L’histoire de l’exil du peuple juif prend sa source dans un évènement clé de notre histoire : l’alliance éternelle passée entrer D.ieu et Abraham, dénommée Brit bein habetarim, « l’Alliance entre les morceaux ». C’est alors que D.ieu annonça à Abraham :
« Sache que ta descendance séjournera dans une terre étrangère, où elle sera asservie et opprimée… » — Genèse 15,13
Les Sages expliquent dans le Midrache que ces mots, outre l’exil d’Égypte, font allusion à tous les exils que le peuple d’Israël subira dans son histoire, jusqu’à la Délivrance messianique.
Ces exils (excepté le premier qui en est l’origine) se répartissent de façon générale en quatre : Babylone, les Mèdes (Perse), la Grèce et Edom (Rome et ses successeurs). Les Sages ont enseigné qu’il est fait référence à ces quatre exils dans le verset : « ... et une angoisse sombre et intense tomba sur lui » (Genèse 15, 12) :
- « Une angoisse » : c’est Babel (Babylone),
- « sombre » : c’est la Perse,
- « intense » : c’est la Grèce,
- « tomba sur lui » : c’est Edom.
Dans le Midrache Pirkei déRabbi Eliézer, l’épisode de « l’alliance entre les morceaux » est largement commenté (avec certaines différences). D.ieu dit à Abraham « Prépare-moi une génisse âgée de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe » (Genèse 15, 9). Ce Midrache raconte que les exils du peuple juif furent représentés par les animaux qu’Abraham découpa :
- « Une génisse de trois ans », c’est le royaume d’Edom…
- « Une chèvre de trois ans », c’est le royaume de Grèce…
- « Un bélier de trois ans », c’est le royaume des Mèdes et des Perses…
- « Une tourterelle », c’est la descendance d’Ichmaël (Ismaël). »
Il y est expliqué qu’Abraham découpa ces animaux afin d’affaiblir la puissance de ces royaumes : « Si Abraham n’avait pas découpé les animaux, le monde n’aurait pas tenu devant ces nations. Dès qu’il les a découpés, leur puissance a diminué. »
La germination de la Délivrance
Dans la suite du Pirkei déRabbi Eliézer, il est expliqué que « la colombe » fait référence au peuple juif et c’est pour cela qu’Abraham ne l’a pas découpée et « les oiseaux de proie » symbolisent le Machia’h, le Messie (verset 11 : « Les oiseaux de proie s’abattirent sur les corps et Abraham les mis en fuite. ») :
« Les oiseaux de proie s’abattirent sur eux » pour les faire disparaître du monde… Il s’agit du rejeton de David… Et Abraham se dressait et agitait des foulards afin que les oiseaux de proie ne les prennent pas avant le soir. »
Cet épisode est fort surprenant : premièrement, pourquoi lorsque D.ieu conclut une alliance éternelle d’amour et d’attachement avec Abraham lui annonce-t-Il de telles mauvaises nouvelles, à savoir que sa descendance connaîtra quatre exils ? Deuxièmement, si les oiseaux de proie symbolisaient le Machia’h, pourquoi donc Abraham s’est-il dressé contre eux et a « agité des foulards » pour les faire fuir ? Se pourrait-il qu’il ait voulu empêcher la Délivrance ?
Le Rabbi de Loubavitch explique que tout ceci exprime la nature profonde de l’exil.1 L’exil n’est pas seulement un châtiment ou un décret divin : c’est le creuset au sein duquel la Délivrance prend forme. Les évènements miraculeux de l’ère messianique annoncés par les Prophéties ne pourront exister que grâce à l’exil. L’unique raison de l’exil est de donner lieu à la Délivrance et c’est pour cela que, précisément au moment du passage de l’alliance, D.ieu annonce à Abraham qu’il y aura un exil, duquel sortira la lumière éclatante de la Guéoula, la Délivrance messianique.
Une Délivrance « mûre »
Rabbi Its’hak Abrabanel2 divise l’exil en trois périodes : la première, durant laquelle la Délivrance ne peut pas encore venir. La seconde, pendant laquelle la délivrance peut intervenir, mais, la situation n’étant pas parvenue à maturité, elle n’amènera pas la plénitude et la perfection qui nous sont promises. La troisième, lors de laquelle tout est prêt pour la Délivrance et il ne manque que son déclenchement effectif.
D’après cet ordre des choses, Abrabanel explique le sujet des « oiseaux de proie » : l’épisode de « l’alliance entre les morceaux » a commencé la nuit, s’est poursuivi le jour pour se terminer le soir. La nuit, les oiseaux de proie ne se sont pas montrés du tout, car la nuit représentait la période durant laquelle « le descendant de David ne peut pas venir, car c’est la mesure nécessaire de l’exil. » Mais « dès lors que le soleil s’était levé et que les oiseaux de proie pouvaient venir, Abraham a dû agiter des foulards jusqu’au soir, pour que ce dernier marque la fin de l’exil. » Ceci parce que si la Délivrance était venue avant son temps, elle n’aurait pas amené « la grande vengeance contre les ennemis et les hauts faits de Délivrance qu’ont annoncés les Prophètes. »
C’est pour cela qu’Abraham s’est dressé et a agité des « foulards », en hébreu « soudarim ». Ceci est relié à la notion de « seder », « l’ordre » : que les choses se déroulent dans l’ordre qui a été prévu pour elles, jusqu’à ce que vienne « le soir », qui est le moment de la Délivrance complète. Et ce « soir » est déjà arrivé !
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