D’après la tradition, le soleil fut créé au moment de l’équinoxe de printemps1 qui coïncidait avec le premier instant du quatrième jour de la création – le jour lors duquel D.ieu plaça en orbite le soleil, la lune et tous les corps célestes.2 Dans la mesure où, dans la tradition juive, le jour débute à la tombée de la nuit précédente – comme cela apparaît dans le récit de la création de la Torah, « il fut soir, il fut matin... » – cela eut lieu à la tombée de la nuit, le mardi soir.

Lorsque le soleil atteint de nouveau ce point de départ, exactement à la même heure de la journée et le même jour de la semaine, nous récitons la Birkat Ha’Hamah le matin suivant, peu après le lever du soleil.3 Ceci survient une fois tous les 28 ans – cette année ce sera le 14 Nissan 5769 (le 84 avril 2009).5

(En d’autres termes, l’équinoxe de printemps survient tous les ans, mais à différents jours de la semaine et à différentes heures de la journée. Ce n’est qu’une fois tous les 28 ans qu’il survient un mercredi [le quatrième jour de la création] au tout début du jour.)

Remarquez toutefois que, d’un point de vue astronomique, il ne se passera rien d’inhabituel en ce jour ; le soleil, la lune, les planètes et les étoiles ne seront pas alignés selon un schéma particulier.6

Le calcul

Le point de départ est le premier moment du (soir précédant le) premier mercredi de l’Histoire, le quatrième jour de la création. Par commodité, nous allons arrondir cela à mardi soir à 18 h pour présenter le calcul.

D’après les calculs astronomiques effectués par Chmouel – un de nos Sages à Babylone qui vécut au 3ème siècle de l’ère commune et au sujet duquel le Talmud7 dit qu’« il était familier avec les voies du ciel autant qu’avec les rues de sa ville natale de Néhardéa » – la durée d’un cycle solaire est de 365,25 jours, ou 52 semaines plus 1¼ jour.8 Il s’ensuit que, un an plus tard, lorsque le soleil revient à la position qu’il occupait au moment de sa création, ce sera 1¼ jour plus tard dans la semaine : mercredi à minuit dans notre exemple. Au bout de deux ans, ce sera 2½ plus tard dans la semaine : vendredi à 6 h du matin. Ce n’est qu’au bout de 28 ans que le soleil retournera à sa place un mardi à 18 h.


La Birkat Ha’Hamah par rapport à la date actuelle de l’équinoxe de printemps

Vous serez certainement nombreux à remarquer que l’équinoxe de printemps aura lieu le 20 mars, soit dix-neuf jours avant que nous récitions la Birkat Ha’Hamah.

Pour comprendre la raison de cela, il nous faut brièvement rappeler les origines du calendrier grégorien – le calendrier en usage aujourd’hui – qui remplaça le calendrier julien utilisé auparavant :

Le calendrier julien fut introduit par Jules César en -469 et – comme celui de Chmouel – il était basé sur une année de 365,25 jours. Sa structure était la suivante :

a. Toutes les années futures seraient composées de 365 jours pour les années normales, et 366 jours pour les années bissextiles.

b. Une année bissextile aurait lieu tous les quatre ans.

c. L’équinoxe de printemps fut fixé comme intervenant cette année-là le 25 mars à 18 h. Mais comme le jour hébraïque débute le soir, la date hébraïque correspondante fut donc le 26 mars – un facteur important comme nous allons le voir :

Ainsi, dans chaque millénaire julien, il y a 365 250 jours (750 années normales [750 x 365 = 273 750] et 250 années bissextiles [250 x 366 = 91 500]).

Cependant, comme la science moderne l’a démontré, une année solaire comporte en réalité 365,24219 jours.10 Dès lors, 1000 années tropiques font donc 365 242,19 jours.

Le millénaire julien – comme celui de Chmouel – est donc 7,81 jours plus long que le millénaire solaire exact (365 250 – 365 242,19).

En l’an 1582, le calendrier julien était en avance d’environ 10 jours sur l’année tropique, et un nouvel ajustement s’avérait nécessaire. Le pape Grégoire XIII introduisit deux ajustements au calendrier et le calendrier « grégorien » fut établi. Ces deux ajustements furent les suivants :

a. Dix jours furent retranchés au calendrier en 1582.11

b. Pour prévenir la nécessité de toute correction future, il fut fixé qu’une année de fin de siècle non divisible par 400 ne serait pas bissextile. Les années 1700, 1800 et 1900 ne furent donc pas bissextiles, alors que les années 1600 et 2000 le furent.

Il ressort que le calendrier grégorien est actuellement en avance de treize jours sur le calendrier julien : 10 jours de l’ajustement initial, plus 1 jour pour chacune des trois années bissextiles « sautées » en 1700, 1800 et 1900. Et le calendrier grégorien est en avance de 18 jours par rapport à celui de Chmouel : les 5 jours supplémentaires étant dus au fait que César avait fixé l’équinoxe de printemps au 26 mars plutôt qu’au 21 mars.12

L’angle ‘hassidique

Quelle est donc la raison pour laquelle nous faisons Birkat Ha’Hamah à une date issue de calculs « fautifs » ?13

Le Rabbi a expliqué14 qu’il s’agit d’une des rares questions qui ne peuvent être résolues par l’analyse des faits, mais requièrent une élucidation émanant des enseignements mystiques de la Torah.15

Comme nous l’avons dit plus haut, la Birkat Ha’Hamah est fixée au moment de l’équinoxe de printemps, au moment où le soleil fut lancé sur son orbite.

Bien que nous célébrions l’anniversaire de l’ensemble de la création – y compris le soleil – à Roch Hachana,16 environ six mois avant l’équinoxe de printemps, il y a un débat dans le Talmud17 sur la question de savoir si le monde fut créé au mois de Tichri ou au mois de Nissan. Le consensus auquel aboutit le Talmud est que, en ce qui concerne le compte des années, nous comptons à partir de Tichri, mais dans tous les domaines de la loi juive ayant trait au calcul des « tékoufot », des saisons (catégorie à laquelle appartiennent les équinoxes), nous calculons à partir de Nissan.18

D’après les enseignements mystiques,19 ces deux opinions sont correctes et ne se contredisent pas. Tous sont d’accord que le monde fut créé en Tichri, mais que D.ieu conçut l’idée de la création au mois de Nissan. L’objet du « débat » talmudique est de déterminer laquelle de ces deux dates revêt la plus grande importance.

La règle talmudique citée plus haut stipule que, en ce qui concerne les saisons, nous attribuons la primauté à Nissan, c’est-à-dire à l’élaboration du monde dans la pensée divine et donc à l’équinoxe spirituel, qui est, pour ainsi dire, le moment où le concept de l’équinoxe de printemps fut conçut dans l’Esprit divin, plutôt que le moment où ce concept fut concrétisé dans le temps matériel. Nous comptons en réalité à partir d’une base qui n’existe même pas : l’équinoxe de printemps qui « se produisit » dans l’année qui précéda la création !

En conséquence, le timing de cet événement est fixé d’après le système de Chmouel, qui, d’après nos Sages, est aligné avec précision sur les saisons « spirituelles ».20