L’histoire rapporte qu’Hérode, l’homme qui avait usurpé le trône de Judée à l’époque romaine, craignit que les Sages, dépositaires de l’âme éternelle du peuple juif et ses guides, complotent contre lui et finissent par le perdre. Pour garantir ce qu’il espérait être sa victoire définitive sur tout ce qui pouvait constituer opposition à son arbitraire, il usa d’une méthode radicale : il fit tuer tous les Sages sauf un d’entre eux à qui il se « contenta » de faire crever les yeux pour le rendre inoffensif. Le temps passa et Hérode finit par ressentir les tourments de ce qui lui restait de conscience. Il s’en ouvrit au Sage survivant, le suppliant de l’aider à trouver le chemin du pardon. Le Sage en question eut cette réponse restée fameuse : « En tuant les Sages, tu as éteint la lumière du monde, tu dois maintenant la rallumer. Pour cela, renforce, agrandis et embellis le Temple de Jérusalem ». C’est ainsi que celui-ci devint le merveilleux édifice que les textes décrivent.

Voilà une histoire qui n’est guère de saison pourrait-on croire. Nous sommes occupés cette semaine à célébrer ‘Hanouccah et l’allégresse emplit nos cœurs tandis que les traditions festives de la période chantent dans toutes les maisons juives et voici qu’un ancien récit des temps cruels, un récit de terreur et d’héroïsme, de forfait et de remord, apparaît brutalement. En est-ce bien le moment ? Regardons donc de nouveau l’anecdote. Une lumière éteinte, celle des Sages, une lumière qui monte, celle du Temple et des hommes pour être les acteurs de l’obscurité et ceux de sa chute. N’y a-t-il pas ici comme un murmure de ‘Hanouccah ? Il a été abondamment dit que cette fête ne célèbre pas la victoire militaire d’une petite troupe de Juifs décidés mais bien faibles sur l’innombrable et surarmée soldatesque grecque, malgré son caractère si évidemment miraculeux. Ce qui est rappelé pendant toute cette semaine de ‘Hanouccah, c’est quelque chose de bien plus simple mais de si infiniment prodigieux : une lumière qui monte et qui ne s’éteint pas.

Au fil des temps, le nom des tyrans peut changer, les lieux où nous vivons aussi. Tout le contexte peut ainsi être différent. Mais le débat est toujours là, toujours identique, entre la lumière et l’obscurité, entre la conscience des hommes et les hommes sans conscience. Dans ce débat, aussi ancien que le monde, nous sommes les premiers acteurs. Car, plus que bien d’autres sans doute, nous connaissons la valeur de la lumière et savons comme en être éternellement les porteurs est une fonction à risques dans un monde qui veut refuser de la voir. Et ‘Hanouccah dans tout cela ? Une cérémonie de lumière soir après soir pour qu’enfin le monde s’éclaire. A partager d’urgence.