Il y a deux sortes de gens : ceux qui voient la tragédie et ceux qui voient l’opportunité.

Si leur maison s’envole en fumée, les premiers méditeront sur la beauté du foyer désormais disparu ; les seconds penseront au foyer encore plus beau qu’il leur est donné de construire.

Remplacer les tables brisées

En approchant de Sim’hat Torah, le point culminant des fêtes du mois de Tichri, nous repensons à cette saison de fêtes qui s’achève. En réalité, cette saison débute le 17 Tamouz, le jour qui marque le début de la destruction de l’ancien Temple juif à Jérusalem.

En ce jour, nous pleurons la gloire perdue de notre passé et aspirons à la restauration de notre Saint Temple. Conscients que nos ancêtres furent exilés à cause de leurs fautes, nous nous efforçons, à partir de ce jour, d’améliorer notre comportement.

Le 17 Tamouz marque également le jour où Moïse détruisit les premières Tables de la Loi. Redescendant du mont Sinaï, Moïse eut la douleur de voir son peuple danser autour d’un veau d’or. En déduisant qu’ils n’étaient plus dignes de leur mandat divin, il jeta les Tables à terre. Le péché du veau d’or fut le début d’une longue dérive qui culmina avec la seconde tragédie commémorée en ce jour : la destruction du Temple.

Ayant ces deux événements à l’esprit, nous entamons en ce jour une période de repentance qui dure jusqu’à Roch Hachana, le premier jour de la nouvelle année. En ce jour, D.ieu juge la création et nous l’implorons de nous juger favorablement.

Notre sort reste suspendu jusqu’à Yom Kippour, le jour qui entra dans l’histoire comme étant le jour de l’expiation. En ce jour, D.ieu pardonna à nos ancêtres la faute du veau d’or et consentit à donner à Moïse de nouvelles Tables. C’est également en ce jour qu’Il nous pardonne.

Le cercle se referme. Ce que nous avons commencé le jour où les Tables furent brisées s’achève le jour où elles furent remplacées. Ce qui a débuté comme un élan de repentir s’achève avec une totale expiation. Ce dénouement positif est une cause de célébration, et nous nous réjouissons effectivement : nous entamons la fête de Souccot, toute de festivités et de réjouissances.

Un revirement soudain

Traversant en dansant la fête, nous nous délectons de notre piété retrouvée et jouissons de notre statut de peuple vertueux de D.ieu. De fait, ces fêtes culminent leur dernier jour avec une célébration de D.ieu et de la Torah. Nous nous réjouissons avec D.ieu et D.ieu se réjouit avec nous. Nous célébrons avec la Torah, et la Torah célèbre avec nous, le peuple qui l’a choisie.

Il est approprié que de lire la dernière section de la Torah en ce jour. Les versets résonnent des louanges de Moïse et de son peuple. Une ode à notre nation, à sa force et à son esprit. Une ode à Moïse, à sa prophétie et à son rôle de chef du peuple.

Les derniers mots sont finalement entonnés : « Cette puissance imposante que Moïse accomplit aux yeux de tout Israël » (Deutéronome 34, 12) « ‘Hazak ! » déclarons-nous alors, « Nous sommes renforcés ».

Attendez. Juste un instant. Quels étaient ces derniers mots ? De quelle puissance imposante s’agit-il, que Moïse accomplit à nos yeux ? Nos sages enseignent qu’il s’agit de la puissance avec laquelle Moïse fracassa les Tables de la Loi.1

Comment ? Encore cela ? Mais je pensais que c’était derrière nous ! C’était le début de notre cheminement. Nous étions censés être au sommet ! Sommes-nous en train de revenir en arrière ?

La raison du péché

Ceci enseigne que la Torah est sur la ligne du second groupe. Celui qui voit dans la tragédie un potentiel positif et dans le pécheur un repenti en puissance.

Le Talmud enseigne que nos ancêtres furent obligés, par une force divine, d’adorer le veau d’or. Après avoir reçu les Dix Commandements, ils étaient dans un tel état de piété qu’ils n’auraient jamais trahi D.ieu s’Il ne les y avait pas contraints. Il fit cela pour démontrer le pouvoir du repentir.2

C’est pour que nous ne désespérions pas de notre capacité à nous repentir, ouvrant ainsi une brèche dans notre relation avec D.ieu, que le péché du Veau d’Or fut ainsi orchestré, car il révèle la puissance du repentir. Le repentir nous a ramenés du seuil même de l’idolâtrie. Non seulement a-t-il réparé notre lien avec D.ieu, mais il l’a rendu plus fort que jamais.

De même qu’une corde est la plus solide là où elle a été rompue puis nouée de nouveau, une relation est plus forte lorsqu’elle fut brisée par une trahison, puis renouée. Le processus du repentir commença pour nos ancêtres au moment où Moïse jeta les Tables. La Torah ne considère pas cela comme un moment d’échec, mais comme le moment où débuta la guérison.

Sim’hat Torah

À l’apogée de notre célébration, quand nous sommes le plus sûrs de notre propre piété, le pouvoir du repentir nous est rappelé. Pour que nous ne fautions plus, il nous est rappelé de ne jamais désespérer.

Le péché ferme une porte, mais en ouvre une autre. Il ferme la porte à la piété, mais ouvre la porte au repentir. Ce dernier est plus puissant que la première. Plutôt que de percevoir nos péchés comme des obstacles, nous sommes encouragés à les considérer comme des occasions de nous repentir.

La danse circulaire

C’est la raison pour laquelle nous dansons en cercles à Sim’hat Torah. L’érudit et l’ignorant, le pieux et le méchant, tous dans un même cercle. Un cercle n’a ni début, ni fin, ni haut, ni bas. Dans un cercle, tous sont égaux.

En ce jour, il nous est rappelé que l’ignorant et le méchant ne sont pas des pécheurs, mais de repentis potentiels. Ce n’est pas une question de « si », mais plutôt de « quand ? ». Ce jour-là, ils ne rejoindront pas les rangs des érudits et des pieux. Ils les surpasseront.3