Il nous est interdit de condamner un accusé [dans une affaire criminelle] sur la base d'une forte présomption même si elle conduit à une appréciation des faits pratiquement certaine. En conséquence, dans l'hypothèse où un homme poursuit son ennemi pour le tuer, puis ce dernier se réfugie dans une maison dans laquelle son poursuivant pénètre à ses trousses, si nous y entrons après eux et que nous y trouvons l'homme qui était ainsi poursuivi en train d'agoniser, tandis que son ennemi, le poursuivant, se tient au-dessus de lui, avec un poignard dans la main, l'un et l'autre ruisselant de sang, ledit poursuivant ne pourra être condamné par le Tribunal comme sanction judiciaire, car on ne dispose d'aucun témoin ayant vu le meurtre. Or, la Torah, qui est Vérité, interdit de le mettre à mort, en ces termes : "...ne frappe point de mort celui qui est innocent et juste..."
La Mekhilta s'exprime ainsi : "Ils ont vu un homme en poursuivre un autre pour le tuer et ils l'ont mis en garde en lui disant : c'est un Juif, un fils de l'alliance, et si tu le tues, tu seras également mis à mort. Ayant ensuite perdu de vue les deux protagonistes, ils trouvent [la victime] en train d'agoniser, tandis que du sang coule du glaive que le poursuivant tient dans sa main. Je pourrais penser que ce dernier doit être déclaré coupable. C'est pourquoi la Torah précise : ...ne frappe point de mort celui qui est innocent et juste...".
Cette loi ne doit pas te déconcerter, ni te paraître injuste. En effet, dans le domaine des probabilités, les unes sembles certaines, tandis que d'autres sont très lointaines, sans compter toutes les éventualités intermédiaires entre ces deux extrêmes. L'expression "présomption" a une signification large. Si donc la Torah nous avait autorisés à prendre des décisions en matière criminelle sur la base d'une très forte présomption, c'est-à-dire confinant à la certitude comme dans l'exemple que nous avons cité, nous risquerions par la suite de trancher un cas en nous fondant sur une présomption un peu moins forte, puis nous deviendrons progressivement moins exigeants à cet égard au point finalement de prononcer des jugements dans des affaires criminelles et de condamner des personnes à mort sur la base de présomptions légères, selon les caprices des juges. C'est la raison pour laquelle l'Eternel a fermé cette porte et nous a prescrit de n'infliger aucune sanction à moins que des témoins ne soient venus certifier qu'ils savent avec certitude ce qui s'est passé, sans aucun doute quelconque, et qu'il n'y a pas d'autre explication possible. Si nous nous abstenons de prononcer un jugement, même lorsque nous pouvons nous appuyer sur une très forte présomption, le pire qui puisse arriver est que le coupable soit acquitté. En revanche, au cas où nous infligeons des sanctions en nous fondant sur la solidité de présomptions ou de suppositions, il pourrait arriver un jour que nous condamnions à mort un innocent. Or, le risque d'acquitter un millier de coupables ne vaut-il pas mieux, en toute logique, que celui de condamner ne serait-ce qu'une seule fois un innocent?
De manière analogue, lorsque deux témoins viennent déclarer que l'accusé a commis deux transgressions, passibles chacune de la peine de mort, mais que chaque témoin ne l'a vu commettre que l'une des violations et pas l'autre, il ne peut être mis à mort. Par exemple, au cas où un des témoins déclare que l'accusé a accompli un travail défendu le jour du Chabbat, et qu'il l'a mis en garde contre cet acte, tandis que l'autre affirme qu'il a servi des idoles, en dépit également de sa mise en garde, on n'a pas le droit de le lapider. Nos Sages ont dit : "Un des témoins a déclaré que l'accusé adore le soleil tandis que, selon l'autre, il adore la lune. Je pourrais penser que les deux dépositions se complètent [et qu'il faut donc le condamner]. C'est pourquoi la Torah précise : ...ne frappe point de mort celui qui est innocent et juste..."
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