57241

M. ______________
New York, NY

Salutations et bénédictions,

J’accuse réception de vos récentes lettres faisant réponse à celle que je vous avais adressée.

Vous vous y engagez dans une longue discussion sur le chemin qu’il convient d’emprunter dans la vie, etc., et sur le fait que le vôtre est peut-être différent de celui que j’indique dans ma lettre.

Malgré tout le respect que j’ai pour vous, et après une lecture attentive de vos lettres, je me dois de revenir encore très brièvement sur ce que je vous avais écrit précédemment, mais qui apparemment n’a pas eu l’impact escompté.

L’un des principaux points est que la discussion et les conjectures peuvent être appropriées lorsqu’il n’y a pas urgence. En situation d’urgence, en revanche, toute spéculation doit être mise de côté, car le temps est à l’action.

Lorsqu’on est confronté au choix entre l’action et la spéculation, il n’y a aucun doute sur laquelle de ces deux options mène aux véritables accomplissementsUn autre point important auquel il vous faut penser est que lorsqu’on est confronté au choix entre l’action et la spéculation, il n’y a aucun doute sur laquelle de ces deux options mène aux véritables accomplissements. J’en veux pour preuve votre propre expérience. En effet, si l’on considère l’époque où vous étiez activement engagé dans le domaine de l’éducation, lorsque vous enseigniez à des enfants juifs les hautes valeurs du mode de vie juif, je suis certain que vous pouvez vous-même énumérer un certain nombre de résultats concrets de votre travail. Et bien que vous considériez apparemment cette activité comme de peu d’importance, il n’en demeure pas moins qu’au regard de la Torah, « Celui qui sauve une âme est considéré comme s’il avait sauvé un monde entier. » (Sanhédrine 37a.) Bien que je ne connaisse pas vos élèves et ne puisse donc évaluer avec précision ce que vous leur avez apporté, je suis tout à fait certain que vous leur avez effectivement apporté des bienfaits considérables, bienfaits qui, en temps voulu, s’accroîtront et se démultiplieront grandement, car l’éducation des jeunes enfants est analogue aux soins investis dans la culture des jeunes pousses et des arbres naissants.

En revanche, concernant les années écoulées depuis que vous avez abandonné cette activité, passées à méditer profondément sur l’idée d’apporter la paix et le bonheur à l’humanité tout entière, je doute que vous puissiez nommer une seule personne qui ait été aidée par cette contemplation.

Je pense que vous me pardonnerez de dire que vous n’êtes pas seulement en train de « sautiller sur deux seuils » (Rois I 18,21.), mais d’osciller entre diverses influences et vous êtes troublé. Si vous souhaitez suivre mon conseil, vous devriez, au moins pour quelques mois, délaisser toutes ces contemplations et ces spéculations et vous consacrer à des activités pratiques dans l’esprit évoqué ci-dessus, bien que celles-ci puissent vous paraître triviales. Je suis persuadé, connaissant vos capacités, que vous connaîtrez le succès dans votre travail éducatif de rapprocher des enfants juifs du chemin de la Torah, qui est appelée Torat ‘Haïm, la Torah de Vie. Ainsi, après avoir accordé à votre esprit un repos de toute cette tension mentale, que vous appelez contemplation, pendant environ six mois, vous serez en mesure de décider avec bien plus d’objectivité et de profondeur ce que votre chemin dans la vie doit être.

Avec ma bénédiction,

M. Schneerson