Behar

7 Tout son produit. Lors de l’année sabbatique, il nous est permis de nous nourrir, ainsi que toute notre maison et nos animaux domestiques, avec toutes sortes de produits agricoles que nous aurons engrangés, tant que ce type de produits sera disponible et accessible dans les champs ou les vignobles pour les animaux non domestiqués. Dès lors qu’ils seront épuisés à l’extérieur, nous devrons retirer ces produits de nos dépôts, les placer sur un champ ouvert et les déclarer sans propriétaire. Nous aurons par la suite le droit de les recueillir avec le peuple.

8 Tu compteras pour toi sept cycles sabbatiques. La période de quarante-neuf ans (sept cycles sabbatiques) suivie de l’année jubilaire fait écho à la période annuelle de quarante-neuf jours (sept semaines) au cours de laquelle nous comptons les jours allant de Pessa’h à la fête de Chavouot, le moment où nous revivons le don de la Torah. Lors du compte annuel des jours compris entre Pessa’h et Chavouot, le cinquantième jour (le dernier) est observé mais non compté. La raison en est que le fait de revivre chaque année le don de la Torah constitue une révélation divine que l’on ne peut atteindre par soi-même ; c’est un cadeau de D.ieu. De façon analogue, l’année jubilaire est célébrée mais non comptée, ce pour la même raison. Néanmoins, les révélations divines qui ont lieu lors de Chavouot et de l’année jubilaire ne se produisent que du fait que nous avons compté les quarante-neuf jours ou années qui ont précédé, par lesquels nous nous sommes élevés dans tous les niveaux de conscience du Divin que nous avons pu atteindre par nous-mêmes. Nous voyons ainsi qu’en ce qui concerne notre mission divine, D.ieu nous en accorde le succès au-delà de tout ce que nous pouvons accomplir de nous-mêmes à condition que nous déployions nos plus grands efforts pour atteindre ce qui est à notre portée.1

21 Je vous accorderai Ma bénédiction. Nous pourrions être enclins à penser que l’année sabbatique est tout au plus une technique visant à améliorer la fertilité du sol par des moyens naturels. Il se pourrait alors que les progrès de l’agronomie moderne – sous la forme de rotation des cultures, fertilisation et autres – aient rendu superflue la mise en jachère de la terre une année durant. L’observance de l’année sabbatique serait donc une procédure révolue. C’est pour réfuter un tel argument que D.ieu promit Ses bénédictions particulièrement pour la sixième année. Si la finalité du commandement avait été de permettre au sol de se reconstituer, D.ieu aurait promis d’augmenter le produit l’année qui suit la jachère, et non celle qui la précède. En promettant un surcroît de la production lors de la sixième année – qui devait être en principe la moins productive ! – D.ieu nous montre que c’est précisément et exclusivement Sa bénédiction qui est à l’origine de ce rendement accru. Quoique les lois de l’année sabbatique portent uniquement sur la production agricole en terre d’Israël, les leçons qu’elles nous donnent sont valables où que nous vivions. En tant que Juifs, il nous est demandé de consacrer quotidiennement du temps à la prière et à l’étude de la Torah ; nous devons également donner la charité, soutenir l’éducation juive et nous abstenir de travailler pendant le Chabbat et les fêtes juives. Quel espoir peut-on garder de mener une vie financièrement raisonnable alors que nos voisins non juifs, qui ne se trouvent « handicapés » par aucune de ces obligations et restrictions, doivent travailler d’arrache-pied pour se procurer leur subsistance ? L’année sabbatique nous enseigne que, si nous nous conformons à ce que D.ieu désire, Il ne nous bénira pas seulement au plan spirituel, mais aussi dans le domaine matériel.2

Je vous accorderai Ma bénédiction. Lorsque D.ieu dissimula Sa présence après qu’Adam et Ève eurent mangé le fruit de l’Arbre de la connaissance, Il limita cette dissimulation à six mille ans. Il nous est possible de hâter l’ère messianique, mais, quoi qu’il en soit, elle débutera au plus tard au tournant du septième millénaire. Dans un sens allégorique, les six années durant lesquelles les travaux agricoles sont permis correspondent aux six millénaires du monde tel qu’il existe à présent. L’année sabbatique correspond au septième millénaire, lorsque le monde se « reposera » de sa condition actuelle. Nous nous trouvons actuellement dans la dernière partie du sixième millénaire ; autrement dit, nous approchons de la fin de la sixième « année ». Dans ce contexte, se pose ici encore la question du verset précédent : nous savons que la conscience du Divin et la force spirituelle de notre génération ne peuvent se comparer à celles des générations précédentes. Nous sommes alors en droit de nous demander comment la sixième « année » – la plus déficiente – subviendrait aux besoins de la septième. Comment notre spiritualité relativement pauvre sera celle qui amorcera la Délivrance, alors que celle plus épanouie de nos ancêtres n’y est pas parvenue ? À cela, D.ieu répond qu’en vertu du mérite de notre seule foi – exprimée par notre dévouement à notre mission divine –, en dépit de tous les obstacles et au-delà des contraintes de la raison, Il accroîtra le produit de la « sixième année » et nous amènera la Délivrance.3

23 La terre ne sera pas vendue de telle sorte qu’elle soit coupée à jamais de son propriétaire originel, car la terre M’appartient. L’interdiction de la vente définitive nous rappelle que c’est à D.ieu finalement que la terre appartient ; nous ne devons jamais nous voir comme de véritables propriétaires. Il en va de même de tout argent ou bien que nous pouvons amasser de notre vivant. « La terre et ce qu’elle renferme appartiennent à D.ieu. »4 Il ne faut jamais perdre de vue que tout ce que D.ieu nous a accordé résulte du fait que nous sommes Ses associés, et que notre tâche est de raffiner ces biens, de les élever et d’en faire Sa véritable demeure.5

36–38 Ne prends pas d’intérêts. Il existe une différence subtile mais fondamentale entre un investisseur qui tire profit de son investissement et un créancier qui profite de son prêt. Lorsque nous investissons dans une entreprise, l’argent investi nous appartient toujours ; ainsi, notre argent « travaille » pour nous. Nous recevrons donc le bénéfice produit par l’entreprise. En revanche, lors d’un prêt la propriété du capital est transférée à l’emprunteur ; désormais l’argent lui appartient, peu importe qu’il soit tenu de le rembourser plus tard. Par conséquent, prélever de l’intérêt sur un prêt revient à profiter de l’effort d’autrui sans y avoir contribué. Le prêteur perçoit des intérêts sur le seul fait que l’argent lui a appartenu auparavant. C’est pourquoi prélever des intérêts sur un prêt est contraire à la façon dont D.ieu désire voir fonctionner le monde. L’intention de D.ieu est que nous nous raffinions en travaillant pour nos réalisations, spirituelles comme matérielles. Pour reprendre la formule des sages : « Si quelqu’un te dit : “J’ai peiné sans voir de résultat”, ne le crois pas. S’il dit : “Je n’ai pas peiné, et j’ai tout de même vu des résultats”, ne le crois pas non plus. Mais s’il dit : “J’ai peiné et j’ai vu des résultats”, là tu peux le croire. »6

Lorsque nous renonçons à prélever des intérêts sur nos emprunts, D.ieu répond en nature : non seulement nous accorde-t-Il le potentiel initial de réussir sur les plans matériel et spirituel, mais Il continue de nous aider tout au long de nos efforts. Quand quelqu’un prélève des intérêts, D.ieu répond également en nature : Il lui accorde le potentiel initial, mais S’abstient de lui procurer un soutien continu à caractère transcendant. D’un point de vue plus abstrait, s’appuyer sur les réussites passées est une sorte de prélèvement d’intérêts. Par exemple, après avoir déployé des efforts considérables pour éduquer nos enfants, nos élèves ou toute autre personne sur qui nous avons eu une certaine influence, et avoir réussi à les inspirer pour qu’ils enseignent aux autres, nous pourrions être tentés de « prendre notre retraite » afin de nous concentrer exclusivement sur notre propre développement spirituel, confiants que nous recevrons la part qui nous est due des révélations du Divin qu’ils susciteront à leur tour en inspirant d’autres personnes. Néanmoins, bénéficier des résultats de ces efforts passés revient à percevoir des intérêts sur un prêt, ce qui est interdit. En revanche, si nous continuons à diffuser le judaïsme comme nous leur avons appris à le faire, notre travail avec eux est toujours un « investissement », et, de ce fait, l’« intérêt » nous revient de droit.7

40 Jusqu’à l’année du jubilé. Si le serviteur qui s’est lui-même asservi décide de rester dans cette condition pour une période supérieure à son terme dû, il sera conduit au tribunal et aura son oreille droite percée, comme c’est le cas pour un serviteur ainsi asservi par le tribunal afin qu’il rembourse son vol.8 On ne lui administre que la punition assez légère du percement de son oreille9 car il s’est asservi lui-même uniquement en raison de sa terrible pauvreté. Néanmoins, c’est son oreille droite qui est percée, car l’oreille droite, la meilleure, fait allusion à l’emploi juste du don de l’ouïe. Il entendit D.ieu dire sur le mont Sinaï : « Les enfants d’Israël sont pour Moi des serviteurs, Mes serviteurs ! »,10 et alla pourtant se trouver un autre maître sans en ressentir la moindre gêne, comme en témoigne le fait qu’il n’est nullement impatient de devenir un homme libre. (Il n’est certainement pas indigent à présent, puisque son maître s’est chargé de le nourrir ainsi que sa famille tout au long de sa période de service, il a dans ses mains l’argent qu’on a payé pour lui lors de son achat, et son maître lui offrira des cadeaux le jour de sa libération.11 ) L’oreille est percée contre une porte tenue debout tout comme son montant parce que la porte et son montant ont été témoins, pour ainsi dire, de la façon dont D.ieu a délivré le peuple de l’esclavage en Égypte,12 et cet individu a néanmoins choisi de prolonger sa période de service.13 Ce rituel une fois accompli, il servira son maître jusqu’à l’année du jubilé. Bien qu’il puisse sembler qu’en s’asservissant volontairement le serviteur accepte toute ration alimentaire qui lui sera fournie – pour maigre qu’elle soit –, le maître reste tenu de le nourrir correctement, même si ce détail n’a pas été stipulé lors de son asservissement. En outre, si le serviteur a déjà des enfants au moment de son asservissement volontaire, le maître est tenu de pourvoir à leur subsistance pendant toute la durée de son service.14

42 Eux sont Mes serviteurs. Certains d’entre nous sont tellement absorbés par leur travail les six jours de la semaine qu’ils semblent y être asservis comme des esclaves. Même lors du Chabbat, la « septième année » hebdomadaire où nous sommes censés devenir « libres », il nous est difficile de nous dégager de l’emprise qu’exerce sur nous le travail. La Torah nous enseigne que ce n’est pas là la bonne façon de vivre. Nous avons été créés pour servir D.ieu : pour étudier Sa Torah et pour observer Ses commandements. D.ieu nous ayant créés dans ce but, Il nous a certainement fourni les moyens de l’atteindre. Lors de notre travail au cours de la semaine, nous ne devons pas nous considérer comme asservis au travail ; nous devons, par contre, travailler de manière à employer les fruits de notre travail à des fins saintes. Et le Chabbat, nous devons nous élever au-dessus de toute relation avec la vie profane. Ainsi, en nous affranchissant de notre servitude individuelle, nous hâtons la Délivrance ultime, lorsque le monde entier sera libre de se consacrer sans entrave à la recherche du spirituel et de la Divinité.15

47 Si un résident étranger. Si un non-Juif renonce à l’idolâtrie – autrement dit, accepte le monothéisme –, il lui est permis de vivre sur la terre d’Israël à titre de « résident étranger ». Nous devons traiter un tel résident étranger de manière équitable et même charitable.16 Or, tout en reconnaissant son acceptation, certes louable, du monothéisme, sa réticence à poursuivre cet engagement jusqu’à sa conversion au judaïsme indique qu’il reste attaché à son état d’esprit et/ou à son milieu non juif. Nous devons donc veiller à ce que, dans nos relations avec lui, il soit influencé par notre engagement envers le judaïsme plutôt que d’être nous-mêmes influencés par son ambivalence vis-à-vis d’un tel engagement. D.ieu nous assure que, si nous l’influençons, il réussira dans ses entreprises matérielles, mais si c’est lui qui nous influence, nous échouerons dans les nôtres.17

Pour cette même raison, si jamais nous tombons dans la misère, D.ieu nous interdit de nous engager en tant que serviteurs de résidents étrangers ; nous ne pouvons nous asservir qu’à nos prochains juifs.18

Be’houkotaï

4 Je vous donnerai vos pluies en leur temps. Lorsque nous parvenons à une véritable unité avec la Torah – comme celle, décrite plus haut, relative à notre dévouement aux « décrets » de D.ieu –, tout notre être en est affecté, même dans les aspects matériels de notre vie. Pour indiquer qu’il en est bien ainsi, les effets de cette unité doivent être tout autant matériels. Dès lors, les récompenses matérielles mentionnées ici ne constituent pas seulement un encouragement à observer la Torah, mais le véritable signe que la Torah a imprégné notre vie avec une telle ampleur que notre observance produit des résultats tangibles. Nos sages nous enseignent que ces versets, outre le fait qu’ils décrivent les récompenses matérielles que D.ieu nous promet dans notre monde, font également référence à la richesse matérielle plus miraculeuse encore qui caractérisera l’avenir messianique. Sur la base de l’explication que nous venons de donner à propos de la nature de la signification contextuelle de ces versets – en référence aux récompenses promises dans l’ordre actuel –, nous pouvons comprendre que ces prophéties messianiques ne servent pas seulement d’encouragements, mais constituent également autant d’expressions matérielles de l’ampleur avec laquelle la conscience divine imprègne notre existence. La différence entre les récompenses miraculeuses dans le monde actuel et les récompenses encore plus miraculeuses de l’avenir messianique est due au fait que ce n’est qu’à l’avenir que nous pourrons imprégner entièrement notre existence de la conscience du Divin. De manière concomitante, les résultats de l’accomplissement de notre mission divine parviendront à imprégner tout. Comme il n’existera pas de dichotomie entre nous et notre source divine, il n’existera pas non plus de dichotomie entre le monde matériel et sa source divine, et le monde matériel sera en mesure d’exprimer à la perfection la bienfaisance infinie de D.ieu. Les prophètes et les sages se consacrèrent à décrire en détail l’opulence de l’ère messianique parce que cette opulence exprime au mieux la concrétisation du propos de la création – faire de ce monde si bas un vrai véhicule pour la conscience divine.19

14–43 Menaces et conséquences. Dans ce passage, D.ieu fait savoir au peuple juif les terribles conséquences du fait de s’écarter et ne pas suivre les enseignements de la Torah pour la vie. Mais le Zohar nous apprend que D.ieu, la Torah et l’humanité possèdent des dimensions cachées aussi bien que des dimensions révélées. Dans la dimension révélée de la Torah, ces versets expriment effectivement des malédictions ; cependant, dans sa dimension cachée elles représentent des bénédictions.20 Cela ne signifie pas qu’il s’agit de bénédictions purement « allégoriques », autrement dit, d’expériences douloureuses qu’il nous faut subir pour accéder à un plus grand bonheur. Elles sont de véritables bénédictions, et non pas simples et ordinaires, mais les bénédictions les plus grandes et élevées. En effet, ce sont précisément les plus hautes bénédictions qui doivent être formulées (et parfois vécues) comme des malédictions. La raison en est qu’avant de nous accorder une bénédiction, D.ieu la fait évaluer par le tribunal céleste, qui détermine si le destinataire potentiel mérite de la recevoir ou pas. Or, lorsqu’une bénédiction est « déguisée » en malédiction, elle « contourne » le réquisitoire du tribunal et parvient directement à nous, ses destinataires. Cela explique pourquoi « D.ieu réprimande celui qu’Il aime ».21 Cet amour immense ne peut venir à nous comme du bonheur révélé, car il se pourrait que nous ne soyons pas dignes d’une telle bienveillance. Il doit se manifester sous l’apparence du mal et de la souffrance. Aussi, nous devons apprendre à « déchiffrer » ces bénédictions dissimulées ; c’est ainsi qu’elles se révéleront comme les bénédictions qu’elles sont. L’étude de la dimension cachée de la Torah éveille la dimension cachée de notre âme, ce qui nous permet à notre tour de faire l’expérience de la dimension cachée de D.ieu et, ainsi, de faire l’expérience de la dimension cachée des malédictions, là où se trouvent les bénédictions les plus élevées. Dès lors que nous comprenons que les malédictions de D.ieu sont en réalité des bénédictions, nous suivons instinctivement le conseil des sages de « nous réjouir dans la souffrance ».22 Cette prise de conscience permet à la bonté inhérente que recèlent les malédictions apparentes de se manifester dans sa plénitude.23

25 Qui retireront les cadavres de la ville. En règle générale, sur la terre d’Israël il est interdit d’enterrer une personne à l’intérieur d’une ville entourée de murailles.24 Par ailleurs, à Jérusalem il était de coutume de ne laisser aucun cadavre passer la nuit à l’intérieur des remparts de la ville.25

26 Et Je vous couperai tous vos vivres (littéralement, « Et Je briserai votre bâton de pain »). Le pain est une métaphore de la Torah : tout comme le pain nourrit le corps, la Torah nourrit l’âme. Telle qu’elle se manifeste à nous actuellement, la Torah est une version diminuée de la Torah originale. Dans sa forme originale, la Torah ne traite pas de la réalité terrestre, mais décrit uniquement le domaine du spirituel. Cet abaissement eut lieu au moment où Moïse brisa les premières tables. Lorsque D.ieu nous donna la Torah au mont Sinaï, nous fûmes débarrassés de l’impureté spirituelle dans laquelle le monde était tombé à cause de la faute d’Adam et Ève avec l’Arbre de la connaissance du bien et du mal. Nous aurions pu comprendre alors la Torah dans sa forme originale, écrite « dans le ciel ». Néanmoins, aussitôt que, comme conséquence de la faute du veau d’or, Moïse dut briser les tables, le monde descendit jusqu’à son état matérialiste actuel, et notre conscience subit une chute concomitante. Et la Torah, elle, « tomba » également : sa signification sublime devint matérielle afin d’être en mesure de répondre aux circonstances matérielles de notre monde.

Et Je briserai votre bâton de pain fait allusion à la brisure des tables, qui provoqua l’abaissement de la Torah, soit qu’elle en vienne à revêtir une apparence matérielle. Le terme « bâton de pain » est une référence à l’Arbre de vie du jardin d’Éden, la source de la Torah. La « brisure » du bâton constitue une allusion à la descente de la Torah de son contexte spirituel en tant qu’Arbre de vie et l’adoption de sa forme actuelle, diminuée. L’avantage que la Torah soit formulée en termes matériels est que nous sommes à même de la comprendre. Le désavantage est que notre appréhension de la Torah, sous sa forme terrestre, peut rendre difficile de l’intérioriser, d’incorporer ses enseignements à la circulation de notre sang spirituel. C’est pourquoi la Torah nous indique comment contourner le piège d’emmagasiner ses enseignements dans un recoin théorique de notre esprit.

Cuiront votre pain. Tout comme la farine non cuite n’est pas susceptible d’être absorbée par le corps, le pain de l’âme, la Torah, ne peut être entièrement absorbé par celui qui l’étudie que s’il est convenablement « cuit » dans le feu de l’amour de l’âme pour D.ieu et de son désir de s’attacher à Lui. Pour « digérer » la Torah de manière à ce qu’elle imprègne entièrement notre être nous devons évoquer l’amour, parfois dormant, de notre âme pour D.ieu – le feu qui prépare la Torah à la digestion humaine. Comment pouvons-nous revigorer cet amour ?

Dans un seul four (ce qui peut également se lire comme « dans le four de l’Un »). Autrement dit, par la méditation sur l’unicité de D.ieu. Lorsque nous méditons profondément au fait que rien n’existe en réalité en dehors de D.ieu, nous abandonnons tout notre engouement envers les choses de ce monde pour nous consumer dans un amour passionné pour Lui, que nous assouvissons par l’étude de la Torah. Mais…

dix : cet amour doit englober les dix forces de notre âme : sagesse, compréhension, connaissance, bonté, rigueur, beauté, victoire, gloire, fondement et royauté. Et…

femmes : dans le symbolisme du masculin et du féminin, la femme est celle qui reçoit. Une fois notre amour de D.ieu éveillé, il faut le garder comme « féminin » ; autrement dit, nous devons nous rappeler que c’est D.ieu qui nous l’accorde. Nous sommes simplement les bénéficiaires de ce sentiment d’amour ; nous ne l’avons pas créé. Une fois toutes ces conditions remplies…

elles vous rapporteront le pain au poids (littéralement : sur la balance) : quand un bras de la balance baisse, l’autre monte. De façon analogue, en intégrant la Torah dans notre existence, en la « réduisant » de manière à ce qu’elle touche même aux facettes les plus profanes de notre vie, nous provoquons une réaction réciproque et « élevons » la Torah à sa forme primordiale, celle qui était la sienne avant qu’elle « s’abaisse » dans son contexte matériel actuel. Voici que la dimension spirituelle de la Torah commence à se déployer sous nos yeux, et nous devenons à même de comprendre chaque fois avec davantage de profondeur ses significations infinies. En conséquence,

vous mangerez mais ne serez pas rassasiés : notre amour pour D.ieu sera si grand que jamais nous ne pourrons apprendre assez de Torah. Au fur et à mesure que des dimensions de la Torah de plus en plus profondes s’ouvriront devant nous, nous la verrons toujours comme nouvelle et vibrante.26

8 En fonction de ses moyens. Les moyens du donateur sont évalués en fonction de ce qu’il possède réellement, peu importe qu’il ait choisi de faire usage de toute sa richesse ou d’une partie. D.ieu nous évalue d’une façon analogue. Tous les Juifs ont reçu l’intégralité de la Torah lorsque nos âmes se sont tenues au mont Sinaï. La Torah tout entière est donc notre héritage et notre possession. Aussi, quel que soit le nombre de versets de la Torah que nous ayons étudiés ou intériorisés, D.ieu nous considère comme spirituellement riches. L’estimation favorable que fait D.ieu de notre richesse et de notre valeur a pénétré dans la conscience des peuples non juifs du monde. C’est la raison pour laquelle les non-Juifs – qu’ils en aient ou non conscience – tiennent, profondément ancré en eux, un sentiment de haute estime pour le peuple juif. Cependant, la seule possession de cette richesse inhérente ne saurait suffire ; nous devons utiliser le pouvoir infini de la Torah pour nous raffiner ainsi que le monde, en étudiant tous ses aspects et en les intériorisant au mieux de nos aptitudes, et davantage encore.27

16 Si un homme consacre. Pour quelle raison la Torah devrait-elle nous permettre d’offrir au Temple ou à ses prêtres des possessions que D.ieu nous a accordées ? N’est-ce pas manifester de l’ingratitude envers D.ieu, ou nous soustraire à la responsabilité qu’Il nous a confiée en mettant ces ressources à notre disposition ? La réponse est que tout ce que nous possédons appartient en réalité à D.ieu. Il a confié ces biens à nos soins durant notre vie pour que nous les raffinions et que, ce faisant, nous nous raffinions nous-mêmes et le monde en général. Il s’ensuit que nous n’avons aucun « droit » intrinsèque sur ces biens ; le fait de les posséder n’implique pas qu’il nous soit permis d’en abuser ou de les gaspiller à notre guise. Si la chose vaut pour les biens qui nous sont extérieurs, elle vaut encore davantage pour nos aptitudes et notre corps. Nous devons leur prodiguer des soins et les orienter vers des propos positifs ; leur possession ne nous donne pas le droit d’en faire un usage abusif ou inapproprié. Et ceci est d’autant plus vrai pour ce qui est de nos enfants, que nous chérissons davantage même que notre personne. Nos enfants appartiennent à D.ieu, Qui nous les a confiés afin que, par nos soins, ils deviennent saints et bons. En tant que parents, il est dans notre nature de ne ménager aucun effort pour que nos enfants obtiennent ce qu’il y a de meilleur. Aussi, notre plus haute priorité doit être de leur prodiguer une éducation juive fondée sur les valeurs éternelles de la Torah. C’est le meilleur moyen de leur assurer le plus authentique et le plus durable des bonheurs.28

28 Qu’une personne met à part. Une autre façon de donner quelque chose à D.ieu (en plus de le consacrer) est de le mettre à part. Les biens peuvent être mis à part pour le compte des prêtres29 – auquel cas ils sont attribués au groupe de prêtres officiant dans le Tabernacle à ce moment-là –, ou bien pour le compte du trésor du Tabernacle. Si une personne met un objet à part sans préciser s’il est destiné aux prêtres ou au Tabernacle, D.ieu remet au tribunal la tâche de décider à qui il doit être accordé.  

Ni vendu ni racheté. Ainsi, mettre à part quelque chose constitue un acte plus absolu que le consacrer. Or, dès lors que les prêtres ont pris possession de l’entité mise à part, ils ont le droit d’en faire usage à discrétion. Par contre, si l’objet mis à part est remis au Tabernacle, le Trésor a le droit de le vendre ou de permettre à son propriétaire initial de le racheter ; le produit de la vente ou du rachat sera ensuite affecté à l’entretien du Tabernacle. Dans un tel cas, la mise à part et la consécration ne présentent pas entre elles de différences pratiques.30

31 Si quelqu’un rachète. S’il habite trop loin de la ville du Temple pour y transporter tout le produit de la deuxième dîme, il peut en transférer la sainteté à une somme d’argent égale à sa valeur monétaire, puis emporter cet argent dans la ville du Temple afin de l’utiliser pour acheter sur place d’autres denrées alimentaires. Il consommera ensuite ces denrées dans la ville du Temple, tout comme il aurait consommé ses propres produits de la dîme. Dès lors que le statut de chose sainte de la deuxième dîme d’origine a été transféré de celle-ci à un autre objet, on peut consommer la première où que ce soit.31

33 Lui comme son substitut seront saints. Sanctifier un animal est quelque chose de bon. Pourquoi alors D.ieu doit-Il interdire au propriétaire de substituer un autre animal à celui initialement prélevé à titre de dîme, si par cet acte les deux animaux deviennent sanctifiés ? En prélevant la dîme de son bétail, le propriétaire se transportait hors de son monde ordinaire pour rejoindre le parcours sanctificateur qui le faisait emporter l’animal à Jérusalem et l’y consommer conjointement avec sa famille. D.ieu lui demande de faire ceci afin que lui et sa famille renouvellent au Temple leur inspiration religieuse. En interdisant au propriétaire de substituer un autre animal à celui qui a été prélevé comme dîme, D.ieu nous enseigne qu’une fois que nous nous investissons dans un but saint, nous devons le mener à terme. Il ne convient pas de briser notre élan spirituel en nous distrayant avec un parcours spirituel différent. Cependant, cette directive est annulée lorsque quelqu’un se trouve en danger, matériel ou spirituel. Dans de tels cas, D.ieu nous ordonne de tout abandonner afin de nous consacrer à sauver la personne. S’il nous arrive de nous sentir réticents à quitter les abords sûrs de la sainteté et entrer dans le monde profane pour élever ceux qui y sont, la Torah nous donne l’assurance que « lui et son substitut seront saints » ; autrement dit, nous ainsi que celui que nous élèverons vers la sainteté deviendrons saints ; la descente ne nous portera pas dommage.32