De nos jours, des Juifs vivent à Jérusalem, dont le développement s’étend jour après jour, et pourtant ils prient D.ieu de les sortir de l’exil et de les conduire à la Délivrance. N’y a-t-il pas ici une incohérence flagrante ? En outre, les Juifs sont désormais libres d’agir comme ils le souhaitent. Alors en quoi consiste donc cet « exil » ?
Le judaïsme – et en particulier la ‘Hassidout – confère à la notion d’exil une signification bien plus profonde que son acception commune. D’après cette perception, nous sommes bel et bien dans un exil difficile et affligeant et avons urgemment besoin de la Délivrance.
Comme dans un rêve
Dans cette optique, l’exil se définit comme étant la désorganisation des valeurs. C’est lorsque ce qui est intrinsèquement élevé ne trouve pas sa place au sommet et lorsque ce qui est vil et bas est en position dominante. L’exil désigne une situation anormale, contre nature, du point de vue de la vérité.
Il est évident que l’exil du peuple juif de sa terre est inclus dans cette définition. L’état naturel du Juif est de se trouver chez lui, sur la terre d’Israël. Lorsqu’il se trouve à l’extérieur de sa terre et que, dans celle-ci, un peuple étranger domine, c’est évidemment l’exil, une situation anormale et aberrante. Cependant, la déportation physique du peuple d’Israël de sa terre n’est qu’une composante de l’exil, l’expression géographique d’un exil intérieur plus important encore.
En premier lieu, l’exil est celui de D.ieu Lui-même. En effet, Celui-ci subit ce qui est dénommé « Galout HaChekhina », l’exil de la Présence Divine. De ce point de vue, l’absurdité et l’aberration de la situation sont flagrantes. Car même si « la terre est remplie de Sa gloire » et que la réalité du monde ne doit sa vitalité qu’à la force divine qui l’anime, cette vérité reste dissimulée et invisible. Seul le monde physique et matériel s’offre à nos yeux alors qu’il nous est impossible de percevoir cette force divine pourtant omniprésente. D.ieu n’est pas dévoilé – il est donc en « exil » et sa « place » dans le dévoilement, dans la vérité, est « occupée », « usurpée » par l’apparence matérielle de l’univers.
Un autre exil est celui de l’âme. L’âme est d’un niveau incommensurablement plus haut que celui du corps (la meilleure preuve en est que l’âme est immortelle alors que le corps retourne à la poussière dès que l’âme l’a quitté). Si l’état normal et naturel de l’âme est de gouverner le corps, chez la majorité d’entre nous, cependant, c’est l’inverse qui se passe : la plupart du temps, ce sont le corps et ses pulsions qui nous accaparent. Lorsque la Torah et le service divin ne sont pas vécus et ressentis comme étant l’essentiel de la vie et quand les sujets du corps ont la préséance sur les besoins de l’âme, c’est là l’exil de l’âme.
L’exil est comparé au sommeil et au rêve. Le rêve illustre bien la notion d’exil car il est, lui aussi, le théâtre d’évènements perçus alors comme acceptables, mais qui mettent pourtant en scène des faits anormaux, qui ne sauraient être envisagés dans la réalité. Dans un rêve, en effet, se retrouvent associés des faits qui peuvent exister dans la vie réelle, mais dont la juxtaposition est normalement impossible. Et ce qui fait la force du rêve, c’est le sentiment éprouvé par le rêveur que toute cette absurdité est bien réelle, et même qu’elle est parfaitement normale.
La vérité mise au jour
Le véritable exil inclut donc en lui la condition contre nature du monde, de l’homme en général et du peuple juif et de la Présence Divine. C’est pour cette raison que nous demandons dans nos prières la Délivrance messianique qui mettra au jour aux yeux de toute l’Humanité la vérité de toute chose : la lumière divine qui crée le monde ne sera plus voilée, l’expression de l’âme divine ne sera plus entravée par les contingences du corps et le peuple d’Israël retrouvera son véritable statut.
Lorsque cet exil général disparaîtra, le peuple juif sera alors naturellement rassemblé sur sa terre, le Troisième Temple sera reconstruit et la Présence Divine résidera à nouveau au sein d’Israël, avec encore plus d’intensité qu’auparavant. Tant que ceci n’a pas eu lieu et que, au contraire, l’obscurité spirituelle garde toute sa force, nous sommes en exil et nous prions D.ieu trois fois par jour : « Vété'hézéna eineinou bechouve'ha leTsion – Puissent nos yeux voir Ton retour à Sion. »1
Rejoignez la discussion