Note de la rédaction : C’est une coutume ancienne que de consacrer plus de temps pendant le mois d’Eloul à la prière et à la récitation des psaumes. Le fondateur du ‘hassidisme, Rabbi Israël Baal Chem Tov, a institué la coutume de lire trois chapitres supplémentaires de psaumes chaque jour, à partir du premier d’Eloul jusqu’à Yom Kippour (y compris 36 chapitres récités pendant Yom Kippour) – concluant ainsi le livre entier de Psaumes. À cet égard, nous vous apportons l’histoire suivante :

Le Baal Chem Tov affichait une affection particulière envers les gens simples et pieux. Cette approche était bien connue et explique, pour une large part, pourquoi un grand nombre de ces personnes du peuple s’attacha à lui en si peu de temps, comme en attestent de nombreux témoignages.

Cependant, ses plus grands disciples, qui étaient des tsadikim (des justes et saints) et des guéonim (des génies de la Torah), ne parvenaient pas à accepter cette approche. Certes, le Baal Chem Tov les avait fréquemment envoyés apprendre auprès de ces Juifs simples des traits vertueux tels que l’intégrité, la confiance, la foi pure, la foi dans les sages, la foi dans les tsadikim, l’amour d’Israël et d’autres encore. Pourtant, ils ne pouvaient pas comprendre l’estime du Baal Chem Tov pour les gens ordinaires et encore moins l’adopter eux-mêmes.

L’usage était que les invités prenaient deux des trois repas de Chabbat à la table du Baal Chem Tov, mais le second repas du Chabbat, celui de midi, était réservé au cercle des disciples, la « sainte assemblée », tandis que les invités n’y étaient pas admis, pas même pour observer à distance. Un Chabbat d’été, entre 1753 et 1755 – lorsque le cercle des disciples comprenait des hommes brillants et renommés comme le Maguid de Mézeritch et le Rav de Polnoye –, un incident se produisit qui rendit les disciples tout à fait perplexes et les troubla profondément.

Un grand nombre d’invités étaient venus pour ce Chabbat, y compris de nombreuses gens ordinaires comme des paysans, des artisans, des cordonniers, des tailleurs, des vignerons, des jardiniers, des éleveurs de bétail ou de volaille et des petits marchands. Lors du repas du vendredi soir, le Baal Chem Tov témoigna à ces personnes une affection toute particulière. À l’un, il versa un peu de ce qu’il restait de son Kiddouch. À l’autre, il prêta son propre verre pour qu’il dise le Kiddouch. À quelques-uns, il distribua quelques tranches des pains sur lesquels il avait fait motsi. Avec d’autres, il partagea son assiette de poisson ou de viande. Il manifesta encore d’autres marques d’affection et les membres de la sainte assemblée en furent particulièrement surpris.

Les invités savaient qu’ils ne pouvaient pas assister au deuxième repas de Chabbat, qui était réservé au cercle des disciples, ainsi après leur repas, ils se réunirent dans la shoul du Baal Chem Tov, et, étant dénués d’instruction, à peine capables de lire le ‘Houmach et les Tehilim (Psaumes), ils se mirent tous commencé à chanter les Tehilim.

Lorsque le Baal Chem Tov s’attabla pour le deuxième repas, il disposa ses disciples dans un ordre déterminé, caractéristique de l’organisation méticuleuse qui était la sienne dans tout ce qu’il faisait. Il commença rapidement à dire des paroles de Torah, et tous les disciples ressentirent un immense plaisir divin. Il était de coutume qu’ils chantent à table, et quand ils virent la bonne humeur manifeste du Baal Chem Tov, ils furent encore plus heureux, empreints d’un sentiment de gratitude et de bonheur pour la bonté de D.ieu envers eux qui leur avait accordé le privilège de compter parmi les disciples du saint Baal Chem Tov.

Certains se prirent à penser que le moment présent était particulièrement délicieux, sans la foule des gens simples qui n’ont aucune idée de ce que dit leur maître. Pourquoi, pensaient-ils, manifeste-t-il une telle affection à ces gens, versant de sa coupe dans la leur, donnant même sa coupe à l’un d’entre eux ?

Ils étaient encore absorbés par ces pensées lorsque l’expression du Baal Chem Tov changea. Il devint sérieux, plongé dans ses pensées (dvekouth), et sans changement d’humeur, il commença à parler.

« Paix, paix, au loin et au proche, cita-t-il. Nos sages observent que “à l’endroit où se tiennent les pénitents, les justes parfaits ne peuvent se tenir”, insistant sur les justes parfaits. Il expliqua qu’il y a deux chemins dans le service de D.ieu, celui des justes et celui des pénitents. Le service des gens simples, dit-il, est semblable à celui du pénitent, l’humilité de la personne simple est du même ordre que les regrets et la résolution du pénitent.

Lorsque le Baal Chem Tov acheva de parler, ils reprirent le chant. Les disciples qui avaient remis en question l’affection manifeste de leur maître pour les gens simples se rendirent compte qu’il était conscient de leurs pensées. Son exposé des qualités des Juifs simples, les assimilant à la supériorité du pénitent sur le saint, leur était évidemment adressé.

Pendant le chant, le Baal Chem Tov fut encore dans une profonde dvekouth, et quand ils eurent fini de chanter, il ouvrit les yeux, regardant attentivement chaque disciple. Puis il leur dit de placer chacun sa main droite sur l’épaule de son voisin afin que les disciples assis autour de la table soient liés entre eux. Le Baal Chem Tov était assis à la tête de la table.

Il leur dit de chanter certaines mélodies ainsi réunis, après quoi il leur dit de fermer les yeux et de ne pas les ouvrir jusqu’à ce qu’il leur dise de le faire. Puis il plaça sa main droite sur l’épaule du disciple à sa droite, et sa main gauche sur le disciple assis à sa gauche, fermant ainsi le cercle.

Soudain, les disciples entendirent des chants, des mélodies entrecoupées de supplications émouvantes, touchant l’âme elle-même. Une voix chanta : « O, Ribbono Shel Olam (Maître de l’Univers) », et entonna un verset des Tehilim : « Les paroles de D.ieu sont des paroles pures... » Une autre chanta : « Ay, Ribbono Shel Olam », suivi d’un autre verset : « Scrute-moi, Éternel, mets-moi à l’épreuve. » Une troisième voix introduisit son verset par un cri spontané en yiddish : « Tatté hartziger (Père plein de cœur)... Soyez gracieux envers moi ; J’ai confiance en toi et je m’abrite à l’ombre de tes ailes. » Une quatrième voix dit : « Ay guevald, zisser foter in himel (doux Père au ciel), Que D.ieu se lève ! Que Ses ennemis se dispersent, que ceux qui Le haïssent s’enfuient devant Sa face. » Une autre voix était angoissée. « Tayerer Tatté (cher Père), même le passereau trouve un abri, l’hirondelle a son nid. » Une autre encore plaidait : « Lieber foter, derbarmdiger Tatté (Père aimé, Père miséricordieux), fais-nous revenir, D.ieu de notre salut et supprime Ta colère contre nous. »

Les membres de la sainte assemblée qui entendaient ces chants de Tehilim tremblaient. Leurs yeux étaient toujours fermés, mais des larmes coulaient sur leurs joues. Leurs cœurs étaient brisés par ces chants. Chacun des disciples se mit à souhaiter ardemment que D.ieu l’aide à Le servir de cette manière.

Le Baal Chem Tov retira ses mains des épaules des deux disciples près de lui, et le groupe n’entendit plus les chants et les Tehilim. Puis il leur dit d’ouvrir les yeux et de chanter certaines mélodies.

« Quand j’ai entendu le chant des Tehilim, racontera plus tard le Maguid à Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, mon âme s’est déversée et j’ai éprouvé une telle aspiration, un amour si agréable (ahava betaanouguim), que je n’avais encore jamais eu le mérite de ressentir. Mes bottes étaient trempées de la transpiration et des larmes de techouva provenant des profondeurs du cœur. »

Lorsque le Baal Chem Tov cessa de chanter, un silence instantané se fit dans le groupe. Il se tint dans une profonde dvekouth pendant un long moment, puis il leva les yeux et dit : « Les chants que vous avez entendus étaient ceux des Juifs simples qui récitent les Tehilim avec sincérité, avec cœur et avec une foi pure. »

« Maintenant, mes disciples, réfléchissez bien à cela. Nous ne sommes que le “la lisière de la vérité” (sefath emeth), car le corps n’est pas vérité et seule l’âme est vérité, et elle n’est qu’une partie de l’essence, et est ainsi appelée “la lisière de la vérité”. Pourtant nous reconnaissons la vérité et ressentons la vérité et sommes affectés par la vérité, profondément affectés. Considérez donc comment D.ieu, qui est la Vérité parfaite, considère les Tehilim de ces gens simples... »