Emor – La prêtrise ; les fêtes
La huitième section du Lévitique, la paracha d’Emor, comprend deux sujets principaux : le premier est la sainteté requise pour les prêtres et les sacrifices, le second est le calendrier des fêtes. Tout cela est suivi par l’épisode du blasphémateur.
Le premier ensemble de lois s’adresse uniquement à ceux qui assurent la fonction de prêtres – il leur est spécifiquement adressé –,1 tandis que le second forme la base de la vie du peuple entier. La présence de ces deux sujets dans une même paracha indique qu’en dépit de leur apparent manque de rapport, ils possèdent un dénominateur commun.
Le nom de cette paracha, Emor, signifie « Dis ». La formule habituelle que D.ieu utilise dans la Torah pour transmettre Ses commandements est la suivante : « Parle aux enfants d’Israël et dis-leur... », faisant précéder le commandement de dire par celui de parler.
En hébreu, les verbes que nous traduisons par « parler » et « dire » présentent des nuances de sens différentes. Ledaber (« parler ») désigne les « paroles fermes » par lesquelles on délivre le message d’une manière objective, sans détour, mettant l’accent sur l’exactitude et la précision du contenu, sans rien y ajouter. En revanche, lemor (« dire ») désigne les « paroles douces », par lesquelles le message qu’on livre est consciemment adapté à la subjectivité de son destinataire afin qu’il soit bien reçu et clairement compris.2
Selon la tradition, la redondance inhabituelle par laquelle s’ouvre cette paracha – « Dis aux prêtres, les descendants d’Aharon, et tu leur diras... » – signifie que Moïse ne doit pas seulement transmettre aux prêtres le message de D.ieu : il ordonnera également aux prêtres aînés de veiller à la formation de leurs cadets. Comme nous le verrons par la suite,3 voici le premier enseignement de la Torah en matière d’éducation. Chaque fois que nous observons une conduite ou une attitude qui nécessitent d’être redressées ou corrigées, nous voici placés ipso facto – par la providence Divine – dans le rôle d’éducateurs. En ce sens, nous pouvons jouer le rôle d’enseignants non seulement dans la salle de classe avec nos élèves, mais également lors de nos échanges avec nos collègues, nos enfants ou nous-mêmes.
Ceci implique que l’éducation doit être mise en œuvre principalement au moyen de « paroles douces » ; pour être efficaces, les éducateurs doivent faire preuve d’empathie envers ceux dont ils ont la charge, et adapter leur style de communication en conséquence.4
Dans le cadre de cette éducation, dont l’efficacité se fonde sur l’emploi de « paroles douces », l’éloge de l’élève constitue un élément essentiel. Tous nos « élèves » potentiels possèdent un bien infini et latent ; en faisant l’éloge du bien, nous mettons au jour les qualités positives contenues en chacun d’eux, leur permettant ainsi de réaliser leur potentiel dans une bien plus grande mesure qu’ils ne pourraient le faire par eux-mêmes.
D’autre part, les fêtes juives ont ceci d’unique que c’est le peuple juif lui-même qui sanctifie les jours où elles se déroulent. La sainteté du Chabbat se trouve d’ores et déjà établie – chaque Chabbat a lieu le septième jour, quoi que nous fassions – ; en revanche, les dates des fêtes, par lesquelles nous sommes amenés à sanctifier le temps, sont seulement établies une fois que le peuple juif – représenté par le Sanhédrine – a déterminé la date de commencement de chaque mois.
Le cycle des fêtes, la sanctification des temps fixés pour nous réunir avec D.ieu, constitue ainsi une expression supplémentaire de la puissance de la parole, de son pouvoir d’influencer et de déterminer la réalité. Par l’acte de nommer un jour en particulier comme le premier jour du nouveau mois, le peuple juif utilise le pouvoir de la parole pour « éduquer » le temps, pour l’investir d’un sens de sainteté qui lui ferait autrement défaut – ou plutôt pour en révéler la sainteté intrinsèque, qui resterait sinon dissimulée et à l’état latent. Le sujet qui clôt la paracha, l’épisode du blasphémateur et son châtiment, est certainement un exemple tragique de l’usage impropre de la parole et ses conséquences. C’est du fait que la parole possède un pouvoir réel que l’on attache une telle importance à son mauvais usage.
Ainsi, après qu’il nous ait été enseigné dans la paracha de Kedochim que la conscience du Divin – la sainteté – peut vraiment pénétrer toutes les facettes de la réalité, il nous est dit dans la paracha d’Emor combien de force nous avons pour atteindre cet objectif. En tant que « royaume de prêtres et nation sainte », nous avons le pouvoir d’influencer et même de déterminer la réalité par l’usage approprié de la parole, ce qui implique, d’une part, d’éduquer l’« enfant » qui est en nous aussi bien que notre enfant réel en les orientant vers la sainteté ; de l’autre, d’imprégner le temps de sainteté.5
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