[Note de la rédaction : Le dimanche Roch ‘Hodech Kislev 5772 – 27 novembre 2011, s’est tenu à Brooklyn le grand banquet ponctuant le Congrès International des Émissaires (Chlou’him) du Rabbi de Loubavitch. Le Lord Rav Dr Jonathan Sacks, Grand Rabbin du Royaume-Uni et du Commonwealth, s’exprima en tant qu’invité d’honneur devant les milliers d’émissaires du Rabbi présents et leurs invités. Voici le contenu de son discours, après quelques paroles d’introduction.]
Je dois vous dire mikerev lev – du plus profond de mon cœur – que j’ai reçu de nombreux honneurs, mais aucun qui fut aussi émouvant, qui constitue une telle leçon d’humilité, que celui-ci.
Parce que, vous, les Chlou’him, comptez parmi les personnes les plus importantes dans le monde juif d’aujourd’hui. Vous apportez la Chekhinah [la Divinité] dans des endroits où, peut-être, elle n’a jamais été perçue auparavant. Vous apportez la Chekhinah au sein de vies qui ne l’avaient jamais connue, et vous transformez le monde juif.
Et pourquoi le faites-vous ? Parce que, directement ou indirectement, vous avez été touchés, comme je l’ai été, par l’un des plus grands dirigeants juifs, pas seulement de notre temps, mais de tous les temps.
Tout au long de l’histoire juive, il y eut de grands leaders, mais je ne connais pas de précédent, de quelqu’un qui a transformé, visiblement et considérablement, chaque communauté juive dans le monde – ainsi que de nombreuses parties du monde qui n’avaient jamais eu de communauté juive auparavant.
Et laissez-moi vous raconter une petite histoire qui illustre cela :
C’était il y a 41 ans. Elaine et moi étions partis en lune de miel. Nous avions décidé d’aller dans les Alpes suisses : je n’avais jamais été à la montagne. Nous sommes partis, nous sommes arrivés. Le soleil était radieux. La vue était magnifique.
Le Rabbi a dit : « Personne ne se trouve dans une situation ; on se met dans une situation. Et si vous vous êtes mis dans cette situation, vous pouvez vous mettre dans une autre situation. »Le lendemain matin, j’ai ouvert la fenêtre et je me suis exclamé : « Qui a enlevé la montagne ? Elle a disparu ! » Puis j’ai regardé à nouveau et j’ai vu qu’elle était voilée par d’épais nuages. Que faire ? Nous avions fait tout ce chemin pour gravir une montagne, et nous ne pouvions pas repartir sans avoir gravi une montagne. Mais nous ne pouvions pas voir plus d’un mètre dans n’importe quelle direction. Nous ne savions pas où nous allions ; nous ne savions pas comment, si nous arrivions quelque part, nous pourrions revenir.
Alors j’ai dit à Elaine : « C’est simple. Nous allons chanter des nigounim ‘Habad. »
Elle m’a demandé : « Pourquoi sommes-nous en train de chanter des nigounim ‘Habad ? »
J’ai répondu : « C’est très simple : parce que si un Juif est perdu, où que ce soit dans le monde, ‘Habad le retrouvera. »
Et tout ceci, grâce au Rabbi, [Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson,] zekhouto yaguen aleinou [de mémoire bénie]. Ainsi était-ce alors, et ainsi est-ce aujourd’hui.
Vous avez été touchés par la grandeur et chacun de vous est devenu grand.
Et donc je dis à tous les Chlou’him et à tous ces gens merveilleux qui soutiennent le travail des Chlou’him et le rendent possible : yehi ratsone chetichreh chekhinah bemaassei yedeikhem – puisse D.ieu bénir toutes vos actions. Amen.
Chers amis, le Rav Kotlarsky [l’organisateur du banquet, ndlr] m’a demandé de vous raconter une petite histoire, une histoire personnelle, sur la façon dont le Rabbi a changé ma vie. Et j’ai accepté, non pas parce que je pense que mon histoire est exceptionnelle, elle ne l’est pas. Mais parce que c’est en racontant de telles histoires que nous nous prenons conscience de ce qu’est le mouvement ‘Habad-Loubavitch et de ce qui le rend si spécial.
Acte I
C’est une histoire en trois actes, le premier eut lieu en 1968 (5767-5768), quand j’étais un étudiant de deuxième année à l’université. J’avais déjà rencontré ‘Habad, parce que le Rav Shmuel Lew et le Rav Faivish Vogel avaient rendu visite à l’université de Cambridge. Ils furent parmi les premiers à agir dans les campus universitaires et je fus l’un des tout premiers bénéficiaires de leur action. Ils vinrent cet été de 1968 et je partis ensuite en Amérique pour rencontrer les grands rabbins de notre époque, et chacun d’entre eux, chaque rav que j’ai rencontré en Amérique m’a dit : « Il faut que vous rencontriez le Rabbi ! Vous devez voir le Rabbi. »
Alors je suis allé au 770 Eastern Parkway. Je suis rentré et j’ai dit au premier ‘hassid que j’ai rencontré : « Je voudrais parler au Rabbi, s’il vous plaît. » Il a éclaté de rire.
Il m’a dit : « Savez-vous combien de milliers de personnes attendent de voir le Rabbi ? N’y comptez pas ! »
J’ai dit : « Eh bien, je vais voyager à travers l’Amérique. Voici le numéro de téléphone de ma tante à Los Angeles. Si c’est possible, appelez-moi. »
Quelques semaines plus tard, j’étais à Los Angeles. À l’issue de Chabbat, le téléphone sonna. C’était ‘Habad. « Le Rabbi vous recevra jeudi. »
Je n’avais pas d’argent à cette époque, et tout ce que j’avais, c’était un ticket de car Greyhound. Si vous avez déjà voyagé de Los Angeles à New York dans un car Greyhound, vous savez ce que c’est. J’ai passé soixante-douze heures d’affilée dans ce car.
Je suis arrivé au 770 et, finalement, le moment vint où je fus introduit dans le bureau du Rabbi. Je lui ai posé toutes mes questions intellectuelles et philosophiques. Il y donna des réponses intellectuelles et philosophiques, et puis il fit ce qu’aucun autre rabbin n’avait fait.
Il renversa les rôles. Il commença à me poser des questions. Combien d’étudiants juifs y a-t-il à Cambridge ? Combien d’entre eux participent à la vie juive ? Que faites-vous pour y impliquer d’autres personnes ?
Mais je n’étais pas venu pour devenir un Chalia’h [un émissaire ‘Habad-Loubavitch]. J’étais venu poser quelques simples questions, et voilà qu’il me prenait à partie. J’ai donc fait l’Anglais. Vous savez, les Anglais savent construire des phrases comme personne. Ils peuvent élaborer plus d’excuses complexes pour ne rien faire, que n’importe qui sur terre. (Rires)
J’ai donc commencé la phrase : « Dans la... situation...dans laquelle... je me trouve... » Et le Rabbi a fait quelque chose qui, je pense, était assez inhabituel pour lui : il m’a arrêté net. Il m’a dit : « Personne ne se trouve dans une situation ; on se met dans une situation. Et si vous vous êtes mis dans cette situation, vous pouvez vous mettre dans une autre situation. »
Ce moment a changé ma vie.
J’étais un inconnu venu de nulle part, et voilà qu’un des plus grands leaders du monde juif m’engageait à ne pas accepter la situation, mais à la changer.J’étais un inconnu venu de nulle part, et voilà qu’un des plus grands leaders du monde juif m’engageait à ne pas accepter la situation, mais à la changer. Et c’est à ce moment que j’ai réalisé ce que j’ai répété de nombreuses fois depuis lors : les gens se trompaient. Quand ils pensaient que le fait le plus important au sujet du Rabbi était qu’il avait des milliers d’adeptes, ils passaient à côté du fait le plus important : un bon leader fait des disciples, mais un grand leader fait des leaders.
C’est ce que le Rabbi a fait pour moi et pour des milliers d’autres.
Mes amis, cet épisode a connu une fin inhabituelle : je devais quitter les États-Unis et retourner en Angleterre par mon vol charter, un dimanche de fin août/début septembre, je ne me souviens plus exactement. Donc, la veille de ce jour, le Chabbat, il y avait un grand farbrenguen et les ‘hassidim m’ont dit : « Vous allez retourner en Angleterre ? Prenez une bouteille de vodka, approchez-vous du Rabbi pendant un nigoun au cours du farbrenguen et il dira le’haïm avec vous et vous emportez cette bouteille et ce sera de la vodka du Rabbi. »
Ainsi, pendant le farbrenguen, au milieu de milliers de gens, je suis allé auprès du Rabbi et lui ai demandé de dire un le’haïm, et il m’a regardé avec surprise. Il m’a dit : « Vous vous en allez ? »
J’ai dit: « Oui. »
Il a dit : « Pourquoi ? »
J’ai dit : « Je dois retourner à Cambridge. L’année universitaire commence. »
Il se tourna vers moi et dit : « Mais l’année universitaire de Cambridge ne commence pas avant octobre. »
Je ne savais pas alors, et je ne sais toujours pas aujourd’hui, comment il le savait, mais il avait raison ! Il me dit : « Je pense que vous devriez rester pour Roch Hachana. » puis il dit le’haïm ; je suis retourné à ma place.
Tout le monde autour de moi voulut savoir : « Qu’est-ce que le Rabbi vous a dit ? Qu’est-ce que le Rabbi a dit ? » Alors je leur ai dit ce que le Rabbi avait dit. Je ne savais pas, je pensais que si le Rabbi disait de rester, c’était par politesse, et qu’il n’y avait qu’à répondre merci beaucoup... Je ne réalisais pas que si le Rabbi vous a demandé de rester, vous restez. Je suis resté.
En conséquence de quoi, j’ai entendu le Rabbi sonné le chofar à Roch Hachana. C’est l’expérience la plus remarquable que j’ai jamais eue. La pureté de ces notes, la vue de tous les ‘hassidim accrochés à toutes les surfaces, en essayant d’apercevoir le Rabbi en train de sonner le chofar. Et j’ai entendu un son dans lequel le ciel et la terre se touchaient. Et les échos de ce chofar sont restés avec moi depuis ce jour.
C’était le défi qu’il m’avait lancé. Un défi de diriger.
Cela n’a pas immédiatement changé ma vie. Je suis retourné à l’université, bien que je ressentisse encore la puissance du défi du Rabbi. Ainsi en 1969, après avoir obtenu mon diplôme, je suis allé étudier à Kfar ‘Habad, avec le Rav Gafni, et ce fut une expérience merveilleuse. En 1970 je suis revenu, me suis marié, et j’ai commencé à enseigner la philosophie et à écriture une thèse de doctorat, mais je sentais que je n’avais pas fait assez pour relever le défi du Rabbi. J’ai donc étudié pour passer la smikha, l’ordination rabbinique. J’acquis donc le titre de rabbin, et j’ai pensé que c’était tout : j’avais grandi un peu en tant que Juif, et j’étais maintenant prêt à poursuivre le reste de ma vie.
C’est alors que j’ai fait ma deuxième grande erreur : je suis retourné voir le Rabbi. (Rires)
Acte II
Janvier 1978 : Mes amis Loubavitch me dirent exactement quoi faire. Vous posez votre question par écrit, vous donnez des options au Rabbi ; une, deux, trois, et le Rabbi vous dira laquelle, la première, la seconde ou la troisième. J’ai donc mis mes options. J’ai dit au Rabbi : « J’ai une carrière devant moi. J’ai trois choix. » Numéro un, peut-être voudrais-je être un universitaire – halevaï que je sois un jour un professeur ou peut-être un membre du comité directeur de mon collège à Cambridge. Ou numéro deux, je suis allé à l’université d’abord pour y faire des études d’économie : j’aimerais être économiste. Ou numéro trois, j’aimerai être un avocat. J’étais membre de l’une des Inns of Court, le Inner Temple, où l’on étudie pour devenir avocat.
Je suis entré en ye’hidout [audience privée] ne sachant pas ce que le Rabbi répondrait, serait-ce un, serait-ce deux, serait-ce trois ? Le Rabbi m’a regardé et il a parcouru la liste, ni un, ni deux, ni trois.
J’ai pensé : « Une minute, c’est contre les règles ! »
Le Rabbi ne m’a pas donné le temps de répondre. Il m’a dit que la communauté juive anglaise était à court de rabbins, et donc il m’a dit : « Vous devez former des rabbins. » Il a précisé au Jews College, où les rabbins étaient formés en Grande-Bretagne. Et puis il a dit, vous-même devez devenir un rabbin de communauté, de sorte que vos élèves pourront venir vous voir délivrer– je me rappelle encore de la manière dont il a prononcé le mot – des « sermons ». Ils vous entendront donner des sermons et ils apprendront. Bref, vous allez former des rabbins et devenir un rabbin. Eh bien, j’ai été un peu farblunged [troublé] – un mot que j’ai introduit dans la langue anglaise à travers la BBC –, mais le Rabbi avait dit de le faire, et je l’ai fait. J’ai abandonné mes trois ambitions, j’ai formé des rabbins, j’ai enseigné au Jews College, je suis devenu le directeur du Jews College, et je suis devenu un rabbin de communauté, à Golders Green et Marble Arch.
Vous savez, une chose curieuse s’est produite.
Ayant renoncé à toutes mes trois ambitions, ayant décidé de m’engager dans la direction diamétralement opposée, quelque chose de drôle est arrivé. Je suis effectivement devenu membre du comité directeur de mon collège à Cambridge. Je suis devenu un professeur. De fait, cette année, j’ai trois postes de professeurs, l’un à l’Université d’Oxford, deux à l’Université de Londres. J’ai donné les deux plus importantes conférences d’économie en Grande-Bretagne, la conférence Mais et la conférence Hayek, et Inner Temple a fait de moi un avocat honoraire et m’a invité à donner un cours de droit devant un parterre de six cents avocats, parmi lesquels le Lord Chancellor – l’avocat le plus haut gradé de Grande-Bretagne – et la princesse Anne, qui est Maître de l’Ordre.
Vous savez, vous ne perdez jamais rien, en plaçant la Yiddishkeit, le Judaïsme, en premier.
Et j’ai appris quelque chose de très profond : parfois, la meilleure façon d’atteindre vos ambitions est de cesser de les poursuivre, et de les laisser vous poursuivre.
Acte III
Le Rabbi a fait quelque chose d’absolument extraordinaire. Il s’est dit : si les nazis se sont mis à la recherche du moindre Juif par haine, nous allons rechercher jusqu’au dernier Juif par amour.Et ce fut là le deuxième acte. Le troisième acte eut lieu en 1990. La communauté juive anglaise était à la recherche d’un nouveau Grand Rabbin. Il était clair que j’allais être l’un des candidats. Mais je n’étais pas sûr d’être la bonne personne pour ce job, ni que ce fut le bon job pour moi. Alors, je me suis assis avec ma famille, avec Elaine, avec mes enfants, et ils furent d’accord de me permettre d’écrire au Rabbi et de lui demander conseil à ce sujet.
J’ai exposé les tsdodim lekan ou’lekan – les avantages et les inconvénients de cet emploi, et le Rabbi fit une réponse des plus extraordinaires, une réponse lumineuse, sans utiliser un seul mot.
Vous savez que le Rabbi, avant qu’il devienne Rabbi, avait dirigé la maison d’édition ‘Habad – Kehot – et en conséquence il connaissait les symboles typographiques utilisés par les correcteurs. J’ai écrit 24 livres et je ne les connais pas moi-même, mais il les connaissait. Alors vers la fin de la lettre où étaient énoncés les avantages et les inconvénients, j’avais écrit la phrase : « Si on me propose le poste, devrais-je accepter ? » Voici ce que fut la réponse du Rabbi : Le symbole typographique pour inverser l’ordre des mots. Au lieu de dire : « Devrais-je ? » La réponse était : « Je devrais. »
Ainsi, treize ans jour pour jour après que je sois devenu rabbin de communauté, je devins Grand Rabbin, et, dans ce travail, j’ai essayé au mieux de ma capacité – si j’ai réussi, je ne sais pas – de faire ce que je savais que le Rabbi aurait voulu que je fasse : construire des écoles, améliorer l’éducation juive au Royaume-Uni, tendre la main, et faire, non des partisans, mais des dirigeants.
Et j’ai fait une autre chose, quelque peu inhabituelle, et je veux vous expliquer, maintenant, pourquoi.
Je n’ai jamais dit cela en public auparavant. À un certain moment, dans les années 70-80, je fus un peu impliqué – la hanhola [comité directeur] de Loubavitch à Londres m’avait demandé de m’impliquer un petit peu – lorsque le Rabbi a développé une campagne très intéressante, la campagne des cheva mitsvot benei noa’h, de s’adresser non seulement aux Juifs, mais aussi aux non-Juifs.
J’ai réalisé qu’à mon nouveau poste de Grand Rabbin, je pouvais le faire. J’ai donc commencé à émettre sur la BBC, à la radio, à la télévision, j’ai écrit dans la presse nationale. J’ai écrit des livres lus par des non-Juifs ainsi que par des Juifs et l’effet fut absolument extraordinaire. Plus je parlais et plus ils voulaient entendre – ce qui prouve bien qu’ils n’étaient pas juifs. (Rires.) Plus j’écrivais, plus ils voulaient lire, et vous savez ce que cette expérience m’a appris : pas seulement la sagesse, la vaste clairvoyance du Rabbi qui avait compris que le monde était prêt à entendre un message juif, cela m’a appris une autre chose également. Et je veux que vous n’oubliiez jamais ces mots.
Les non-Juifs respectent les Juifs qui respectent le Judaïsme.
Et les non-Juifs sont gênés par les Juifs qui sont gênés par le Judaïsme.
Le Rabbi nous a appris à accomplir veraou kol amei haarets ki chem hachem nikra alekha. Que le monde entier voie que nous sommes fiers d’être juifs.
Ainsi, lors des trois tournants décisifs dans ma vie, le Rabbi fut mon système de navigation par satellite, me montrant où aller et comment y aller. Et si je n’ai pas toujours compris pourquoi sur le moment, avec le recul je vois combien ses conseils furent extraordinaires, et combien ils furent sages.
La plupart des gens regardent les autres et voient ce qu’ils semblent être. Les grands regardent les autres et voient ce qu’ils sont. Les plus grands parmi les grands – et le Rabbi en était – regardent les autres et voient ce qu’ils pourraient devenir. Et telle fut sa grandeur.
Et vous, chacun d’entre vous, êtes une preuve du fait que le Rabbi n’a pas seulement transformé des vies : il a transformé des gens en personnes qui transforment elles-mêmes des vies et c’est à travers vous qu’il a changé le monde. À travers vous, ses Chlou’him, et à travers toutes les autres merveilleuses personnes qui vous soutiennent et rendent votre travail possible.
Et maintenant, chers amis, nous devons continuer à transformer le monde. Et comment le faisons-nous ?
Nous le faisons précisément dans l’esprit des mots du Hayom Yom qui constitue le thème du congrès de cette année, « ne faire qu’un avec le mechaleia’h – le mandant ».
Nous savons, par Rav Yossef Engel, et par le Rabbi lui-même, qu’il y a des degrés différents dans le fait d’être Chalia’h, mais le degré le plus élevé est, comme il est dit dans Hayom Yom, d’être « altz mekoushar » ! D’intégrer à cette mission chaque chose que nous faisons, alors « c’est un ‘hassid qui marche, un ‘hassid qui mange, un ‘hassid qui dort ».
Chers amis, si nous vivons et respirons la Chli’hout du Rabbi, alors il vit en nous.
Ahavat Yisrael
La question est, quelle est cette Chli’hout ici et maintenant ? Il ya tellement de choses que nous pouvons dire au sujet des défis des mois à venir – je veux mentionner ici seulement trois choses : numéro un, le Rabbi, comme tous les Rebbeïm, s’est fixé comme but de rapprocher la Guéoula et de faire venir Machia’h. Mais le Rabbi était différent des autres Rebbeïm, parce que le Rabbi a agi dans ce domaine avec une urgence particulière, et bien qu’il n’ait jamais précisé pourquoi, j’ai réfléchi sur ce sujet et j’ai pensé – peut-être que je me trompe, mais je ne le pense pas – que c’est parce qu’il a été le premier Rabbi à devenir Rabbi après l’Holocauste.
Et comment pouvez-vous amener la rédemption d’un monde qui a connu Hitler ? Et le Rabbi a fait quelque chose d’absolument extraordinaire. Il s’est dit : si les nazis se sont mis à la recherche du moindre Juif par haine, nous allons rechercher jusqu’au dernier Juif par amour.
Ce fut la réponse la plus radicale à l’Holocauste jamais conçue, et je ne sais pas si nous – et le monde juif avec nous – l’avons bien comprise.
Aujourd’hui, dans de nombreuses parties du monde, l’antisémitisme est de retour, et baroukh Hachem [D.ieu merci] il ya des centaines d’organisations qui le combattent. Mais, même aujourd’hui, personne n’a encore dit ce que le Rabbi a dit, pas explicitement, mais implicitement, dans tout ce qu’il faisait.
Si vous voulez combattre sinat Yisrael [la haine du prochain], alors pratiquez ahavat Yisrael [l’amour du prochain].
Chers amis, que lèvent la main tous ceux qui pensent qu’il ya trop d’ahavat Yisrael dans le monde...
Alors, chers amis, nous avons encore du travail à faire.
Les antisémites, vous le savez, sont complètement fous. Les antisémites s’imaginent que les Juifs contrôlent les banques ; ils croient que les Juifs contrôlent les médias, ils croient que les Juifs contrôlent le monde. Mais ils ne savent pas que nous ne pouvons pas même contrôler une réunion du comité d’une synagogue... (Rires)
Et c’est pourquoi, chers amis, s’il y a des sonei Yisrael dans le monde, nous devons être ohavei Yisrael. Si le Rabbi nous parlait aujourd’hui, il dirait « c’est ahavat Yisrael qui marche, ahavat Yisrael qui mange, ahavat Yisrael qui dort », et si vous aimez déjà les Juifs, alors aimez-les davantage !
Faites des leaders
Deuxième point, si vous voulez être mekarev yidden [rapprocher les Juifs], faites-le comme le fit le Rabbi quand il prit un étudiant de vingt ans, venu de très loin, et en a fait un leader.
Chers amis, J’ai entendu une fois une belle histoire d’un chalia’h, qui s’était rendu dans une petite ville en Alaska, il a demandé à la mairie si des Juifs y vivaient et on lui a répondu que non. Alors il demanda, pour ne pas repartir sans avoir fait quoi que ce soit, s’il pouvait aller visiter l’école faire un petit discours aux enfants ? Et le maire ou le directeur de l’école – je ne me rappelle plus – a donné son accord. Il s’est donc rendu dans une salle de classe, de cette petite ville au milieu de l’Alaska, et il dit : « Les enfants, l’un d’entre vous a-t-il déjà rencontré un Juif ? »
Et une petite fille leva sa main et dit : « Oui. »
Et il dit : « Qui donc ? »
Et elle dit : « Ma mère. »
Et il se dit en lui-même : « Que dois-je dire à cette petite fille ? » Elle est le seul enfant juif dans cette école, sa famille sont sans doute les seuls Juifs dans toute la ville, je dois partir, et je n’ai aucun moyen de les amener à quitter cette ville pour s’établir dans un endroit où il y a d’autres yidden [Juifs]. Que puis-je dire à cette enfant aujourd’hui qui l’amènera à rester juive ?
Et voilà ce qu’il a fait : il lui a demandé d’allumer les bougies de Chabbat tous les vendredis soirs. Et il lui a dit : « Je ne sais pas si tu sais, mais l’Alaska est l’endroit le plus occidental dans le monde où se trouvent des Juifs. C’est le dernier endroit au monde où arrive le Chabbat. Et quand tous les Juifs allument les bougies de Chabbat, ils apportent la lumière et la paix dans le monde. Ainsi, chaque Chabbat, le monde entier attend ta bougie de Chabbat, car c’est la dernière à être allumée. »
Pouvez-vous imaginer quel effet cela a eu sur cette enfant ? Il aurait pu lui dire : « Que fais-tu au milieu de nulle part, dans un endroit où il n’y a pas les Juifs ? » Au lieu de cela, de la plus belle des manières, il lui fait se sentir importante. Elle avait désormais une tâche à accomplir pour le bien de l’ensemble du peuple juif, pour le monde entier. C’est ainsi que vous changez la vie, c’est ainsi que le Rabbi a changé des vies.
En montrant aux gens une grandeur qu’ils ne savaient pas qu’ils possédaient. En montrant aux gens ce qu’ils pourraient devenir.
Ce sont donc les deux premières méthodes, aimez les Juifs et leur montrer ce qu’ils peuvent devenir.
Allumez la bougie de l’autre
Le dernier point, je pense, est très simple. Nous sommes Roch ‘Hodech Kislev, ‘Hanouka n’est pas loin. Il y a une fameuse ma’hloketh [discussion] dans [le Talmud,] Guémara Chabbat, daf khaf beit, sur la question suivante : madlikine minèr lenèr o lo ? Peut-on prendre une bougie de ‘Hanouka et l’utiliser pour allumer une autre bougie de ‘Hanouka ? Oui ou non ? À ce sujet, il existe une ma’hloketh [entre] Rav et Chmouel, Rav dit non, Chmouel dit oui. Rav dit non parce que cela « diminue la mitsva ». Si je prends une lumière pour allumer une autre lumière, alors je vais répandre un peu de l’huile, ou un peu de la cire et le résultat est que je vais diminuer la première lumière. Et Chmouel ne se formalise pas de cela. En général, nous savons que dans toute ma’hloketh entre Rav et Chmouel, la loi est toujours fixée selon l’opinion de Rav. À trois exceptions près, et ceci est l’une d’entre elles.
Quel est l’enjeu ? Quel était l’objet de leur discussion ? Et pourquoi dans ce cas la loi n’est-elle pas comme Rav mais comme Chmouel ?
Et la réponse, vous la trouverez dans le monde juif d’aujourd’hui. Prenez deux yidden, deux Juifs, tous deux religieux, tous deux froum, tous deux erlich, tous deux yirei chamayim, qui observent tous deux méticuleusement toutes les mitsvot. Mais il y a une grande différence entre eux. L’un d’eux dit : « Je dois m’occuper de ma lumière, et si je m’implique avec des Juifs qui ne sont pas religieux, qui ne sont pas engagés, cela “diminue la mitsva”, mon Judaïsme en sera diminué. » C’est le point de vue de Rav, et Rav était un géant spirituel. Mais Chmouel a osé dire autrement. Il a dit : « Quand je prends ma lumière pour allumer une autre âme juive, je n’ai pas moins de lumière, j’en ai plus ! » Parce que là où il n’y avait précédemment qu’une seule lumière, il y en a maintenant deux, et peut-être que de ces deux-là, d’autres viendront encore ! Et sur ce point, la Halakha est comme Chmouel.
Chers amis, voilà ce qu’est être un ‘hassid : trancher comme Chmouel, savoir que quand nous nous adressons à des Juifs qui sont moins engagés que nous, notre lumière n’est pas diminuée. Le résultat est que nous créons plus de lumière dans le monde.
Un ‘hassid du Rabbi le sait, « Arone nossei èt nossav », si vous élevez un autre Juif, vous en êtes vous-même élevé. Si vous allumez avec votre bougie la flamme dans le cœur d’un autre Juif, votre lumière ne sera pas diminuée. Vous serez élevé, votre lumière sera double.
Chers amis, il y a quarante-deux ans, l’un des plus grands leaders juifs de tous les temps, a pris un étudiant inconnu venu d’un pays lointain et a allumé une lumière dans son âme qui a brûlé depuis ce jour jusqu’à présent. Et il n’a pas fait cela seulement pour lui, mais pour des dizaines de milliers d’autres. Et nous sommes ses Chlou’him.
Nous ne parviendrons jamais à le faire pleinement, mais nous ferons de notre mieux pour marcher comme il marchait, manger comme il a mangeait, dormir comme il dormait, c’est-à-dire à peu près jamais.
Et nous savons tous, dans le silence de nos âmes, nous pouvons entendre ce que le Rabbi serait en train de nous dire maintenant. Il nous dirait : « Vous pensez que vous en avez fait assez ? Vous devez être comme une bougie de ‘Hanouka, mossif veholekh – toujours à faire plus. Maaline bakodech, veein moridine, dans la sainteté, on est toujours en train de monter, et il y a toujours plus de montagne à gravir.
Et il serait en train de nous : numéro un, vivez, respirez et dormez Ahavat Yisrael ; numéro deux, devenez des leaders qui transforment d’autres juifs en leaders, et numéro trois, soyez madlik minèr lenèr, prenez votre lumière et rendez les autres lumineux. Et, ensemble, allumons une flamme dans le cœur des autres Juifs, et, ensemble, éclairons le monde. Amen.
Pour voir le discours du Rav Sacks (en anglais) :
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