La danse en larmes : une lettre des officiants
Les officiants que j’ai mentionnés ci-dessus m’ont écrit une lettre, après avoir quitté la ville. Ils m’ont remercié, pour différentes choses, puis ils m’ont dit qu’ils avaient vu, pour la première fois de leur vie, en la personne du Rav de Yekatrinoslav, un homme qui était capable de se réjouir, lors de la fête, de danser avec une joie immense et, simultanément, de verser des larmes que les mots ne peuvent décrire. Or, les danses se renforcent, grâce à ses larmes !
Une conversation avec le Rav docteur Kohn, de Wiesbaden, qu’il convient d’étudier
Je me souviens qu’en 1912, nous nous trouvions à Wiesbaden. Dans la soirée, le Rav de la ville, le docteur Kohn1 est venu nous rendre visite. Il a eu une conversation avec mon mari pendant plus de deux heures.
Durant tout ce temps, il n’a fait lui-même qu’écouter. Il buvait avec émerveillement chaque mot de mon mari. Puis, quand il s’est fait tard, dans la nuit, il lui a dit, avec toute la précision germanique :
« Herr Rabbiner Schneerson, c’est l’heure du dîner. Mon épouse m’attend. Mais, j’ai du mal à interrompre notre conversation, car elle est une partie de la Torah, qui doit être étudiée. »
Il s’est ensuite adressé à moi et il m’a dit que je devais m’assurer que toutes les conversations de mon mari fassent l’objet d’une publication.
Une rencontre dans le train, depuis Varsovie,
avec le célèbre écrivain yiddish, Chlomo Anski
De nombreuses personnes, âgées et jeunes, qui se trouvaient dans les wagons voisins, vinrent alors dans le nôtre. Puis, durant la nuit, ils ne s’en retournèrent pas dans leurs wagons, pour aller dormir. Ils écoutaient toujours la discussion avec un grand intérêt, sans discontinuer. Le contenu de cet échange était particulièrement riche.
Reconnaissance à Kraskovo : « Ma maison est la vôtre, je ne crains rien. »
En 1946, je me suis rendue à Kraskovo, près de Moscou.3 Tous avaient peur de se tenir près de moi. Je devais, pratiquement chaque jour, trouver un autre endroit pour y passer la nuit. En effet, il était interdit de passer la nuit dans la ville sans avoir, au préalable, fait enregistrer sa venue et il m’était encore plus clairement interdit de présenter mon passeport4 pour procéder à cet enregistrement. Il me fallait donc trouver un moyen d’améliorer ma situation, dans la mesure du possible.
Par la suite, j’ai appris qu’à Malakhovka, près de Kraskovo, résidait le docteur Landman, que je connaissais. Je suis donc allée le voir, dans l’espoir qu’il puisse résoudre pour moi le problème d’une résidence légale.
Cet homme m’a réservé un accueil amical et il m’a dit, aussitôt, qu’il se rappelait de la fête et du Sim’hat Torah qu’il avait passée dans notre maison. Il faisait partie de ceux qui prenaient leurs congés pendant le mois de Tichri5. Il était le chirurgien principal d’un hôpital et, pour ressentir le plaisir de la fête, selon sa propre expression, il avait choisi la compagnie de Schneerson, le Rav de Yekatrinoslav.
Il m’indiqua :
« Je voudrais maintenant vous dire ceci : ma maison est la vôtre, je ne crains rien ».
Vente du ‘Hamets à cent pour cent
La fête de Pessa’h 5710 [1950] vient de passer. Au mois d’Av, cela fera six ans que mon mari a quitté ce monde et, à chaque fois, je me souviens d’autres épisodes de sa vie.
Dans6 le cadre des obligations qui incombaient à mon mari, en tant que Rav officiel, il devait aussi recevoir ceux qui souhaitaient vendre leur ‘Hamets, avant Pessa’h. Selon sa conception, chaque acte qu’il réalisait devait être vrai, dans toute sa profondeur, à cent pour cent. Il ne se contentait jamais de ce qui était superficiel. Il en était donc de même, en l’occurrence. Mon mari voulait que le ‘Hamets soit totalement supprimé.
Il y avait certains Juifs, influencés par la culture séculaire, qui observaient cette vente du ‘Hamets avec un œil critique. Cependant, ils ne voulaient pas heurter les sentiments religieux du Rav et ils y participaient donc également.
Je me rappelle qu’à l’époque des réfugiés,7 Pavel Isakov Kahan8 avait été déplacé de Vilna à Yekatrinoslav, avec toutes les classes de son collège. Dans le séminaire de formation des enseignants qu’il dirigeait, il y avait plus de mille élèves. Un grand nombre de professeurs y exerçaient, qui étaient célèbres, dans le monde académique juif.
Ce Pavel Isakov possédait de larges connaissances du Judaïsme, mais il n’était pas attiré par la religion. Il occupait une place importante dans le monde de la culture, il en avait parfaitement conscience et il se considérait comme quelqu’un de très important.
Malgré sa position sociale élevée, il respectait Schneerson et, de ce fait, il venait souvent lui rendre visite. Il se tenait alors très humblement devant lui, selon ce qu’il pensait. Il venait donc dans notre maison, à la veille de Pessa’h, pour « inscrire son ‘Hamets », selon leur expression.
Je me souviens qu’il venait chez nous et qu’il faisait alors en sorte que l’on remarque qu’il se prêtait à tout cela pour honorer le Rav. Mais, il ne recevait pas l’accueil qu’il attendait. C’était déjà la fin de la matinée.9 Il venait et, visiblement satisfait, disait : « Bonjour ! »
Mon mari lui criait alors :
« Hé bien, ne pouviez-vous pas venir plus tôt ? Voyez quelle heure il est ! »
Il levait le ton depuis le premier instant.
L’homme en avait été quelque peu décontenancé, mais aussitôt, il s’était assis et il avait répondu aux questions que mon mari lui posait, comme le faisaient les petits enfants qui étaient envoyés par leurs parents pour le même objet.
Pendant ‘Hol HaMoed Pessa’h, cet homme est venu nous rendre visite, avec son épouse, témoignant du même respect qu’il avait au préalable, sans la moindre rancœur.
J’ai été le témoin de telles réactions, à de multiples reprises. Toutes ces personnes agissaient de la sorte, car elles percevaient la profonde sincérité de mon mari, en tout ce qu’il accomplissait.
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