L’idée que « mon corps m’appartient » a joué un rôle primordial dans le fait que la vie moderne soit devenue plus séculaire et plus libertine. « Mon corps m’appartient – entend-on de toutes parts – et donc je peux en faire ce que je veux du moment que je ne porte pas atteinte à autrui. » Cela semble, somme toute, assez logique. Nous vivons constamment en compagnie de notre corps. Nous pouvons aisément comprendre que des lois doivent régir ce que nous faisons aux autres. Mais mon corps, c’est « moi ». Dès lors, en quoi ce que j’en fais concerne-t-il qui que ce soit ? Pourquoi la Torah devrait-elle s’en soucier ? Pourquoi la Torah devrait-elle régir la façon dont je traite mon propre corps ?
De fait, bon nombre des lois et des enseignements de la Torah concernent précisément notre propre corps. Les lois de la casherout concernent les types d’aliments avec lesquels nous devons le nourrir. Il y a des bénédictions spécifiques à réciter avant et après manger. Il y a des règles et des idéaux de pudeur et de moralité personnelle. Il y a des lois interdisant d’endommager notre corps. Il y a même une loi qui interdit le tatouage.
Pourtant, nous comprenons que D.ieu est le Maître de l’univers tout entier, et qu’Il est donc fondé à donner, par l’intermédiaire de Sa Torah, des lois qui concernent chaque détail de notre vie quotidienne. D.ieu a créé le monde, et notre corps fait partie intégrante du monde, de sorte qu’il est parfaitement logique qu’il y ait des enseignements et des lois de la Torah sur ce que nous devons faire ou ne pas en faire avec notre corps physique. Cependant, cela va plus loin.
La perspective de la Torah est qu’en réalité notre corps ne nous appartient pas. Il est la propriété exclusive de D.ieu. Il est donc différent en cela de toutes nos autres possessions, notre argent, notre ordinateur, notre maison, notre voiture. Certes, de manière générale « le monde entier appartient à D.ieu »,1 mais cependant D.ieu nous a donné des biens matériels dont nous avons la propriété, bien qu’il nous appartient d’en faire un usage convenable, tel que guidé par la Torah. En revanche, nos corps physiques ne nous appartiennent pas. Nos Sages disent qu’ils nous ont été prêtés par D.ieu et qu’ils conservent constamment leur qualité spirituelle. Cette idée est illustrée dans un commentaire sur une loi apparaissant dans la paracha de cette semaine, Choftim.
La Torah évoque l’ancien processus judiciaire juif, qui applique la peine capitale pour certains crimes graves. Il statue qu’un tel châtiment ne peut être appliqué que lorsque des témoins ont témoigné contre l’accusé.2 Maïmonide explique que cela signifie que la loi juive ne permet pas l’application d’une telle peine sur le simple aveu de l’accusé. S’il affirme avoir assassiné quelqu’un mais qu’il n’y a pas de témoins, il n’est pas puni comme un meurtrier. Maïmonide stipule : « C’est là un décret divin. »3 En revanche, s’agissant de litiges au sujet d’argent et de biens matériels, l’aveu du fautif est considéré comme la meilleure preuve qui soit. Selon les mots du Talmud, dans un tel cas « l’aveu d’une des parties est équivalent à cent témoins. »4
Pourquoi une telle distinction entre les lois concernant notre corps physique et celles qui concernent nos biens matériels ? L’une des explications tient à l’idée que notre corps, contrairement à nos biens matériels, ne nous appartient pas. Il demeure la propriété de D.ieu. Nous n’avons pas le droit de porter atteinte à notre corps par nos actions, pas même par notre aveu devant le tribunal. Seule la procédure judiciaire spécifique prescrite par la Torah – qui, à l’époque du Temple, n’était que très rarement mise en œuvre – peut aboutir à la peine capitale.
Si notre corps reste la propriété de D.ieu, qu’Il ne fait que nous prêter, nous comprenons désormais pourquoi tant de lois lui sont consacrées : il est d’une sainteté particulière.
Notre mission dans la vie consiste à respecter la sainteté de notre propre corps physique, ainsi qu’à en imprégner tous nos biens matériels et le monde entier à travers le respect des lois de la Torah. C’est alors que nous percevrons que toute l’existence, dans tous ses détails, exprime la gloire de D.ieu.5
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