Au large – et de plus en plus près – des côtes américaines, l’eau bleue est devenue noire. Certes, chacun le dira une fois de plus, la nature est fragile. D.ieu n’a-t-il pas donné pour fonction à l’homme « de la travailler et de la protéger » ? Il y a quelque chose de profondément bouleversant, au-delà de la réelle catastrophe, à voir ainsi se transformer un cadre de vie habituel. On s’était accoutumé à avoir, en ce lieu, le bonheur de la beauté ; voici qu’une épaisse noirceur le recouvre. On avait pu croire que l’homme était assez sage – ou assez maître de sa propre technologie – pour ne pas détruire ces cadeaux simples et merveilleux : une mer bleue, des arbres verts, des animaux vivants...

Malheureusement, le noir peut se répandre ailleurs que sur les écosystèmes fragiles. Il est aussi capable d’envahir les consciences, de susciter un monde où nul ne souhaite vivre. Quand la barbarie, sous toutes ses formes, entreprend de frapper au cœur des villes dans le seul souci de tuer et détruire, quand elle s’attaque à des hommes qui marchent insouciants dans les rues parce qu’ils portent Kippa, quand elle manifeste son rejet de tout ce qui fait la civilisation, c’est encore une « marée noire » qui monte. La vision pourrait en être aussi désespérante que celle de la nappe s’avançant pour éteindre toute chose vivante sur des côtes paradisiaques. Dans ce dernier cas, cependant, chacun sait que tout est mis en œuvre pour empêcher l’expansion de la noirceur et, à tout le moins, pour que cela ne se reproduise jamais. Tout se passe comme si une « marée noire » matérielle, parce que par nature plus concrète et circonscrite, était plus évidente à maîtriser qu’une marée de l’autre type. Que faire donc face à celle-ci ?

Le peuple juif a connu, au cours de sa longue histoire, bien des situations. Il a dû affronter l’hostilité, l’incompréhension voire ces sollicitudes suspectes à qui sait en comprendre les raisons. A chaque fois, comme un combattant aguerri par les menaces multiples, il a établi les barrages nécessaires. Devant la montée des périls, devant le recul apparent des « eaux bleues », il trouve les moyens à mettre en œuvre. Ce sont ceux de la civilisation des hommes, tant il est vrai que ce que les barbares supportent le moins, c’est l’échec de leur dessein. Le combat ici n’est plus conventionnel et ses armes sont la fidélité à soi, la conscience, la recherche de la connaissance. Cela s’appelle le Judaïsme vivant et il porte en lui le secret de la plus belle des victoires : celle de l’esprit et de l’âme.