La parachat Tétsavé s’achève sur les instructions relatives à la construction de l’autel en or sur lequel l’encens devait être brûlé dans le Sanctuaire. La Torah est pertinente pour tous les Juifs et pour toutes les époques, mais quelle est l’application contemporaine de ce passage ? Nous n’avons plus ni Temple ni autel. Il semblerait que ces lois n’ont rien à nous dire dans le présent. Cependant, il n’en est rien, car il est deux sortes de Temple, dont l’une ne peut être détruite. C’est le Temple présent en chaque Juif, où il continue d’accomplir son service qui est un reflet intérieur du service du Sanctuaire. Le Rabbi explique en détail comment l’une des lois relatives à l’autel peut être traduite en un principe important concernant l’âme juive.
1. Des autels sur terre et dans l’âme
Dans la Michna, l’ordre Moed s’achève (à la conclusion du traité ‘Haguiga)1 avec la loi selon laquelle l’autel d’or2 et l’autel de cuivre3 ne requéraient pas d’immersion rituelle pour la raison qu’ils ne pouvaient devenir impurs. D’après Rabbi Eliézer, la raison en était qu’ils étaient considérés comme la terre (qui ne peut devenir rituellement impure). Selon les autres Sages, c’était parce qu’ils étaient recouverts de métal. La couverture de métal était en effet considérée comme subsidiaire par rapport à la structure interne (qui était en bois de chittim), laquelle ne pouvait devenir impure.
La Torah étant la parole de D.ieu qui est infini, elle est elle-même infinie. Infinie dans le temps parce qu’elle est éternellement en vigueur. Infinie dans sa signification, parce que chaque verset possède d’innombrables degrés d’interprétation et de sens. Au niveau littéral (pchat), elle contient des lois et des récits ; au niveau de l’allusion (rémez), elle renvoie, de manière indirecte, aux principes les plus profonds du Judaïsme ; sur le plan de l’exégèse (drouch), elle esquisse l’éthique religieuse du Juif ; enfin, au niveau ésotérique (sod), elle contient les réponses aux mystères de l’expérience du Divin.
Ainsi, la loi relative aux autels d’or et de cuivre a bien plus qu’une simple signification littérale. Elle recèle une morale qui demeure pertinente pour le Juif même quand il n’y a plus de Temple ni d’autel.
Quand D.ieu dit à Moïse d’ériger un Sanctuaire, Il dit : « Et ils Me feront un Sanctuaire et Je demeurerai en eux », ce qui voulait dire : dans l’âme de chaque Juif. Ainsi, bien que le Temple matériel soit détruit, le Temple intérieur que chaque Juif construit au dedans de lui-même survit, indestructible. Et le service qu’il effectue dans les profondeurs de son âme reflète en tous points le service du Temple et du Sanctuaire. De sorte que les lois de ce dernier, qui paraissaient n’avoir aucune application actuelle, constituent de fait des directives précises pour la vie intérieure du Juif.
2. La purification
Dans le Sanctuaire, il y avait de nombreux ustensiles, de différentes sortes, chacun avec sa fonction propre. Cela est représenté dans l’âme juive par ses nombreuses facettes et capacités : l’intellect, l’émotion, la volonté et le plaisir.
Il se peut qu’au cours du service divin survienne quelque motivation étrangère, quelque désir profane, peut-être même contraire à la volonté divine. Ceci équivaut au cas où l’un des ustensiles du Sanctuaire deviendrait impur. Ses pensées sont devenues impures et il doit chercher le moyen de retirer cette impureté pour qu’elles redeviennent dignes de participer au service du Sanctuaire intérieur. Car dans le Sanctuaire, aucune impureté n’était admise.
3. Le feu et le sacrifice
Parmi les Juifs, il y a des hommes de cuivre4 et des hommes d’or.5 Ceux dont les richesses spirituelles abondent sont comparables à l’or : chacun de leurs actes est comme une pièce de valeur. Les Juifs spirituellement pauvres sont les pièces de cuivre de la vie religieuse. Mais chaque Juif, quel que soit son comportement intérieur ou extérieur, garde intact, au cœur de son être, un désir intrinsèque d’obéir à la volonté divine6 – une étincelle de foi, parfois cachée, parfois attisée jusqu’à jaillir comme une flamme. Rabbi Yossef Its’hak de Loubavitch a dit : « Un Juif ne veut, ni ne peut, être arraché à la Divinité. » Cette étincelle est là où se trouve l’autel du Temple intérieur du Juif.
Sur l’autel étaient offerts les holocaustes. C’étaient des animaux, consumait par un feu venu de D.ieu. La même chose se passe à l’intérieur du Juif. Le sacrifice est une partie de lui : son « âme animale », ses désirs égoïstes. Et le feu qui les consume est celui de l’amour de D.ieu dont la source immortelle est l’étincelle de sainteté présente au cœur de son âme.7
4. Rabbi Eliézer et les Sages
Le message de la loi citée dans la Michna est celui-ci : que le Juif appartienne aux « autels d’or » ou aux « autels de cuivre », tant qu’il se rappelle qu’essentiellement il est un autel où le feu de l’amour de D.ieu consume « l’âme animale » de ses passions égoïstes, il ne peut devenir impur, car il est alors semblable à la terre. De même que la terre que nous foulons est un symbole d’humilité, notre âme se vide de toute volonté excepté la volonté de D.ieu, telle qu’exprimée dans la Torah. Aussi disons-nous dans nos prières : « Puisse mon âme être devant toute chose semblable à la poussière. »
Tel est le raisonnement de Rabbi Eliézer, qui était lui-même la personnification de l’humilité. Sa grandeur était telle qu’on disait de lui : « Si tous les Sages d’Israël étaient sur un plateau de la balance, et Eliézer, le fils d’Hyrcanos, sur l’autre plateau, la balance pencherait de son côté. »8 Cependant, il n’admettait jamais qu’il eût un quelconque mérite, et le Talmud nous dit qu’« il ne disait jamais rien qu’il n’eût entendu de ses maîtres ».9 Vivant de manière si intérieure, il ne voyait naturellement que l’intériorité des autres Juifs. Il les considérait par-delà leurs différences superficielles, au niveau où tous sont égaux dans leur attachement à D.ieu et à la Torah. Il voyait que la vie vécue dans la Torah est la seule réalité juive. Et il enseignait à ses élèves, par son effacement, que le véritable exercice de l’intellect s’accompagne nécessairement d’humilité et d’ouverture totale à D.ieu.
Les autres Sages avaient un raisonnement différent. Ils considéraient qu’une telle attitude est trop difficile pour être exigée de tous, car rares sont ceux qui peuvent soutenir cet effort de façon continue. Ils prenaient en considération les différences superficielles entre les Juifs. Ils savaient qu’il peut arriver de trébucher sur la route. Les hommes d’or peuvent se laisser hypnotiser par l’or. Les hommes de cuivre peuvent aussi développer un attachement excessif pour leurs propres ressources, si durement acquises. Pourtant, soutenaient-ils, l’autel du Juif ne peut jamais devenir impur, du fait qu’il est seulement recouvert par le métal. Les différences entre un Juif et un autre, et leurs manquements occasionnels, ne sont que des couvertures superficielles. Ce qui est en dessous reste toujours pur, et si puissant que la couverture demeure subsidiaire. L’étincelle prévaudra, et le Juif reviendra à la vérité qu’il n’a jamais réellement perdue intérieurement. La vérité que l’existence juive est, et peut seulement être, une vie de Torah et d’observance des commandements.
Les ustensiles du Sanctuaire intérieur sont, comme leur nom l’indique, des récipients. Quand ils sont purs et que leur service est pur, ils sont les réceptacles des bénédictions divines, matérielles aussi bien que spirituelles, comme nous le dit la Torah :
« Si vous vous conformez à Mes statuts et observez Mes commandements... la terre donnera son produit et l’arbre du champ donnera son fruit. »10
(Source : Likoutei Si’hot, vol. 3, p. 910-912)
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