Alors qu’il n’était encore connu que comme « le gendre du Rabbi (Yossef Its’hak Schneersohn de Loubavitch) », celui qui allait devenir le Rabbi dirigeait, un Chabbat, une réunion ‘hassidique. Il évoquait l’importance de « Ahavat Israël », l’amour gratuit pour un autre Juif, quel que soit son niveau d’adhérence à la Torah et à la pratique religieuse : « Quoi qu’il fasse, qu’il dise ou qu’il pense, chaque Juif est un Beth Hamikdach, un sanctuaire miniature qui possède la capacité de révéler le Créateur et le désir d’accomplir la Torah. C’est notre responsabilité d’aborder chaque Juif dans la rue pour le démontrer ! »
Ces mots impressionnèrent les ‘Hassidim qui, jusqu’alors, avaient adopté une attitude défensive au sein du monde environnant plutôt que de songer à la diffusion de la ‘Hassidout. C’est pourquoi l’un des participants osa demander ce que chacun pensait en son for intérieur : « Vous voulez dire que nous devons aborder les Juifs dans la rue, ici à New York, leur demander s’ils sont Juifs et les convaincre de pratiquer les commandements de D.ieu ? Ils nous prendront pour des fous et se moqueront de nous ! Qu’aurons-nous gagné ? »
Calmement, le Rabbi répondit : « Venez ! Je vais vous montrer comment agir ! »
Il sortit de la synagogue et les ‘Hassidim le suivirent. La grande avenue de Eastern Parkway connaissait un trafic dense et les piétons se dépêchaient. Le Rabbi remarqua alors une dame qui traversait la rue tout en portant des sacs remplis de ses courses à l’épicerie. Il lui sourit et la salua d’un cordial « Bonjour ! ». Elle répondit poliment et il s’excusa alors d’être très direct mais il voulait savoir si elle était juive. « Bien sûr ! » dit-elle ; il lui demanda si elle savait que, selon la loi juive, il n’est pas permis de porter des sacs Chabbat.
Elle répondit qu’elle avait effectivement entendu cela mais qu’elle n’était pas – qu’elle n’avait jamais été – pratiquante ou même intéressée par ces « traditions ». Cependant, elle ne semblait pas dérangée par cette conversation impromptue et était même contente qu’on s’adresse à elle uniquement pour son bien et sans motif ultérieur.
Le Rabbi lui expliqua alors combien l’observance du Chabbat était bénéfique pour chaque Juif : c’est un cadeau offert au peuple juif pour le rattacher au but de la création, c’est un jour de repos qui permet de renouveler ses forces : « Les Juifs ont gardé et respecté le Chabbat à travers les générations et c’est le Chabbat qui les garde ! »
La femme l’écoutait attentivement, mais finit par répliquer en souriant : « C’est très intéressant ! Mais que dois-je faire avec mes sacs de commissions ? »
- Ne vous inquiétez pas ! Vous pouvez laisser vos sacs et votre argent ici, nous les garderons avec soin. A la sortie du Chabbat, dans quelques heures, vous pourrez venir les récupérer ! »
- Oh non, Monsieur le rabbin ! Je ne peux pas faire cela ! Je ne veux pas vous déranger ! De plus, je ne vous connais pas ! Mais je vous remercie sincèrement de vous soucier de mon bien-être ! Chabbat Chalom ! » ajouta-t-elle en se remettant en marche.
- Excusez-moi, Madame, reprit le Rabbi. Quand j’affirme que le Chabbat nous protège, cela inclut non seulement la personne qui respecte le Chabbat mais aussi sa famille !
La femme réfléchit et, les yeux soudain embués de larmes, regarda intensément le Rabbi.
- Rabbi ! J’ai un fils dans l’armée américaine qui combat en Allemagne. Je suis terriblement inquiète à son sujet. Ce que vous venez de dire me touche profondément. Prétendez-vous que si j’observe le Chabbat, D.ieu le protégera ?
- Je suis sûr que D.ieu le protègera, que vous observiez le Chabbat ou non. Mais je suis également sûr qu’une Mitsva de votre part y contribuera !
- Et vous me promettez de surveiller mes sacs ?
- Tout à fait ! Vous n’avez pas à vous inquiéter. Après le Chabbat, entrez dans le bureau de cette synagogue et vous retrouverez toutes vos affaires.
La femme le remercia, posa ses sacs, lui souhaita Chabbat Chalom et partit. Quelques heures plus tard, après Chabbat, elle vint récupérer ses affaires dans le bureau.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là, bien qu’elle ait déjà suffi à démontrer aux ‘Hassidim qu’avec sincérité on parvenait à persuader n’importe quel Juif – même dans la rue – à accomplir une Mitsva.
Quelques semaines plus tard, la femme revint et demanda à parler au rabbin qui l’avait abordée un Chabbat dans la rue. En le revoyant, elle fut très impressionnée et raconta : « Ce que vous avez accompli ce fameux Chabbat est absolument incroyable. Un vrai miracle ! »
Elle sortit de son sac une lettre : Mon fils m’a écrit le lendemain de ce Chabbat, depuis l’Allemagne où il combat les Nazis : « Ma chère Maman. Tu ne peux pas t’imaginer le miracle qui m’est arrivé. Je suis vivant et je tremble encore en t’écrivant. Hier, samedi, vingt d’entre nous ont été envoyés pour une expédition de routine, j’en faisais partie. L’endroit était supposé être nettoyé de tout ennemi mais, alors que nous avions déjà roulé depuis une heure, nous avons été encerclés par tout un régiment de Nazis : les balles fusaient contre nous de toutes parts. Ils disposaient d’armement lourd et nous ne pouvions nous cacher : nous étions des cibles idéales. J’ai vu mes camarades Joe, Sam, Mickey et tous les autres criblés de balles, blessés à mort et hurlant de douleur. Je croyais vraiment ma dernière heure arrivée et j’ai même crié « Chema Israël ». J’ai caché ma tête dans mes genoux en attendant la balle fatale, j’ai prié et soudain les renforts sont arrivés. J’ai été sauvé !
Maman ! Tous mes camarades ont été tués. Tous sauf moi ! C’est un miracle ! Je remercie D.ieu d’être vivant et je prie pour que cette guerre se termine bientôt afin que je puisse rentrer à la maison ! »
Le Rabbi sourit simplement et conclut : « Je suis heureux d’entendre que votre fils va bien et j’espère que tous les deux, vous continuerez à respecter le Chabbat, car, ce que j’ai omis de préciser la dernière fois, c’est que le Chabbat vous protège vous, votre famille, mais aussi tout le peuple juif ! »
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