Vue d’ensemble
Notre haftarah est extraite de la dernière partie du livre de Jérémie, où se trouvent plusieurs prophéties concernant les nations voisines d’Israël.
C’était une époque de grands bouleversements. Nabuchodonosor de Babylone conquérait un empire après l’autre, faisant ainsi de son pays la superpuissance de l’époque. L’un des plus grands rivaux de la Babylonie était l’empire égyptien. Dans cette lecture, Jérémie prévoit la défaite du Pharaon égyptien et de sa nation devant les Babyloniens.
Il commence par appeler l’Égypte à se mobiliser en prévision d’une bataille qui aurait lieu avec la Babylonie, quelques années après que celle-ci ait détruit la Judée. L’Égypte allait essuyer une défaite totale et ses mercenaires s’enfuiront tous vers leur patrie d’origine. Cette défaite de l’Égypte serait par ordonnance divine : D.ieu avait fait le serment irrévocable que l’Égypte tomberait. (La raison de cette punition était que l’Égypte avait promis au royaume de Judée de se battre à ses côtés contre Nabuchodonosor. Lorsque, cependant, la Judée avait été attaquée, l’Égypte n’avait envoyé aucune aide.1)
Bientôt, les Égyptiens, qui jouissaient d’une vie prospère jusque-là, allaient être exilés. Même les aristocrates, y compris le roi lui-même avec sa puissante armée, ne résisteraient pas à l’assaut babylonien.
Toutefois, au bout d’un certain temps, l’état de défaite et de soumission à la Babylonie prendrait fin.2 Alors, les Égyptiens retrouveraient une partie de leur pouvoir et un semblant de leur souveraineté originelle. En voyant cela, les Juifs pourraient être blessés : Et nous ? Pourquoi ne revenons-nous pas nous aussi à notre ancienne gloire ? À cela le prophète répond d’un ton rassurant : « N’aie pas peur, mon serviteur Jacob. » Bien qu’il faudra plus de temps, D.ieu n’abandonnera jamais Son peuple, et à la fin ils retourneront dans leur pays en paix et en sécurité. Même si les Juifs assistent à la destruction totale des empires qui les ont emmenés captifs, ou de grandes guerres entre les nations parmi lesquelles ils vivront, ils ne devront pas craindre. Certes, ils souffriront, mais ils survivront toujours.3
Votre synagogue va déménager
« Aussi vrai que Je vis... comme Tabor parmi les montagnes et comme le Carmel près de la mer, il viendra. » Le sens simple du verset est que Jérémie transmet le serment de D.ieu que la défaite s’abattra assurément sur Pharaon et la nation égyptienne. La référence aux monts Tabor et Carmel, selon la plupart des commentaires, est une expression d’affirmation : tout comme le Tabor et le Carmel ne peuvent être déplacés, le serment de D.ieu sera également ferme et immuable.
Il est intéressant de noter qu’il y a dans le Talmud une déduction de ce verset dans la direction opposée :
Il a été enseigné : R. Elazar HaKappar dit : Les synagogues et les maisons d’étude en Babylonie seront dans le temps à venir replantées dans la terre d’Israël, comme il est dit : « Car comme Tabor parmi les montagnes et comme le Carmel près de la mer sont venus. » Nous pouvons faire une déduction logique de cela : si le Carmel et le Tabor, qui ne sont venus qu’une seule fois pour apprendre la Torah, furent placés dans la Terre d’Israël, combien plus en sera-t-il des synagogues et ses maisons d’étude, où la Torah est lue et répandue dans tout le pays.4
En lisant littéralement ce verset, cela donne effectivement ceci : « Tout comme Tabor et Carmel, il viendra », ce qui implique qu’il fut un temps où Tabor et Carmel sont également « venus ». Ceci, explique le Talmud, eut lieu lors du don de la Torah. Le Midrash développe : « Lorsque D.ieu vint donner la Torah, les montagnes se disputèrent en disant : « Que la Torah soit donnée sur moi ». [À ce moment] le mont Tabor vint de Beth Elim, et le mont Carmel d’Aspamia... »5
Le commentaire Ben Yehoyada sur le Talmud6 dit que ceci n’est pas à prendre de façon littérale, mais plutôt comme une référence aux éléments spirituels (ou « ombres », comme il les appelle) de ces montagnes, qui « virent » et voulurent que la Torah soit donnée sur elles. Le Talmud poursuit en relatant que D.ieu récompensa ces montagnes en les « plaçant » en Israël. Bien que ces montagnes fussent déjà physiquement en Terre Sainte, D.ieu améliora leur existence et leur vitalité, les élevant à un plus haut degré de sainteté au sein de la « Terre d’Israël » spirituelle. C’est également ainsi que Ben Yehoyada comprend la conclusion du Talmud au sujet des maisons d’étude et de prière : bien que ces structures se trouvent physiquement dans la diaspora, dans le temps à venir D.ieu les élèvera à la sainteté de la terre d’Israël.
Cependant, de nombreux commentateurs ne sont pas d’accord avec cette interprétation, du moins en ce qui concerne l’avenir. Leur compréhension est que, tout comme les Juifs eux-mêmes déménageront de la Diaspora en Israël, leurs maisons de prière et d’étude déménageront avec eux.7
« Ne crains pas, Mon serviteur Jacob »
Une coutume dans de nombreuses communautés juives est le chant des zemirot (hymnes) en l’honneur du Chabbat, des fêtes et d’occasions spéciales. L’une de celles-ci a lieu Motsaei Chabbat, le soir qui suit le jour de Chabbat. Un repas spécial est alors consommé, appelé Mélavé Malka, « escorter la reine », lors duquel nous disons au revoir au Chabbat et perpétuons son esprit au sein de la semaine.
Motsaei Chabbat est un moment difficile pour le Juif. Pendant le Chabbat, nous entrons dans un monde de paix et de sérénité. Nous passons toute une journée dans un état d’exaltation et de retrait de la vie quotidienne. Le Chabbat, un juif se connecte à D.ieu et prend une pause du bas monde physique. Mais tout cela doit prendre fin au départ du Chabbat. Le Juif se voit alors de nouveau contraint de sortir et de faire face aux défis quotidiens de la vie, ce qui, même dans le meilleur des cas, n’est jamais chose aisée.
La cérémonie de la havdala et les hymnes qui suivent lors du repas de Mélavé Malka sont tous composés dans cet esprit. Dans l’un des hymnes les plus connus, chaque ligne débute par l’une des lettres de l’aleph-beth et se termine par une phrase de notre haftara : « Ne crains pas, Mon serviteur Jacob. »
Le nom Yaakov (Jacob) contient le mot akev (עקב), qui signifie « talon ». Ce nom lui fut donné à la naissance, quand il sortit du ventre de sa mère en agrippant le talon de son jumeau aîné, Ésaü.8 Quand Jacob triompha d’un ange céleste, celui-ci lui donna le nom de Yisrael (Israël), « car tu as lutté avec le Divin et avec l’homme, et tu as vaincu ».9
La vie de nos pères porte en elle l’histoire de leurs descendants. Il y a en chaque Juif l’expérience de Yaakov et Yisrael. De manière générale, elle est la différence entre le Chabbat et le reste de la semaine.
Le Chabbat, le Juif est élevé à « être en compagnie » de D.ieu. À ce niveau de réalité, tout est parfait. Le monde matériel qui constitue habituellement un obstacle à la quête du divin devient alors partie de la symétrie parfaite qu’est la création de D.ieu. C’est pour cette raison que nous sommes invités à éprouver un plaisir physique le Chabbat, d’une manière qui peut être quelque peu découragée pendant la semaine. Bien que nous puissions ne pas le ressentir, nous sommes néanmoins élevés à cet état d’être.
Ainsi, le Chabbat, un Juif est « Yisrael », se tenant au-dessus et au-delà des épreuves et des tribulations habituelles de la vie terrestre. Et puis le Chabbat touche à sa fin. Alors, le Juif doit faire face au monde tel qu’il est, à son propre niveau de réalité. À ce moment, il se sent comme, et traite avec, un « talon ». Le talon est physiquement la partie la plus basse et la plus insensible du corps. Il reçoit des chocs un grand nombre de fois chaque jour, mais ne réagit pas à cela en aucune façon. Il ne contient aucune des facultés nobles de la personne, à l’inverse de la tête ou du cœur. De la même manière, le Juif doit traiter avec la facette de son propre être et du monde autour de lui qui est apathique et indifférente à la Divinité. C’est un travail difficile. Yaakov est appelé ici « Yaakov Mon serviteur », de même qu’un serviteur doit travailler vigoureusement pour son maître.
C’est pour cette raison que nous chantons et annonçons après Chabbat : « Ne crains pas, Mon serviteur Jacob. » Après chaque Chabbat, le Tout-Puissant nous donne la force et la capacité d’accomplir sans crainte notre mission dans ce monde, et de le faire avec joie. En effet, la promesse divine est que « tous les juifs ont une part dans le monde à venir ». D’une façon ou d’une autre, nous parviendrons là où nous devons arriver. La conscience que la bataille sera assurément gagnée suscite un regain d’esprit et de joie à la bataille elle-même, accélérant ainsi également la victoire finale.10
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