Hier mes filles sont revenues de l’école et m’ont informée qu’elles avaient de nouvelles camarades dans leurs classes. L’une de ces filles était de Nétivot, une autre de Béer Chéva et, enfin, il y a Léah de Ashdod.
Depuis que la guerre a commencé, ma fille de six ans me demande chaque jour : « Est-ce que la guerre est terminée ? Quand est-ce qu’elle va s’arrêter ? » La semaine dernière, ma fille de huit ans a raconté comment elles avaient passé la matinée à s’exercer à se réfugier dans le bunker antiaérien de l’école. Nous habitons juste en dehors de Jérusalem. Pourquoi l’école fait-elle cela ? Mais j’ai entendu la voix de ma fille. Elle ne perçoit aucune différence entre elle et Efrat de Nétivot. Nous sommes tous en danger.
J’ai regardé de nouveau la photo et j’ai ressenti un choc– Nous avons toutes une partenaire, et devons marcher calmement. Nous n’avons pas le droit de courir, a raconté mon autre fille au moment du repas.
Il y a quelques jours, ma fille de neuf ans a regardé le journal par-dessus mon épaule.
– Qui est-ce ? a-t-elle demandé, désignant la photographie d’un des premiers soldats à être tués au cours de la guerre.
– C’est un soldat qui a été tué, lui ai-je dit.
– Non, ce n’est pas un soldat, fit-elle en secouant la tête. C’est un garçon. Il n’est pas assez âgé pour être un soldat.
Alors qu’elle retournait jouer, j’ai regardé de nouveau la photo et j’ai ressenti un choc. Il avait vraiment l’apparence d’un enfant ! Il était tellement jeune. Il aurait pu être n’importe lequel de nos fils. Comment ne l’avais-je pas remarqué ? Ne passai-je pas mon Bac au même âge ?
Plus tard ce jour-là, un chauffeur de taxi anxieux nous disait que ses deux fils étaient à Gaza.
– Savez-vous ce que c’est que d’attendre toute la journée à écouter ces nouvelles ? dit-il en montant le son de la radio.
– À minuit mes fils m’appellent. « Aba, ne t’en fais pas, » qu’ils disent. « Tout ira bien. » Il secoue la tête alors que les nouvelles crépitent dans la radio.
– Ce n’est pas normal. C’est normal quand vos enfants sont à la maison.
Je pense à l’été que j’ai passé en tant que volontaire pour Tsahal (l’Armée de Défense d’Israël). C’était entre ma troisième et quatrième année à l’université. J’étais idéaliste et motivée. Je voulais aider. Alors j’étais là, en plein uniforme militaire, à quatre heures du matin dans une base près de Tsfat, prête à construire des blocs de ciment pour l’armée. Nous avons travaillé dans une intense chaleur d’été. Je ne l’ai pas ressentie. J’étais tellement heureuse. J’aidais. La dernière nuit avant mon retour à New York, j’étais assise en compagnie d’un des véritables soldats israéliens pour le dîner.
– Savez-vous quelle est la seule différence entre vous et moi ? demanda-t-il dans un anglais hésitant.
– Quoi ? ai-je demandé. Je me sentais tellement appartenir à ce pays que je ne m’imaginais pas qu’il put y avoir de quelconque différence entre nous.
– Vous rentrez chez vous et moi, je pars à la guerre.
J’étais stupéfaite, bien que je n’aurais pas dû l’être. Je n’avais été là que depuis un mois. Et je n’allais pas ma battre. En fait, je ne savais même pas ce qu’était une véritable guerre. Qu’est-ce que c’était que d’avoir son Bac et recevoir un fusil au lieu d’un passeport pour une grande université ?
De retour chez moi, j’étais assise sur notre canapé de cuir noir, entourée d’un tapis gris et pelucheux, et j’essayais de me concentrer sur la conversation. C’était une de ces soirées typiques, pleines de professionnels charismatiques qui voyageant souvent.
– Alors, comment s’est passé ton voyage ? m’a demandé un invité bien intentionné. Mon esprit est reparti vers la froide et spartiate base militaire, avec les lueurs de l’aube se levant derrière les montagnes de Tsfat. J’ai entendu ma propre voix au loin. Je décrivais les paysages, les arômes, et les gens d’Israël. Et j’ai ressenti une étrange bouffée de nostalgie qui montait en moi. C’était étrange, parce que j’étais assise chez moi, mais mon cœur était clairement ailleurs.
Alors que je me souviens de cette époque, ma fille me rappelle soudainement à la réalité. La réalité sur laquelle nous devons nous concentrer.
Elle demande, « Est-ce que tout le monde croit en D.ieu maintenant ? » Nous nous arrêtons tous.
– Qu’est-ce que tu veux dire ? lui dis-je, bien que j’ai déjà compris ce qu’elle entendait par là.
– Et bien, après les miracles de cette semaine... Toute la famille de Efrat est saine et sauve bien qu’un missile soit tombé juste à côté de leur maison. Alors maintenant, tout le monde sait, pas vrai ?
Jusqu’où laisserons-nous les miracles actuels nous amener ?Je repense à la guerre de Kippour. Après que quelques soldats soient revenus du front, tout le monde s’est réuni dans une des maisons pour les accueillir et entendre les dernières nouvelles. C’était un groupe composé de soldats représentant tous les degrés d’observance du Judaïsme. Et ils dirent :
« Vous vous rappelez comment D.ieu avait promis aux Maccabées qu’une petite troupe vaincrait une puissante armée ? C’est exactement ce qui s’est passé ! C’était un miracle ! Ils auraient pu prendre Tsfat et au lieu de ça, ils ont battu en retraite. C’était biblique. Un vrai miracle sous nos yeux ! »
L’auditoire dans ce salon était saisi.
Alors je me demande, jusqu’où laisserons-nous les miracles actuels nous amener ? Allons-nous voir le soleil se lever et puis tourner le dos au début miraculeux d’un nouveau jour ? Allons-nous voir des centaines de roquettes s’abattre sans blesser quiconque et dire que c’est seulement une coïncidence ? Ou bien allons-nous laisser cette guerre changer nos existences ? Allons-nous voir les visages d’enfants sous ces casques de soldats ? Allons-nous nous souvenir que, demain, nous devrons peut-être nous aussi courir vers les abris ? Allons-nous accueillir autrui dans nos foyers et nos cœurs comme nos enfants le font ? Les miracles sont tout autour de nous. Ouvrons nos yeux et changeons nos vies.
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