La voix et les mains – terreur à Jérusalem

Ésaü était fatigué. Il venait de commettre son premier meurtre. Prendre une âme avait épuisé la sienne. Il se sentait vulnérable. Il lui fallait se restaurer à tout prix. Il vit son frère Jacob qui préparait un plat de lentilles, le plat du deuil de leur grand-père Abraham qui était décédé ce jour-là. Mais ces considérations étaient loin d’Ésaü. Manger, manger vite. Il vendit son droit d’ainesse à Jacob pour ce plat de lentilles.

Des années et des centaines de meurtres plus tard, Ésaü part chasser de quoi contenter son père, Isaac, afin que celui-ci lui transmette le pouvoir de bénédiction qu’il reçut lui-même d’Abraham. Isaac ne sait pas qu’Ésaü a renoncé à son privilège d’aîné au profit de son frère, mais surtout il ne conçoit pas que Jacob, Jacob le spirituel, le saint, puisse mener à bien la mission du Judaïsme de transformer la matière du monde. Ésaü, l’homme de la terre, malgré sa compromission dans les poursuites matérialistes, était assurément le seul à même d’y parvenir.

Aveugle, Isaac ne peut voir celui qui lui sert le met demandé. Il peut seulement entendre sa voix et palper ses mains. Et le voilà stupéfait : il entend dans la bouche de celui qu’il croit être Ésaü des mots de louanges pour D.ieu. Les paroles, la voix, sont bien celles de Jacob, mais les mains, rudes et velues, sont bien celles d’Ésaü.

Par ce subterfuge, Jacob a prouvé à son père qu’il était capable de lutter contre l’obscurité du monde en rivalisant de ruse. Il a démontré qu’il pouvait être un bien meilleur Ésaü qu’Ésaü lui-même. Et il a de surcroit révélé à son père qu’il était légalement le détenteur de la destinée de l’ainé. Il se voit alors délivrer la bénédiction et la mission d’imprégner la terre de la sainteté du ciel.

Et depuis lors, cette équation reste valable : « La voix est la voix de Jacob, mais les mains sont les mains d’Ésaü. »

La voix de la Torah qui fait résonner les fondements du monde à la fréquence de la parole divine qui l’anime. La voix de la prière qui élève nos âmes vers notre Créateur. Cette voix est le chant de la Création, la mélodie qui rythme le chant des grenouilles et la danse des électrons, le murmure du vent et le ballet des planètes. Cette voix qui unifie les âmes vivantes de toutes les créatures en un hommage constant à la Source de vie.

Et il y a les mains sanguinaires d’Ésaü qui veulent faire taire cette voix par la violence. Il y a ceux qui prétendent « vivre par l’épée », alors qu’ils sont le visage de la mort.

Notre voix ne se taira pas. Dans cette synagogue de Jérusalem où les terroristes sont venus porter la mort à des donneurs de vie, ce sont des centaines de voix qui ont retenti dès le lendemain. Parmi ces voix, celle d’un petit bébé dont on célébra la circoncision, l’entrée dans l’alliance d’Abraham. Cet enfant sera à jamais le vainqueur de cette guerre.

Ainsi, la vie prévaudra, « la mort disparaîtra à jamais et D.ieu effacera les larmes de tous les visages et fera disparaître l’opprobre de Son peuple de toute la terre » (Isaïe 25,8).

Et ce jour-là, un chant nouveau résonnera et « ils se lèveront et chanteront ceux qui gisent dans la poussière » (Isaïe 26,19) et les saints de Jérusalem seront parmi eux.

Emmanuel Mergui
Au nom de l’équipe éditoriale de Chabad.org

P.S. Ce dimanche nous retransmettrons en direct le grand banquet du Congrès International des Émissaires du Rabbi, à partir de 23h30 heure française (17h30 à New York)