Né en 1912 en Pologne, le Rav Pinhas Hirschprung fut l’un des plus célèbres érudits de sa génération. Son professeur, Rabbi Meir Shapiro, directeur de la yéchiva ‘Hakhmei Lublin, affirmait que, très jeune, le Rav Hirschprung connaissait 2200 pages de Talmud par cœur.
À la mort du Rav Shapiro, le Rav Hirschprung fut désigné pour tester les étudiants souhaitant s’inscrire à la yéchiva : ceux-ci devaient maîtriser 400 pages de Talmud avec les commentaires – par cœur !
Durant la guerre, il parvint miraculeusement à s’échapper d’un camp de concentration. En 1941, il arriva à Montréal au Canada où il devint le directeur du Conseil Rabbinique et président du Tribunal Rabbinique, ainsi que Grand Rabbin du Canada.
Avant la guerre, le Rav Hirschprung avait eu le privilège de discuter avec de véritables érudits de la Torah en Pologne. Après la guerre, il avait eu des discussions approfondies avec des érudits de Lituanie, et de célèbres Rabbis aux États-Unis. Bien qu’il eût rencontré plusieurs fois le Rabbi de Loubavitch pour des problèmes communautaires, il n’avait jamais eu l’occasion de discuter avec lui sur les textes sacrés. Il demanda donc une fois une audience spéciale qui serait consacrée exclusivement à l’étude. Le Rabbi accepta et le Rav Hirschprung se présenta au 770 Eastern Parkway quelques jours après un voyage en Roumanie.
Il raconta au Rabbi que, depuis son jeune âge, il avait rencontré quelques questions difficiles qu’il avait posées devant tous ses interlocuteurs, qui avaient pourtant consacré leurs vies à l’étude, mais aucun ne lui avait donné de réponse satisfaisante.
Le Rabbi sourit : « Toutes les sommités du monde de la Torah n’ont pas pu vous répondre et moi je le pourrais ? »
Oui, Rav Hirschprung était persuadé que le Rabbi pourrait répondre à ses questions. Celles-ci portaient sur les passages les plus difficiles du Talmud de Jérusalem. A la surprise de Rav Hirschprung, il semblait que le Rabbi ne se concentrait même pas sur l’énoncé des questions. Quand il termina, le Rabbi remarqua : « A la façon dont vous expliquez ces passages, ils sont effectivement incompréhensibles. Mais la difficulté n’est pas dans le texte du Talmud de Jérusalem : elle est dans le fait que vous n’avez pas étudié le sujet correctement. »
Puis le Rabbi reprit le sujet comme si le volume du Talmud était ouvert devant lui et, avec l’intonation correcte et la traduction appropriée, tout devenait clair, il n’y avait plus de questions.
Rav Hirschprung était stupéfait. Aucun des érudits qu’il avait contactés n’avait envisagé qu’il n’y eût pas de base à ces questions. Mais le Rabbi avait simplement prouvé que les questions émanaient en premier lieu d’une mauvaise lecture.
Il posa encore de nombreuses questions auxquelles le Rabbi répondit brièvement, mais, à chaque fois, de façon précise et imparable.
Puis Rav Hirschprung raconta qu’il avait rencontré, en Roumanie, un cho’het (abatteur rituel) qui, avec sa famille, malgré quarante ans de communisme dans son pays, continuait à pratiquer fidèlement les mitsvot et à étudier la Torah.
Ce cho’het avait signalé à Rav Hirschprung qu’il appréhendait le devenir spirituel de ses enfants, dans ce pays où toute éducation religieuse était interdite : « Seule une personne peut m’aider ! s’était-il écrié en pleurs : le Rabbi de Loubavitch. Quand vous retournerez aux États-Unis, dites-lui que je le supplie de me faire sortir d’ici, avec ma femme et mes enfants. Je suis sûr qu’il peut le faire. »
Le Rabbi devint très préoccupé ; il demanda à Rav Hirschprung tous les détails et son visage devint de plus en plus sérieux. Finalement il déclara : « Mon beau-père, le Rabbi précédent, a envoyé des émissaires dans de tels endroits et moi je me permettrais de leur dire de partir ? Et qui le remplacerait ? Qui fournirait de la viande cachère aux Juifs de ce pays ? »
Quand il vit combien le Rabbi se sentait responsable pour ce cho’het, sa famille et, de fait, toute la population juive de Roumanie, Rav Hirschprung déclara : « J’ai compris que j’avais rencontré le guide de notre génération ! »
À partir de cette audience si particulière, les liens de Rav Hirschprung avec le Rabbi – et la communauté ‘Habad en général – se resserrèrent. Il devint lui-même un véritable ‘Hassid du Rabbi.
Raconté par Rav Meir Plotkin - publié dans L’Chaim n°512
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