur faire savoir que les mêmes vêtements sont vendus dans des tentes à des prix plus réduits. Tu auras préposé comme vendeuses dans les tentes de jolies jeunes femmes. Une fois que les hommes juifs y seront entrés, tu demanderas aux jeunes femmes de leur offrir du vin afin qu’ils baissent la garde et succombent à leurs sollicitations amoureuses. Les femmes pourront alors les séduire et les inciter en même temps à adorer leurs idoles, et D.ieu les punira pour leur immoralité comme pour leur idolâtrie. »
19 Il anéantira les restes de la cité. Le prophète Isaïe décrit l’un des traits distinctifs de l’ère messianique : « Des rois seront tes tuteurs, et leurs princesses tes nourrices. »52 Dans les pays gouvernés par des institutions monarchiques, les membres de la famille royale sont les personnalités les plus imprégnées des valeurs culturelles de leur société, à laquelle ils s’identifient avec fierté et loyauté. À ce titre, il semblerait qu’elles sont les dernières personnes à qui nous devrions confier les soins et l’éducation de nos jeunes enfants, si impressionnables à leur bas âge ! Cependant, à l’ère messianique les nations du monde seront débarrassées de leurs scories et, devenues désormais sensibles aux valeurs et qualités du peuple juif, elles cesseront d’être ses adversaires pour devenir ses défenseurs.
Cela ne fait que souligner le lien rattachant les prophéties de Balaam et l’ère messianique. La figure de Balaam est le symbole de cette transformation, car ses tentatives de malédictions furent transformées en de formidables bénédictions de louange.53
25:1 Israël s’établit à Chitim. Comme nous le savons, tout au long de leur voyage dans le désert, les Juifs n’eurent pas à se soucier de pourvoir aux besoins ordinaires de la vie matérielle. La manne, le puits de Miriam et les nuées de Gloire satisfaisaient leurs besoins d’aliments, de boissons et de vêtements.54 Dès lors que toutes ces provisions étaient fournies par le Ciel, elles ne contenaient pas d’impuretés. En fait, tout au long de leurs quarante années d’errance les Juifs n’eurent pas à excréter de déchets corporels.
Ces provisions étaient pures au sens matériel comme spirituel, ce qui signifie qu’elles ne contenaient aucun élément pouvant éveiller l’appétit sensuel. À Chitim les Juifs étaient au seuil d’un nouveau type de vie, qui impliquait un engagement direct et intense dans le monde matériel. Il était peut-être inévitable qu’à leur première rencontre avec la vraie matérialité, qui revêtait l’apparence de la jouissance sensuelle à l’état pur, se soit éveillée leur curiosité à l’égard d’un aspect de la réalité jusqu’alors inconnu d’eux.
Ce fut ainsi que le peuple commença à s’égarer : au début, seulement dans le sens de « se laisser entraîner par les yeux et le cœur, par lesquels on s’égare »,55 mais finalement ils commencèrent à s’égarer tout autant dans leur comportement. C’est la raison pour laquelle le lieu où cela se produisit portait le nom de « Chitim » (שטים) lequel s’apparente au mot hébreu signifiant « déviation » (lissetot, לשטות). Toute faute commence par un écart mineur du bon chemin, comme se perdre dans la forêt commence par un léger écart de la voie principale.
C’est Moïse qui, par son mérite, nous préserve de retomber à nouveau dans cette faute, comme il est dit : « Et Il l’enterra [Moïse] dans la vallée en Moab, en face du site de [la secte de] Péor,56 afin de racheter ce qui survint à Péor. »57 Cela est dû au fait que Moïse personnifie l’humilité et l’oubli de soi. Celui qui possède ces traits est immunisé contre le sentiment égocentrique prônant qu’il faut que rien ne nous manque, ce par quoi l’on commence à fauter, et gardera en outre la conscience de la présence de D.ieu, qui l’empêche de se sentir attiré par les charmes sensuels de la matérialité.58
6 L’homme hébreu. Les transgresseurs de la tribu de Siméon s’approchèrent de l’un de leurs chefs,59 Zimri fils de Salou, et se plaignirent : « On nous condamne à mourir ! Pourquoi ne fais-tu rien pour nous défendre ?! » Alors, Zimri rassembla un groupe d’Hébreux et se rendit avec eux chez la fille de Tsour,60 le roi principal de la confédération madianite,61 et essaya de la convaincre de s’engager dans des relations charnelles avec lui. La jeune femme s’appelait Kozbi. Au début Kozbi déclina sa demande, arguant que son père, le chef des Madianites, lui avait ordonné de ne séduire personne d’autre que Moïse. Mais Zimri lui fit remarquer que sa lignée était supérieure à celle de Moïse, puisqu’il était issu de la tribu de Siméon, le second fils de Jacob, tandis que Moïse était descendant de Lévi, le troisième de ses fils.
Il défia Moïse. Zimri lui demanda : « M’est-il permis d’épouser cette Madianite ? Si tu dis qu’elle est interdite, de quel droit alors as-tu épousé Tsipora, également madianite ? » Le raisonnement manquait de sens, car Moïse avait épousé Tsipora avant que la Torah soit donnée, et, de ce fait, avant que le mariage entre Juifs et non-Juifs soit interdit. Comme nous l’avons vu,62 ce n’est que depuis le don de la Torah que les Juifs furent tenus à l’observance des commandements de D.ieu, ce que firent également la multitude diverse et d’autres non-Juifs (comme Tsipora) qui décidèrent alors de rejoindre le peuple juif. Mais Zimri n’attendit pas sa réponse et, pour renforcer son argument, emmena Kozbi dans une tente et se livra à des relations charnelles avec elle.
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