« L’essence de ce jour »
Le jeûne du Dix Tévet est marqué par une rigueur halakhique supérieure à celle de tous les autres jeûnes commémoratifs. Lorsque l’un de ces jeûnes tombe un Chabbat, il est reporté au lendemain. Si, toutefois, le dixième jour de Tévet venait à tomber un Chabbat,1 d’après certaines autorités,2 nous serions alors tenus de jeûner, bien que cela nous empêcherait d’accomplir la mitsva de Oneg Chabbat (« se délecter du Chabbat ») .
Ce statut unique est basé sur le verset3 : « En ce jour même, le roi de Babylone mit le siège devant Jérusalem. » Ce verset établit une équivalence entre le Dix Tévet et Yom Kippour, au sujet duquel il est écrit4 : « Et une personne qui ne se afflige pas en ce jour même... » Tout comme le jeûne de Yom Kippour est observé même le Chabbat, le jeûne du Dix Tévet serait observé le Chabbat le cas échéant.5
La première étape d’une séquence
Le Dix Tévet commémore le début du siège de Jérusalem par Nabuchodonosor, qui fut la première étape de la séquence des événements qui conduisirent à la destruction de la ville. Les événements qui suivirent, le percement des murs de la ville au cours du mois de Tammuz,6 et la destruction du Beth Hamikdache à Ticha BeAv n’auraient pas eu lieu si la ville n’avait pas été assiégée.
La première étape d’un processus contient en elle le potentiel de toutes les étapes suivantes. Le caractère tragique des événements commémorés par les autres jeûnes peut certes dépasser celui du Dix Tévet, mais dans la mesure où le siège de Jérusalem démarra la séquence d’événements qui conduisit à la destruction de la ville, le Dix Tévet est marqué par une plus grande sévérité.
Une occasion manquée
Tous les événements, même ceux qui semblent être tragiques, ont une source dans la sainteté. Vu sous cet angle, une calamité comme le siège de Jérusalem indique que l’énergie divine intense qui y fut investie visait à produire un résultat positif. Toutefois, en raison d’une carence dans leur service de D.ieu, les Juifs ne mirent pas cette opportunité à profit, et cela entraîna la tragédie qui suivit.7
Il est fait allusion à cette idée dans les termes hébraïques du verset biblique cités ci-dessus : samakh mélekh Bavel (« le roi de Babylone mit le siège »). Le verbe samakh signifie généralement « soutenir » et a une connotation positive.8 Ceci peut être interprété comme une indication que le siège de Jérusalem aurait pu avoir une conséquence positive.
Cette éventualité peut être envisagée à partir d’un siège antérieur de Jérusalem. Le siège de Sennachérib, roi d’Assyrie, fut encore plus sévère que celui de Nabuchodonosor.9 Confronté à un désastre imminent, le roi ‘Hizkiyahou (Ézéchias) pria D.ieu avec une téchouva sincère. Sa prière entraîna une victoire miraculeuse, dans laquelle le danger fut écarté en une seule nuit.10 De plus, cette victoire eut des implications spirituelles : « D.ieu souhaita faire de ‘Hizkiyahou Machia’h. »11
L’intention de D.ieu en permettant le siège de Jérusalem par Nabuchodonosor était de réveiller le peuple spirituellement. Cela devait créer un « soutien » pour la ville, la renforçant contre ses ennemis et hâtant l’avènement de la Rédemption.
L’amour sans retenue
L’intention positive au cœur de ces calamités nationales se reflète dans la manière dont nous les commémorons, car le but des jeûnes commémoratifs n’est pas le jeûne en soi, mais le repentir des Juifs.12 Cette intention positive se révèlera pleinement lors de l’ère messianique, lorsque, comme l’écrit le Rambam,13 « Toutes ces jeûnes [commémoratifs] seront annulés ; ... en effet,... ils seront transformés en fêtes et en jours de joie et de célébration. »
En appui à ces propos, le Rambam cite la prophétie14 : « Ainsi parle le D.ieu des Armées : “Le jeûne du quatrième [mois] et le jeûne du cinquième [mois], le jeûne du septième [mois] et le jeûne du dixième [mois] seront changés pour la maison de Juda en [jours de] joie et en allégresse et en fêtes. Chérissez la vérité et la paix !” »
En incluant cette dernière exhortation (« Chérissez la vérité et la paix ! »), le Rambam souligne l’approche nécessaire pour précipiter la transformation des jeûnes en jours de célébration. Nos sages expliquent15 que la destruction de Jérusalem et l’exil de notre peuple eurent lieu à cause d’une haine injustifiée.16 Témoigner d’un amour sans borne pour notre prochain, répandre « la vérité et la paix », effacera la raison de l’exil, puis l’exil lui-même s’achèvera.
Cette idée est particulièrement liée au Dix Tévet, et se reflète d’ailleurs dans les événements commémorés par ce jour. En effet, le siège d’une ville empêche tous ses habitants de vaquer à leurs occupation personnelles et les réunit en une entité unique.17
Puisque, comme indiqué plus haut, le jeûne du Dix Tévet commémore le début du processus de la destruction de Jérusalem, son impact est d’une plus large portée que celui des autres jeûnes commémoratifs. En conséquence, la téchouva suscitée par sa commémoration est particulièrement puissante s’agissant d’accélérer la venue de la Rédemption qui initiera une ère lors de laquelle « Jérusalem sera une ville ouverte en raison de la multitude d'hommes et de bêtes qui s'y trouveront. Et Moi, Je serai pour elle, dit l’Eternel, une muraille de feu tout autour. »18
Puisse cela avoir lieu dans l’avenir immédiat.
Adapté de Likoutei Si’hot, vol. 25, p. 267
et des si’hot de Assarah BeTévet 5739 et 5745.
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