Chemini – La conclusion des rites d’investiture ; la cacherout

La troisième section du Lévitique aborde notamment deux sujets sans lien apparent. La première moitié de la paracha présente un caractère historique : elle fournit le récit du huitième (chemini, en hébreu) et dernier jour des rites d’inauguration du Tabernacle, l’aboutissement des sept jours précédents, décrits dans la paracha de Tsav. La seconde moitié de la paracha est juridique : y sont recensés les animaux autorisés ou interdits à la consommation – fondement des lois de la cacherout – ainsi que les lois concernant l’impureté rituelle et l’impureté due au contact avec les animaux interdits.

Comment se peut-il donc que ces sujets sans lien évident entre eux soient abordés dans une même paracha ? Et pour quelle raison la description du huitième jour des rites d’inauguration est-elle distincte – de manière apparemment artificielle – de celle des sept jours précédents ?

Le nom même de cette paracha nous suggère la réponse. Chemini – « huitième », en hébreu – fait référence, comme nous l’avons dit, au lendemain des sept jours durant lesquels se déroula l’inauguration du Tabernacle. Le but du Tabernacle était d’éveiller chez les hommes la conscience de Dieu, mais ce ne fut qu’au huitième jour des rites d’inauguration que l’objectif fut atteint. Au cours des sept premiers jours, Moïse dressa et démonta le Tabernacle chaque jour, suivant les indications de Dieu, et offrit lui-même tous les sacrifices, tandis qu’Aharon et ses fils restèrent essentiellement passifs. Et pourtant, lors de ces sept premiers jours aucun feu divin ne descendit du ciel consumer les sacrifices ; aucune violation évidente des lois de la nature, aucun miracle ne se produisirent. Ce n’est qu’au huitième jour que le Tabernacle se mit à « fonctionner » : Moïse le dressa pour ne plus le démonter, Aharon et ses fils commencèrent à officier en tant que prêtres et – événement central – le feu divin descendit miraculeusement sur l’autel dévorer les sacrifices.

Le fait que la révélation de Dieu ne se soit produite que le huitième jour reflète l’idée que le nombre sept symbolise l’ordre naturel, tandis que le huit représente la transcendance miraculeuse de l’ordre naturel.1 Le monde, conçu pour fonctionner conformément aux lois de la nature, fut créé en sept jours. Les deux séries des sept jours de la semaine et des sept années du cycle sabbatique constituent l’ordre naturel de la création, dans laquelle nous sommes appelés à infuser la conscience du Divin.

Le nombre huit, en revanche, est associé au dépassement des limites de la nature. Néanmoins, le fait que le huitième jour soit appelé « le huitième » démontre qu’il constitue la suite des sept précédents, et que, sans les sept jours non miraculeux de l’inauguration, ce huitième jour miraculeux ne se serait pas produit. La raison en est que Dieu fait dépendre Son intervention miraculeuse de ce que nous accomplissions tout ce qui est à notre portée au sein de la nature afin de la préparer à une telle révélation.

Il est indiqué dans le Midrach2 que l’une des raisons pour lesquelles Dieu nous a permis de manger certains animaux et nous a interdit d’en manger d’autres est de nous raffiner. Le raffinement fondamental que l’observance de ces lois entraîne est l’acquisition de la maîtrise de nous-mêmes, qui s’obtient par le respect des limites relatives à ce qu’il nous est permis de consommer. De ce point de vue, les animaux interdits n’ont en soi aucun trait répugnant, que ce soit physique ou autre ; le peuple juif est tenu de s’abstenir de les manger simplement parce que Dieu l’a établi ainsi.

Certainement, le monde ne fait aucune distinction entre les animaux cachère et non cachère. En revanche, en déterminant quels animaux sont autorisés (ou favorables à la conscience du Divin) et lesquels sont interdits (ou opposés à cette conscience), la Torah transforme l’éventail indifférencié de la faune en une école du raffinement de l’humanité. Ainsi, la Torah vise à ce que monde naturel parvienne à dépasser la nature, le « monde du sept » devenant ainsi une expression du huit divin.

Dans cette optique, nous voilà à présent à même de comprendre pourquoi le récit du huitième jour des rites d’installation du Tabernacle est associé aux lois de la cacherout et de la pureté plutôt qu’au récit des sept jours précédents. Le récit des événements du huitième jour, aussi bien que les lois qui s’ensuivent, expriment la véritable finalité de la création : la révélation de la conscience du Divin, une conscience transcendant le naturel, au sein du monde matériel, le monde de la nature.

Le récit du dernier et huitième jour des rites d’investiture, lorsque la Présence Divine descendit ouvertement sur le monde, stimule notre souhait d’être témoins de la révélation ultime de la Présence de Dieu sur terre : la Délivrance finale. Les lois concernant les animaux autorisés ou interdits, qui expriment l’idéal de transformer la réalité en un canal pour la conscience du Divin, nous donnent à la fois les outils pour concrétiser cet idéal et un avant-goût de la transformation réelle de la « nature » en conscience du Divin, qui surviendra avec la Délivrance ultime.3