Il est aisé de sentir orphelins de cet univers froid – des éléments, des forces et de l’espace vide qui haussent les épaules avec indifférence devant le drame de la condition humaine ; orphelins d’un univers qui répond à nos aspirations par un silence froid et à nos échecs avec un regard vitreux. Nous traçons frénétiquement notre propre chemin à travers les étoiles alors que les planètes suivent sagement leurs orbites, que les lois de l’électromagnétisme perdurent et que le soleil se lève et se couche exactement à l’horaire imprimé dans le journal, comme si les choses qui comptent le plus pour nous n’existaient tout simplement pas.

Mais est-ce possible ? Se pourrait-il que la matrice de laquelle a émergé l’intelligence humaine soit à ce point stupide ? Ne sommes-nous pas, nous aussi, des enfants de cet endroit ? Si nous avons un cœur, un esprit et une âme, le cœur de l’univers ne devrait-il pas lui aussi en être doté ? « Celui qui a formé l’oreille n’entendrait-Il pas ? »

Nous croyons en cette essence. Parfois, nous l’appelons « D.ieu ».

Ou bien se pourrait-il que sous cet impressionnant étalage de puissance se cache une essence transcendante qui résonne avec l’agitation de nos cœurs ; que si nous pouvions trouver le véritable tissu de la réalité, nous verrions comment notre propre visage se reflète dans ses eaux, comment nos cris résonnent dans ses profondeurs et comment notre joie danse dans ses cavernes ? Se pourrait-il que nous découvrions un univers fait non pas de hasard aveugle et de lois physiques, mais de sagesse consciente et d’une liberté qui transcende la sagesse ?

Nous croyons en cette essence. Parfois, nous l’appelons « D.ieu ».


Ce qui nous laisse maintenant avec l’autre facette du questionnement : D.ieu rit-Il ? La Lumière Infinie est-elle vulnérable au point de pleurer sur l’échec et de se réjouir de la réussite ? Ce qui amène le ciel et la terre à l’existence aime-t-il vraiment avec la passion d’un être humain viscéral ou éprouve-t-il du remords comme la créature piégée dans le tunnel du temps ?

Mais nous sommes ici, avec toute notre agitation et notre lutte intérieures, et ceci peut seulement signifier que D.ieu veut que nous soyons ici. Et quand D.ieu désira cette frêle créature, Il baissa les yeux depuis son royaume céleste qui siège par delà l’amour et les rires et la passion et le remord et Il regarda vers le bas, à l’intérieur de cette pensée d’un être humain et Il dit : « Sera-t-il alors seul en son endroit et Moi dans le mien ? Est-ce là l’unité ? »

Il organisa alors un lieu de rencontre, empreignant dans les entrailles de la Lumière Infinie le reflet des émotions sans limites qui sont la substance de l’âme humaine. Comme un père qui se penche pour jouer avec son tout jeûne enfant, riant avec lui, s’excitant des petites choses qui excitent un petit enfant, mais tout en demeurant un adulte bien au-delà de tous ces jeux, de même, Lui aussi crée en Lui-même un lieu où, dans l’amour et le rire, dans la compassion, la crainte et la beauté, l’Homme et D.ieu peuvent se trouver l’un l’autre. Un lieu dans lequel aucun d’entre eux ne sera seul.

En vérité, c’est de cet endroit même que les émotions humaines émergent comme un enfant sort du ventre de sa mère. Et c’est aussi dans ce même lieu qu’est produite la fibre à partir de laquelle notre univers est formé.

Ce lieu de rencontre, explique la Kabbale, est le lieu des dix sefirot, les dix modalités du fonctionnement d’un univers : Conception, Compréhension, Connaissance, Don, Rétention, Beauté, Victoire, Gloire, Attachement et Autorité. C’est un endroit qui n’est ni Créateur ni création, ni être ni non-être, ni infini ni fini, mais où le ciel et la terre se fondent l’un dans l’autre, parce qu’en ce lieu se cache une essence qui est au-delà de tous les contraires, au-delà de toutes les limites.