J’ai rencontré Ilan Ramon pour la première fois lors d’une réunion presque clandestine dans ma ville de Satellite Beach, en Floride. Les agents de la NASA et les équipes de sécurité israéliennes avaient pris des mesures de sécurité extraordinaires pour s’assurer que rien ne tournerait mal. Même le lieu avait été gardé secret jusqu’au jour de notre entrevue.
Ilan s’est adressé aux présidents de communautés juives rassemblés pour l’occasion. Après son discours, il s’approcha de moi. Il me donna une chaleureuse accolade et m’exposa sa requête : « M. le rabbin, j’ai besoin de vous parler. Je veux respecter le Chabbat pendant que je serai dans l’espace, mais personne ne peux me dire comment faire ! »
Et c’est ainsi que nous sommes devenus amis.
Ilan était un Juif extraordinaire. Il m’a souvent confié qu’il considérait son voyage dans l’espace comme une mission. « Je vais représenter le peuple juif tout entier », disait-il. Et en tant que représentant du peuple juif, il voulait tout accomplir de la meilleure manière possible du point de vue du Judaïsme, y compris observer le Chabbat et consommer uniquement de la nourriture cachère.
« De la nourriture cachère ? » Les agents de la NASA avaient haussé les épaules en entendant l’étrange demande de l’astronaute juif. Mais Ilan n’était pas du genre à abandonner si facilement et une solution fut trouvée. La NASA contacta la société My Own Meals basée à Deerfield dans l’Illinois qui fabrique des rations alimentaires pour campeurs certifiées cachères dans des étuis « thermostabilisés ».
Le Chabbat représentait aussi un sacré défi. Un cycle jour/nuit en orbite dure à peu près 90 minutes, ce qui veut dire qu’une semaine dure à peine dix heures et demi du début jusqu’à la fin ! Ilan devait-il observer le Chabbat une fois par demi-journée ?
A sa demande j’ai présenté son cas à certaines des plus hautes autorités rabbiniques dans le monde, qui ont statué qu’il devait observer les horaires de Chabbat de son lieu de décollage, Cap Canaveral.
La fierté juive d’Ilan et sa décision de pratiquer le Torah à des milliers de kilomètres de la Terre firent une profonde impression sur notre communauté comme sur les Juifs du monde entier.
Ilan avait émit le souhait de visiter notre Beth ‘Habad avant son voyage dans l’espace, mais son emploi du temps serré ne l’avait pas permis. Nous avions convenu qu’après son retour il participerait à une réception que nous organiserions en son honneur. Nous n’avions jamais imaginé que sa mission spatiale s’achèverait dans des circonstances tellement tragiques...
Le Chabbat matin, je marchais en direction de la Choule, accompagné de ma fille. A 9h16, l’heure estimée de réentrée dans l’atmosphère, ses yeux étaient fixés sur sa montre et elle attendait le boom supersonique signalant le passage de la navette spatiale. Mais les cieux demeurèrent silencieux.
Nous arrivâmes à la Choule et la prière commença. Soudain, un ami du poste de police du quartier apparut, nous disant qu’il y avait eu un accident et que tous les membres de l’équipage avaient été tués. Les gens commencèrent à affluer au Beth ‘Habad. Certains déposèrent des fleurs au pied du panneau électronique qui souhaitait à l’équipage un bon retour. Le Chabbat passa dans un mélange confus d’incrédulité et de peine.
Une semaine plus tard, vendredi matin à 9h16 précises – l’heure à laquelle ils auraient du atterrir – une brève mais bouleversante cérémonie eut lieu et il me fut demandé de partager quelques sentiments. La tristesse était palpable dans l’atmosphère. Au nom d’Ilan et de sa famille, j’ai remercié les équipes de la NASA pour leurs efforts et j’ai fait de mon mieux pour les réconforter. « Ilan m’a dit ‘Jérusalem, nous avons un problème !’ », leur dis-je. « Il voulait savoir comment observer le Chabbat lorsque vous avez un coucher de soleil toutes les 90 minutes et une nouvelle ‘semaine’ toutes les dix heures et demi... » Je leur ai parlé de ses efforts suprêmes pour accomplir les Mitsvot de son Créateur en orbite.
« Ilan Ramon nous a délivré une puissante leçon : quelle que soit la vitesse où nous allons, quelle que soit l’importance de ce que nous faisons, nous devons marquer une pause et réfléchir à la raison de notre présence sur la Terre. »
Ceci, si vous le voulez, est l’héritage d’Ilan Ramon.
Note : Les propos du Rav Konikov ont été inclus dans la voix off du film de la NASA « 16 Minutes From Home » qui a été réalisé à la mémoire de l’équipage de la navette Columbia (on peut entendre la voix du Rav Konikov – en anglais – à 5:06 minutes de film).
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