Il existe de beaux et harmonieux aspects de la vie et de l’histoire. Il existe également des épisodes ou des périodes très inconfortables, douloureux, voire horribles. À un niveau personnel également, nous avons tendance à commencer avec des idéaux ou des images roses de la façon dont tout va bien se passer. Puis, à un moment donné, pour beaucoup d’entre nous, nous sommes confrontés à des situations qui semblent presque insupportables.

Nous retrouvons un schéma similaire dans la lecture de la Torah de cette semaine. Nous avons d’abord une belle description du bonheur et de l’harmonie. Il nous est dit qu’en respectant la loi divine, nous recevrons des bénédictions qui se traduiront par une abondance matérielle, par la paix, la sécurité et un sentiment tangible de sainteté.1

La bonté de la bénédiction ne peut être exprimée de manière ordinaire.

Vient ensuite une longue section qui décrit le scénario inverse. Le texte dépeint la désolation et la famine atteignant des extrêmes indescriptibles. Le lecteur de la Torah à la synagogue chante à voix basse cette section ostensiblement sinistre. Personne ne se sentirait honoré d’être appelé à la Torah pour ce passage, et c’est donc le lecteur lui-même qui dit la bénédiction sans être « appelé » par son nom de la manière honorifique habituelle.2 Comment faire face à ce genre de zone d’ombre, que ce soit dans la Torah ou, à D.ieu ne plaise, dans la vie ?

L’une des approches consiste, pour ainsi dire, à justifier la négativité. La Torah elle-même dit que la famine et l’horreur sont le résultat de la désobéissance à D.ieu. On peut donc reprocher au peuple juif ses erreurs passées qui ont conduit à l’exil ; on peut se reprocher à soi-même ou aux autres les erreurs qui ont conduit à leur triste situation actuelle.

Pourtant, le Rabbi de Loubavitch présente une alternative,3 une autre interprétation du texte : une réalité intérieure cachée révélée par les enseignements ‘hassidiques. Les mots qui, à première vue, semblent négatifs, peuvent être interprétés comme ayant un sens positif. Le Rabbi explique, par exemple, que « dix femmes feront cuire leur pain dans un seul four »,4 ce qui évoque une pénurie de nourriture, peut être compris comme signifiant que les dix aspects de l’âme d’une personne, représentés par l’expression « dix femmes », sont unifiés dans l’accomplissement de soi spirituel. La bonté de la bénédiction ne peut être exprimée de manière ordinaire, et doit être enveloppée d’un voile qui la cache complètement.

Un incident similaire est rapporté dans le Talmud. Deux rabbins voulaient donner une merveilleuse bénédiction au fils de leur collègue Rabbi Shimon bar Yo’haï, l’auteur du Zohar. Pourtant, ce qu’ils dirent ressemblait au contraire d’une bénédiction, et le fils fut choqué. Son père fut capable de percer ce déguisement, et expliqua à son fils que ces mots exprimaient en réalité de grandes bénédictions.5 La dissimulation de quelque chose de positif dans ce qui semble être le contraire semble être un aspect paradoxal de la Torah et de toute existence.

En tant que personnes réelles, confrontées aux hauts et aux bas de la vie, nous sommes souvent confrontés au défi d’essayer de percevoir la réalité intérieure positive, ou du moins, de reconnaître qu’il existe des dimensions intérieures positives, même si nous ne pouvons pas les voir et ne pouvons pas imaginer ce qu’elles pourraient être. L’inspiration du Zohar, le Livre de la Radiance, exprimée dans les enseignements ‘hassidiques, peut nous aider à faire ce pas. Essayons de regarder au-delà des apparences, sans nous blâmer ou blâmer les autres. Derrière le manteau de la dissimulation, il y a une lumière infinie.