Behar - Les années sabbatiques et jubilaires
La neuvième section du lévitique s’ouvre lorsque Moïse entend la voix de D.ieu dans le Tabernacle – érigé au pied de la montagne (behar, en hébreu) – lui ordonnant de transmettre au peuple les lois relatives aux années sabbatiques et jubilaires.
Behar signifie « sur la montagne » en référence au mont Sinaï, le lieu du don de la Torah. Le premier verset de la paracha de Behar déclare : « Et l’Éternel parla à Moïse au mont Sinaï, disant... » Nous savons bien que les livres de l’Exode, du Lévitique et des Nombres furent donnés, dans leur plus grande partie, au mont Sinaï. Pour quelle raison ce fait est-il donc mis en relief ? Le contenu de cette paracha doit avoir, à l’évidence, un lien plus inhérent au mont Sinaï que le reste de la Torah. De quoi s’agit-il ?
À première vue, le contenu qui ouvre la paracha incarne presque l’antithèse de l’état d’exaltation spirituelle du peuple au mont Sinaï. Rappelons que le mont Sinaï fut l’endroit où se déroula la révélation divine la plus intense de l’histoire, le don de la Torah. Là également furent expliquées en détail la plupart des lois de la Torah, car D.ieu s’entretint avec Moïse sur une période d’une année entière ou presque. Au pied de la montagne fut érigé, pour la première fois, le Tabernacle, où D.ieu révélait Sa présence à Son peuple par le feu céleste qui consumait les sacrifices de chaque jour. En bref, c’est sur cette montagne que notre peuple atteignit les sommets spirituels les plus élevés, et s’affranchit ainsi des limites propres à l’existence profane.
Or les commandements et les préoccupations humaines qui ouvrent la paracha de Behar sont, à l’opposé, bel et bien profanes. Le commandement de ne pas labourer la terre la septième année impliquait d’affronter des problèmes purement pratiques et matériels. La Torah elle-même le reconnaît, qui aborde la question : « Si vous vous demandez : “Que mangerons-nous la septième année ?” »1 À partir de là, le sujet s’éloigne progressivement des hauteurs spirituelles jusque-là associées au mont Sinaï. On nous informe que, si nous ne nous abstenons pas d’entreprendre des travaux agricoles tout au long de la septième année, nous finirons par être dans l’obligation de vendre nos biens, puis notre héritage, puis notre maison, puis d’emprunter avec intérêts. Si nous n’enrayons pas cette spirale de déclin spirituel, nous finirons par nous vendre comme serviteurs à un Juif, puis à un païen, et enfin comme attachés au service d’une idole.2 Les abîmes dans lesquels un être humain peut sombrer par mépris de la loi de D.ieu offrent un contraste frappant avec les images sublimes évoquées par le mont Sinaï.
La réponse à cette énigme est qu’il s’agit là, sans aucun doute, d’un contraste intentionnel, et que la référence surprenante au mont Sinaï, qui marque le début de cette paracha et lui donne son nom, a pour but de nous inciter à surmonter les ténèbres d’un monde qui vante le scepticisme et le matérialisme dégradé présentés en détail dans le reste de la paracha.
Nous sommes certainement incapables d’élever notre environnement par nous-mêmes, car nous y sommes « enfermés », en faisant partie intégrante. La nature suit les lois immuables de la cause et de l’effet ; du déterminisme biologique, psychologique et sociologique ; et chaque aspect de notre vie est soumis à ces lois. À ce titre, nous sommes emprisonnés dans la nature, et, pour reprendre les termes des sages, « un prisonnier ne peut se libérer lui-même de son emprisonnement ».3 Seule une force extérieure peut libérer quelqu’un qui est enfermé à l’intérieur.
C’est la Torah – notre lien avec la volonté transcendante et infinie de D.ieu – qui nous donne la capacité de dépasser les limites de la nature et les perceptions naturelles de notre environnement. Le lien spirituel que nous établissons avec D.ieu au moyen de l’étude de la Torah et de l’observance de ses commandements nous procure la « force » transcendante nécessaire pour nous soustraire à la spirale du déclin spirituel. Ainsi, la paracha de Behar s’ouvre sur une allusion au don de la Torah au mont Sinaï afin de nous rappeler que c’est de la Torah, et uniquement de la Torah, que nous tirons le pouvoir d’élever même les aspects les plus profanes de la vie jusqu’au spirituel.4
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