Vayakhel – La construction du Tabernacle
La dixième section du livre de l’Exode s’ouvre lorsque Moïse descend du mont Sinaï pour la troisième et dernière fois, rassemblant aussitôt (vayakhel, en hébreu) le peuple juif. Moïse leur annonce que Dieu a pardonné la faute du veau d’or et leur ordonne de construire le Tabernacle en témoignage de ce pardon.
Les deux dernières parachas du livre de l’Exode, Vayakhel et Pekoudei, racontent comment Moïse et le peuple suivent les instructions de Dieu afin de construire le Tabernacle, le meubler et confectionner les vêtements pour les prêtres qui seraient préposés au service.
Plus précisément, la paracha de Vayakhel commence son récit au moment où Moïse informe le peuple que la construction du Tabernacle ne prévaut pas sur le respect du Chabbat. Il leur énumère ensuite les matériaux que Dieu leur enjoint d’offrir et demande des volontaires pour effectuer les travaux. Le peuple apporte ses dons et les artisans commencent leur travail. En substance, la Torah répète ici la paracha de Terouma, modifiant seulement la forme verbale dominante de « tu feras » en « il fit ».
Au lieu de répéter les parachas de Terouma et de Tetsavé, la Torah aurait pu facilement résumer la plupart des actions détaillées dans Vayakhel et Pekoudei en quelques phrases. Cette répétition signifie qu’il existe une différence fondamentale entre les ordres visant à construire le Tabernacle et leur mise en pratique.
Comme nous l’avons vu, Moïse se vit accorder un degré de prophétie plus élevée que celui de n’importe quel autre prophète avant ou après lui. Au moment où Dieu donna à Moïse les instructions pour construire le Tabernacle, lorsqu’il se trouvait sur le mont Sinaï, Dieu le porta à un niveau d’existence d’une élévation incomparable. Il est donc clair que Moïse saisit ces commandements de manière très abstraite. Il « vit » le Tabernacle et son équipement sous une forme extrêmement idéalisée, même s’il comprenait, bien entendu, qu’ils devraient prendre également une forme matérielle.
Or, le Tabernacle décrit dans ces parachas est on ne peut plus matériel. La description de la façon dont le peuple fit don des matériaux, les comptabilisa, en fit les différents éléments, les apporta à Moïse et se reposa du travail chaque Chabbat ne laisse aucun doute quant au caractère purement matériel et tangible du Tabernacle qui était en train de se construire – et ceci, indépendamment de toute dimension spirituelle concomitante.
Si la Torah décrit la construction du Tabernacle dans ces deux parachas, c’est pour mettre en évidence la différence entre le Tabernacle abstrait et le Tabernacle concret. La différence est d’importance parce que c’est le Tabernacle matériel, « inférieur », qui représente l’accomplissement de la volonté de Dieu de faire de ce monde Sa demeure – et non le Tabernacle abstrait, idéalisé, perçu par Moïse sur le mont Sinaï.
Le nom de la paracha – Vayakhel, « et il rassembla » – décrit avec justesse comment Moïse réunit le peuple en tant qu’entité collective, et non pas en tant qu’individus, dans le but de construire le Tabernacle. La finalité du Tabernacle était de permettre à la présence de Dieu de résider parmi l’ensemble du peuple juif.
Mais pour s’appliquer à la paracha entière, Vayakhel ne semble pas être un nom approprié, puisque celle-ci est consacrée à préciser les caractéristiques du Tabernacle en soulignant l’importance de chaque détail.
La réponse à cette contradiction apparente est que, sans aucun doute, chacun des composants du Tabernacle avait une finalité spéciale, mais uniquement lorsqu’il devenait partie intégrante du Tabernacle comme un tout. Le candélabre, par exemple, remplissait son rôle de candélabre et accomplissait ses fonctions spirituelles uniquement lorsqu’il était placé dans le Tabernacle en compagnie de tous les autres éléments du mobilier.
Ainsi, la leçon induite dans le nom Vayakhel est que tous les Juifs font partie d’une réalité collective nécessaire afin que les objectifs de Dieu sur la terre puissent être accomplis. À cet égard, il n’existe aucun Juif trop haut ou trop bas ; chaque Juif est essentiel à la communauté, tout comme chaque détail du Tabernacle était essentiel à son fonctionnement. En outre, bien que nous ayons chacun une identité unique, celle-ci ne s’affirme véritablement qu’à partir du moment où l’on s’identifie avec le peuple dans sa totalité, à l’instar des composants isolés du Tabernacle, qui ne fonctionnèrent pas avant que l’édifice entier ait été érigé.
Enfin, cette paracha nous enseigne que, peu importe nos défauts, nous ne devons jamais nous sentir inaptes à accomplir la volonté de Dieu. C’est le Tabernacle du monde réel, et non le Tabernacle idéal conçu par Moïse au mont Sinaï, que Dieu a choisi d’habiter. Quand nous agissons avec sincérité et enthousiasme, Dieu couronne nos efforts de succès et demeure dans le Tabernacle que nous Lui construisons à partir de notre vie.1
Pekoudei – Le Tabernacle et les vêtements des prêtres
Dans sa dernière partie, le livre de l’Exode commence par nous énumérer ceux que Moïse préposa (pekoudei, en hébreu) au fonctionnement et au transport du Tabernacle. Une fois achevé le récit sur la manière dont les artisans façonnèrent les composants du Tabernacle, la Torah décrit la confection des vêtements des prêtres par les mêmes artisans et, enfin, comment le Tabernacle fut dressé.
La paracha de Pekoudei commence par faire l’inventaire de tous les matériaux collectés pour la fabrication du Tabernacle, son équipement et les vêtements des prêtres. La première partie relate comment les artisans confectionnèrent ces vêtements en répétant essentiellement la première moitié de la paracha de Tetsavé, mais la forme verbale dominante, « tu feras », devient ici « ils firent ».
Comme nous l’avons vu à propos de la paracha précédente, Vayakhel, cette apparente redondance met en relief la différence existant entre la vision abstraite et idéalisée du Tabernacle qu’avait Moïse et le Tabernacle concret, construit par le peuple. La question est posée ainsi afin de souligner que c’est bien le Tabernacle matériel qui concrétise la volonté de Dieu de faire de ce monde Sa demeure.
La seconde moitié de cette paracha retrace le moment où les artisans apportèrent la totalité de leur travail à Moïse, l’ordre divin donné à Moïse d’ériger le Tabernacle le 1er Nissan, et comment il fut dressé le jour dit, la nuée qui manifestait la présence de Dieu se posant ensuite dessus.
Le nom de cette paracha – Pekoudei – signifie également « les comptes de », en référence aux quantités de matériaux fournis par le peuple à Moïse dans le but de construire le Tabernacle. À l’instar du nom de la paracha précédente – Vayakhel –, le nom de cette paracha se réfère à une masse d’entités individuelles, mais, si le terme Vayakhel (« et il rassembla ») décrit la combinaison de ces unités en un ensemble, pekoudei met en relief l’identité de chaque entité, qui, comme telle, est comptabilisée séparément.
Comme Vayakhel, le nom Pekoudei semble au premier abord incompatible avec le contenu de la paracha. Certes, Pekoudei décrit par le détail la façon dont les artisans confectionnèrent les vêtements des prêtres, mais la partie la plus importante de la paracha se consacre à décrire les trois étapes au cours desquelles les dons du peuple devinrent un tout organique : lorsqu’ils furent apportés à Moïse, lorsque Dieu ordonna à Moïse d’ériger le Tabernacle, et lorsque Moïse se consacra à la tâche.
La réponse, de la même façon que pour la difficulté analogue rencontrée dans la paracha de Vayakhel, est que chaque élément du Tabernacle possède une sainteté unique et remplit une fonction unique, mais ceci par la seule vertu d’être une partie intégrante du Tabernacle. Ce n’est que lorsque le Tabernacle fut achevé, et que chacun de ses éléments fut en place, que chacun d’eux assuma son rôle spécifique et devint investi de son efficacité spirituelle.
L’enseignement induit dans le nom de la paracha est, tout d’abord, que chacun de nous possède une valeur intrinsèque nous rendant égaux à tous les autres individus du peuple juif, peu importe notre position sur l’échelle de la spiritualité. Les deux parachas de Vayakhel et de Pekoudei nous enseignent donc une même leçon – celle de l’unité juive – à partir de perspectives opposées. De Vayakhel nous apprenons que chacun de nous est une partie intégrante du tout ; de Pekoudei, que chacun de nous a une valeur intrinsèque en tant qu’individu.
D’autre part, le fait que les éléments du Tabernacle ne commencèrent à être en fonction qu’une fois installé le Tabernacle tout entier nous rappelle que tout acte que nous accomplissons au nom de la communauté ne vise pas seulement au bien collectif, mais aussi à nous permettre de réaliser nos objectifs divins uniques et particuliers.
Ainsi, les parachas jumelles de Vayakhel et de Pekoudei consolident le thème commun au livre de l’Exode – Chemot, les « noms » ou l’« identité » du peuple juif dans son ensemble et en tant qu’individus. Cette fusion de nos identités individuelle et communautaire est un aspect essentiel de la Délivrance au sens large – l’autre grand thème du livre de l’Exode. En premier lieu, l’unité de notre peuple est la clé pour aboutir à la Délivrance :2 dès lors que la haine gratuite fut la cause principale de l’exil, l’amour fraternel en est le remède logique. En second lieu, la Délivrance elle-même se produira de telle manière qu’elle approfondira nos identités tant individuelles que communautaires. C’est ainsi que nous serons délivrés en tant que peuple, comme il est dit : « Une grande assemblée reviendra ici »,3 mais, en outre : « Vous serez rassemblés un par un. »4
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