Dans ce monde, il s’agissait de fiançailles, comme il est écrit : « Je te fiancerai à Moi pour l’éternité » (Osée 2, 21), et D.ieu ne leur a donné que la lune, comme il est écrit : « Ce nouveau mois sera pour vous... » (Exode 12, 2). Mais aux jours de Machia’h, il y aura le mariage, comme il est écrit : « Ton mari, ton créateur » (Isaïe 54, 5), et alors D.ieu leur donnera tout, comme il est écrit : « Et les sages resplendiront comme l’éclat du firmament, et ceux qui apportent la rectitude au grand nombre, comme les étoiles à tout jamais » (Daniel 12, 3).

Midrash Rabba, Chemot 15:30

Nous vivons dans une réalité définie par deux états fondamentaux : l’être et le néant. Une chose est ou n’est pas, est manifestée ou est réprimée, est en mouvement ou au repos, positive (chargée d’énergie) ou négative (non chargée d’énergie). Même les phénomènes les plus complexes sont la somme de tant de gradations de présence et d’absence ; en fin de compte, tout se résume à la confluence de tant de fois oui et de tant de fois non. Les « non » délimitent les paramètres d’une chose, établissant ce qu’elle n’est pas, tandis que les « oui » remplissent l’espace de ces paramètres avec l’essence de ce que la chose est.1

La nature binaire de la création reflète le fait que la Torah, le plan dans lequel « D.ieu a regardé et créé le monde » (comme le dit le Zohar), a un côté positif et un côté négatif. « Je suis le Seigneur ton D.ieu », le plus fondamental des « commandements positifs » (mitsvot assé), est complété par « Tu n’auras pas d’autres dieux devant Moi », l’essence de toutes les interdictions divines (mitsvot lo taasé) ; « Aime ton prochain comme toi-même » est la contrepartie positive de « Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur ». La Torah ordonne de créer la vie et interdit de la détruire ; elle ordonne d’aider les nécessiteux et interdit de leur réclamer leurs dettes ; elle ordonne de manger du pain azyme à Pessa’h et interdit tout aliment levé pendant la durée de la fête ; et ainsi de suite.

L’institution du mariage, telle qu’elle est définie et légiférée par la Torah, comporte également une composante positive et une composante négative. Selon la loi de la Torah, un mariage se compose de deux étapes distinctes. La première est celle des kidoushine (« consécration », également appelé éroussine, fiançailles2 ) : le marié donne à la mariée un objet de valeur (selon la pratique courante, une bague), en échange de quoi la mariée se consacre à lui, ce qui a pour effet de la rendre « interdite au reste du monde ». À partir de ce moment, le fait qu’un autre homme ait des relations avec elle constitue un adultère, et la dissolution des kidoushine nécessite un guett (un acte de divorce), comme pour un mariage à part entière. Cependant, le but du mariage n’est pas d’empêcher le reste du monde de vivre avec elle, mais de réaliser une union entre deux personnes. C’est la fonction des nissouine (le « mariage » à proprement parler) réalisé par la ‘houpa (dais nuptial), le yi’houd (isolement privé) et les cheva berakhot (sept bénédictions nuptiales) qui font de l’homme et de la femme « une seule chair ».

En d’autres termes, les kidoushine définissent les paramètres de la relation, dégageant un espace dans lequel elle peut exister, tandis que les nissouine remplissent cet espace avec la substance de la relation elle-même.

Franchir les frontières

Comme nous l’avons dit, les kidoushine et les nissouine sont deux phases distinctes du processus du mariage. En effet, à l’origine, les kidoushine avaient lieu à une date antérieure, après quoi la mariée continuait à vivre avec ses parents pendant que le couple se préparait pour les nissouine, qui avaient généralement lieu un an plus tard. (Ce n’est qu’au cours des derniers siècles, lorsque les tribulations de l’exil ont ébranlé la stabilité de la vie juive et souvent provoqué la dispersion soudaine des communautés, qu’il a été jugé imprudent de créer un lien matrimonial entre un homme et une femme qui ne vivraient pas ensemble. D’où la pratique actuelle qui consiste à célébrer les nissouine immédiatement après les kidoushine, en passant par les deux étapes du mariage au cours d’une seule cérémonie.)

Nos sages nous disent qu’au mont Sinaï, où D.ieu s’est révélé à nous et nous a donné la Torah, nous nous sommes consacrés à Lui en tant qu’épouse. Toutefois, il ne s’agissait là que de l’étape des kidoushine de notre mariage. Notre lien avec Lui ne sera complet qu’à l’ère de Machia’h, lorsque D.ieu et Israël s’uniront dans les nissouine.

Cela ne veut pas dire que notre relation avec D.ieu aujourd’hui est exclusivement négative. Comme nous l’avons vu plus haut, notre engagement envers Lui comprend aussi bien des commandements positifs que des interdictions. Mais aujourd’hui, nous sommes seulement capables d’établir les paramètres de la relation, et non d’en réaliser la quintessence.

Aujourd’hui, notre relation avec D.ieu est définie par notre engagement envers Lui et par nos efforts pour nous unir à Lui, mais sans l’expérience tangible de l’union elle-même. Nous aspirons à Lui comme une promise aspire à son fiancé, mais dont les sentiments les plus exaltants ne sont qu’un pâle reflet de l’amour qui suivra le mariage.

Depuis trente-trois siècles, nous créons l’espace de notre mariage avec D.ieu et en défendons les frontières avec zèle. Nous lui sommes restés fidèles face à toutes les cultures et à tous les « –ismes » qui ont cherché à nous séduire. Nous avons établi notre identité en tant que Son peuple, consacré à Lui seul. Nous sommes maintenant prêts à passer au grand amour, à vivre le Divin comme la vérité la plus intime de notre vie.