Durant Sim’hat Torah, c'est une coutume juive – et « une coutume juive a force de loi »1 – de prendre la Torah couverte de sa mante et de danser avec elle autour de la table de lecture (la bimah). Cela demande une explication. En effet, la Torah implique l'étude qui exige intelligence et compréhension. Il semblerait donc approprié d'exprimer notre joie avec la Torah en se concentrant ce jour-là sur son étude intensive. L'effort intense d'une étude plus grande et plus profonde apporterait la compréhension qui devrait éveiller la joie en nous. Pourquoi, alors, exprimons-nous notre joie en dansant avec nos pieds ? De plus, nous dansons avec la Torah dissimulée sous sa mante, de sorte que nous ne pouvons pas l'étudier ?

Certes, à Sim’hat Torah également la Torah doit être étudiée, mais ceci fait partie de notre obligation constante d'étudier la Torah. Il n'existe pas d'obligation particulière à ce jour d'exprimer notre bonheur par une étude supplémentaire. Ce n'est pas là que réside notre joie de Sim’hat Torah.

La réelle signification de la Torah n'est pas seulement l'intelligence et la compréhension, mais, surtout, sa sainteté. C'est pourquoi même les gens ignorants récitent les bénédictions sur la Torah, car, à ce niveau, tous les Juifs se rattachent à elle. Toutefois, dans la mesure où la Torah doit pénétrer l'individu et l'imprégner totalement et non lui demeurer étrangère, l'étude et la compréhension sont également nécessaires. Par elles le Juif établit une relation plus intime entre l'essence de la Torah et l'essence de son âme, et les unit.

Nous dansons, par conséquent, à Sim’hat Torah avec la Torah dissimulée dans sa mante, inaccessible à nos yeux, ce qui symbolise le degré auquel elle est au-delà de notre compréhension. En effet, notre allégresse en ce jour n'est pas fondée sur notre compréhension de la Torah, mais plutôt sur le fait qu'à travers elle nous nous rattachons à D.ieu, dans Son Essence.

Nous exprimons donc notre joie en dansant avec nos pieds, parce que les pieds symbolisent la soumission, la foi, car ils ne font qu'obéir à la volonté de l'intellect qui les guide.

« Les pieds de la Torah »

Cette allégresse avec la Torah cachée sous sa mante a lieu au commencement de l'année, après le repentir au cours du mois d'Eloul, après Roch Hachana, les Dix Jours de Repentance, Souccot et Chemini Atseret. Au début d'une nouvelle année de « travail » au service de D.ieu, tous les Juifs sont comme le petit enfant dont on commence l'éducation, et eux aussi doivent commencer avec la prise de conscience exprimée dans le verset « Torah tsiva lanou Moché », « La Torah que Moïse nous a ordonnée ... », c'est-à-dire avec soumission au Joug Divin. Avec cette base, l'étude logique et raisonnée de la Torah tout au long de l'année sera imprégnée de foi et de dévotion totale à D.ieu.

Maintenant, nous pouvons com­prendre les paroles du précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its'hak Schneerson :

« A Sim’hat Torah, la Torah désire danser autour de la bimah. Mais, puisqu'elle ne possède pas de pieds, les Juifs lui en tiennent lieu, en la portant autour de la bimah, de la même façon que les pieds marchent et supportent la tête d'une personne vers la destination de son choix. »

Que veut dire qu'un Juif représente les pieds de la Torah ?

Ceci veut dire que lorsqu'un Juif danse à Sim’hat Torah, il se soumet totalement à la Volonté de D.ieu au point qu'il ne se conçoit plus comme un être indépendant. Il devient ce que les pieds sont à la tête, subordonnés et répondant instantanément au désir de l'esprit. Si les pieds se ressentent comme une existence individuelle, s'ils « réfléchissent » avant de suivre les directives de l'esprit, alors c'est un signe de maladie. Un Juif est comme « les pieds du Séfère Torah », il accepte et décide fermement que durant l'année suivante il sera complètement soumis à la Torah ; si fermement que tout ce qu'elle demande lui devient inhérent et naturel. Et, de la même manière que les pieds mènent la tête vers le lieu qu'elle ne pourrait atteindre d'elle-même, les Juifs, en acceptant le joug de la Torah avec joie, apportent une exaltation spirituelle à la Torah.

Voici la signification profonde de l'expression au pluriel désignant cette fête : « Le temps de notre joie ». Les Juifs se réjouissent avec la Torah et la Torah se réjouit avec le peuple juif, car leurs actions lui permettent une ascension spirituelle encore plus grande.

Sans oublier la tête

Bien que l'allégresse de Sim’hat Torah s'exprime d'abord par les pieds dansants avec une ferveur religieuse, c'est cependant autour de la bimah que nous devons tourner avec la Torah, pour rattacher notre joie à la lecture et l'étude de la Torah, représentées par la bimah. En outre, pour évoquer cela, nous lisons avant les Hakafoth une compilation de versets (Atah Horéta, etc.).

Sur la base de notre discussion, comment pouvons-nous concilier les pieds qui dansent, symbole de foi et de soumission, avec l'étude et la réflexion intellectuelle ?

Tichri, le premier mois de l'année, possède, sous une forme condensée, toutes les qualités spirituelles d'où nous puisons la capacité de remplir plus tard nos obligations religieuses – l'étude de la Torah et l'accomplissement des Mitsvot – au cours de toute l'année suivante. Donc, Tichri est unique dans sa double nature, ayant des qualités spécifiques propres et étant la source générale de notre conduite pour l'année prochaine.

En conséquence, Tichri contient non seulement la base de l'étude de la Torah – la soumission fidèle à la volonté de D.ieu (la danse), mais également l’édifice qui repose sur cette base : l'étude de la Torah. Pourtant, nous nous concentrons sur la base, l'engagement fidèle, exprimé par les pieds qui dansent. Tandis que l'étude de la Torah est symbolisée par la bimah autour de laquelle nous la portons.

Foi et connaissance

Il existe une autre nécessité de lier la soumission fidèle à l'étude de la Torah, à l'intelligence. En plus d'une foi sincère, simple, irrationnelle, un Juif doit aussi parvenir à une autre forme de soumission à D.ieu, découlant, celle-ci, de sa compréhension. En effet, dans le premier cas, son lien avec D.ieu est imparfait et incomplet, car la foi ne l'a pas pénétré totalement. Sa vie de chaque jour n'en est pas imprégnée. Tandis que, s'il arrive à la foi par la réflexion, elle lui devient inhérente et affecte chacune de ses actions, même profanes. L'homme perçoit alors le monde entier comme imprégné du rayonnement intérieur de D.ieu.

C'est   pourquoi   la   danse   des Hakafoth est précédée par des versets de la Torah et  est liée à sa lecture de par le fait qu’elle entoure la bimah. Car l'étude et la compréhension rendent la danse des Hakafoth, la soumission à D.ieu, absolue.

Cette conception de la double nécessité de la foi irrationnelle et de la connaissance réfléchie est subtilement marquée dans le premier verset que l’on récite avant les Hakafoth : « Atah horéta » – « Il t'a été révélé pour que tu saches, que l’Éternel est D.ieu ; il n’est rien d’autre que Lui. »2 Le début du verset, « Il t’a été révélé », indique que D.ieu s'est révélé Lui-même au peuple juif de Sa propre volonté, aucun effort ne leur a été demandé. La révélation du Sinaï résulte du lien originel des âmes juives avec l'Essence de D.ieu. Cette révélation est irrationnelle, elle n'a pas été conquise par la connaissance.

Mais, immédiatement après, le verset dit  « pour que tu saches », impliquant qu'il doit y avoir un prolongement de la « vision » jusqu'à la « connaissance ». Car alors son unité avec D.ieu est parfaite et influence l’ensemble de son existence.

C'est aussi le sens du dernier verset que nous récitons avant les Hakafoth : « Car la Torah sortira de Tsiyone (Sion) et la parole de D.ieu de Yérouchalayim (Jérusalem) »3 Tsiyone, ou Yérouchalayim, est une ville réelle. Comment se peut-il que la Torah, qui est spirituelle, et la « parole de D.ieu » émergent d'un endroit matériel ?

C'est là la qualité de la Torah d'attirer la révélation divine dans l'intelligence et la connaissance humaines, jusque dans les choses matérielles. Ainsi elles deviennent un Tsiyone – un signe – de la divinité, elles ne constituent pas une entité indépendante de D.ieu. Le monde matériel est transformé en « Yérouchalayim » – Yirah-Chalem –, en crainte parfaite de D.ieu et soumission à Sa volonté.

Grâce à l'étude de la Torah, l'homme gagne la prise de conscience sans limites de l'omniprésence de D.ieu, il perçoit que même à l'intérieur du monde physique que « il n’est rien d’autre que Lui ».