L’eau et le vin sont d’une grande importance dans la vie juive. L’une et l’autre jouent un rôle capital dans la vie religieuse de notre peuple.
Le matin, au saut du lit, nous nous lavons les mains d’une manière conforme à des prescriptions précises. Nous le faisons non seulement dans un but de propreté, mais aussi et surtout dans un but de pureté et de sainteté, comme c’est également le cas quand nous nous lavons les mains avant de nous mettre à table. Notre table est comparée à un autel et, de même que les Cohanim au Temple de jadis devaient se purifier en se lavant les mains (et les pieds) avant d’entamer leur service dans le Sanctuaire, nous nous mettons à table avec un sentiment de sainteté et de service divin. C’est un commandement de D.ieu que le lavage des mains selon la manière prescrite ; et à cette occasion, nous récitons une bénédiction, comme lorsque nous accomplissons d’autres commandements divins par lesquels D.ieu, le Roi de l’Univers, nous a sanctifiés.
Le vin joue également un rôle important dans nos cérémonies religieuses. Nous faisons le kiddouch sur le vin, à l’entrée du Chabbat et des jours de Fête, et nous récitons également la havdalah sur le vin à la conclusion de ces saints jours. À l’époque du Temple existait, les sacrifices offerts sur l’autel étaient accompagnés de l’offrande d’une certaine quantité de vin.
Si l’eau est le symbole de la vie, car il ne peut y avoir de vie sans l’eau (et c’est l’une des raisons pour lesquelles la Torah est comparée à l’eau), le vin, lui, est le symbole de la joie et de l’inspiration, deux facteurs primordiaux de l’accomplissement d’une mitsva.
La page est tournée
La fête de Soukkot est la « Saison de notre Réjouissance ». Il y a de bonnes raisons à cela. Après les Jours Solennels de Roch Hachana et de Yom Kippour avec les Dix Jours de Repentance, nous sommes pleins de confiance et d’espoir d’être inscrits pour une heureuse nouvelle année. Nous avons été déchargés du fardeau des péchés. Nous avons « tourné la page » et une page blanche est devant nous : nous éprouvons un sentiment de proximité de D.ieu, un sentiment de paix et de confiance. Tout cela approfondit notre joie, ce que nous tâchons de montrer au cours de Soukkot par la prière et l’observance des mitsvot spéciales propres à cette fête : la Soukka et les Quatre Espèces.
Au temps jadis, quand les Juifs étaient « à l’ombre de leurs vignes et de leurs figuiers » en Terre Sainte dont il est dit dans la Torah que « le regard de D.ieu est sur elle du commencement de l’année à la fin de l’année », il y avait une raison supplémentaire de se réjouir à Soukkot : c’était la Fête de la Moisson, de la récolte des riches produits des champs et des vignobles. C’était la joie du moissonneur qui voyait que son labeur n’avait pas été vain, et que D.ieu avait béni la terre et ses produits.
L’eau et non le vin !
Toutefois, pour étrange que cela paraisse, l’occasion de se réjouir était une cérémonie appelée Sim’hat Beth Hachoéva, la « Réjouissance du puisage de l’eau ». De l’eau, notez-le bien ! L’eau, non le vin, était le grand symbole de la réjouissance !
L’occasion était le puisage de l’eau à la source de Shiloah dans les environs de Jérusalem en vue d’en verser en offrande à D.ieu une petite quantité sur l’autel.
Cette cérémonie avait lieu chaque jour de Soukkot. Tout au long de l’année, une offrande de vin pour les libations accompagnait les sacrifices sur l’autel et, à Soukkot, c’est du vin et de l’eau qui étaient versés de deux récipients différents. Mais pour la jubilation et la réjouissance extraordinaire propres à la fête de Soukkot, c’était la cérémonie du puisage de l’eau (suivie de la procession qui se rendait de la source de Shiloah au Temple et de la célébration dans le Saint Temple, laquelle aboutissait à la libation) qui avait lieu. Si bien que nos Sages ont déclaré : « Celui qui n’a pas vu les réjouissances qui accompagnaient le Puisage de l’Eau n’a pas vu de vraie joie de sa vie ! »
L’importance de l’eau
Deux questions viennent à l’esprit :
a) Pourquoi l’offrande de l’eau pour la libation, et non celle du vin, occasionnait-elle une si grande réjouissance ?
b) Quelle leçon pleine de sens pouvons-nous en tirer, qui se traduise de façon pratique dans notre vie quotidienne ?
Il est facile de répondre à la première question. Il n’est que de considérer ce qui est réellement plus important : l’eau ou le vin ? L’eau, bien sûr. Nous pouvons vivre sans vin, mais non sans eau.
Dans la plupart des pays du monde, l’approvisionnement en eau n’est pas un problème grave. Il tombe suffisamment de pluie pour alimenter les fleuves, les rivières, les lacs et les réservoirs d’eau
En Terre Sainte toutefois, où la pluie tombe seulement en une saison donnée et où la chaleur intense de l’été dessèche la plupart des rivières et des ruisseaux, l’eau est un facteur vital et chacun a conscience de l’importance primordiale des pluies pour le pays. C’est la raison pour laquelle nous avons une prière spéciale pour la pluie (guéchem), que nous récitons le huitième jour de Soukkot (Chemini-Atséret), avant que commence la saison des pluies. C’est aussi une des raisons pour la cérémonie du puisage et de l’offrande de l’eau pour la libation qu’on accomplissait chaque jour de Soukkot. Ainsi que nos Sages l’ont exprimé : D.ieu dit au peuple Juif : « Apportez-moi l’offrande de l’eau et Je vous en enverrai autant qu’il faudra pour tous vos besoins. »
La seconde question, celle d’une leçon pratique et pleine de sens, requiert une réflexion plus profonde.
Deux catégories de mitsvot
Considérons la différence entre le vin et l’eau du point de vue du goût. Le vin possède une saveur, alors que l’eau est totalement insipide. Certes, si l’on a soif, rien n’est plus agréable qu’un peu d’eau fraîche. C’est pourquoi, conformément à la loi juive, nous devons réciter la bénédiction sur le vin chaque fois que nous en buvons tandis que nous récitons la bénédiction sur l’eau seulement quand nous en buvons pour étancher notre soif, parce que c’est seulement dans ce cas que nous avons du plaisir à en boire.
La Torah et les mitsvot sont comparées à l’eau ainsi qu’au vin. L’une des raisons de cette analogie est le fait que certaines mitsvot nous paraissent « insipides » comme l’eau, alors que d'autres nous semblent « savoureuses » comme le vin. Les premières sont des mitsvot que nous ne comprenons pas à première vue, les secondes sont des mitsvot que nous « apprécions » et « approuvons ».
C’est cependant dans l’accomplissement des premières que nous pouvons atteindre un haut degré de sainteté, car nous accomplissons alors un acte de pure obéissance à D.ieu. En revanche, en observant celles que nous « apprécions » et « approuvons », il est possible que nous les accomplissions non seulement par obéissance à D.ieu, mais aussi parce que notre raisonnement nous y pousse. Ici, un danger nous guette : celui d’être entraînés par notre propre raisonnement. La raison humaine a ses limites et on ne peut jamais s’y fier absolument.
Deux voies parallèles
Ainsi l’eau et le vin symbolisent deux manières d’appréhender le service divin.
La première symbolise le service divin résultant de l’obéissance à D.ieu. Elle est appelée kabbalath ol, « l’acceptation du joug » du règne céleste. « Joug », non dans le sens d’un fardeau, mais dans celui d’une autorité supérieure hors de portée de notre entendement, de la même manière que la bête de somme accepte le joug de son maître, sans savoir pourquoi. C’est toutefois seulement ainsi que l’animal devient une sorte de partenaire de ce dernier et accomplit efficacement sa tâche.
La seconde est la voie « rationnelle », où le service divin est accompli avec « raison et connaissance ». Cette sorte de service religieux peut, comme nous l’avons dit, être plus agréable superficiellement, mais, il a ses limitations du fait que notre raison et nos connaissances ne sont, tant s'en faut, pas illimitées.
La première voie est celle que le mode de vie juif privilégie. Car, en dernière analyse, toutes les mitsvot viennent de D.ieu dont la Sagesse est infinie et va bien au-delà de l’entendement humain et c’est par ce moyen que nous pouvons nous accomplir et atteindre le plus hait degré de perfection.
Une joie incommensurable
En outre, c’est par cette voie symbolisée par « l’eau » que nous pouvons accéder au plus haut degré de joie dans le service divin. Nous avons mentionné le fait que rien n’a de meilleur goût que l’eau quand elle doit étancher notre soif. C’est cette soif qui est cause du plaisir véritable que nous donne l’eau. Il en va de même dans le service divin. Quand nous développons en nous une vraie soif de sainteté et de proximité à D.ieu, un désir fervent d’être attachés à Lui et de participer à la divinité, alors nous trouvons que rien au monde n’est plus agréable que l’observance des commandements de D.ieu pour eux-mêmes. Un tel plaisir, une telle joie sont sans bornes, car ils ne connaissent pas les limites de notre propre capacité de compréhension.
Cela explique pourquoi l’offrande de l’eau pour la libation, et non du vin, produisait la plus haute expression de joie durant la fête de Soukkot.
La saison de notre réjouissance
Néanmoins, l’offrande de l’eau était encore accompagnée de celle du vin pour la libation, ce qui symbolise la nécessité que les deux voies aillent ensemble. Notre approche essentielle doit être celle symbolisée par l’eau et résultant de la totale obéissance à D.ieu. Notre vie même en dépend. Mais, en même temps, nous devons nous efforcer d’assimiler autant de connaissances et de sagesse contenues dans la Torah et les mitsvot que le permettent nos capacités, car nous devons servir D.ieu avec chaque partie de notre corps et de notre esprit, y compris notre raison et notre intellect, sans permettre toutefois à ces derniers de prendre jamais le dessus.
Roch Hachana est le temps où nous « couronnons » D.ieu comme notre Roi et Maître et acceptons Son règne absolu dans l’humilité et l’obéissance. De Roch Hachana à Yom Kippour, nous cultivons et développons ce sentiment et cette approche et, à Soukkot, la soif de divinité qui s’est ainsi créée dans notre âme trouve son expression. En étanchant cette soif par les prières et les mitsvot de cette fête, nous atteignons le plus haut degré de joie en cette Saison de notre Réjouissance.
Adapté du maamar Ouchavtem Mayim Bessassone I
dans Likoutei Torah de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi
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