Il y a six Chabbats entre Pessa'h et Chavouot, et six chapitres dans le traité Avot (« Éthique de nos Pères »). Nous avons l'habitude de lire un chapitre (Pérek) à chacun de ces Chabbat après la prière de Min'ha. Et dans certaines communautés ces lectures sont reprises tout au long de l'été.
Le sixième chapitre est appelé Kinyan Torah – l'Acquisition de la Torah, car il a trait aux moyens d'acquérir la connaissance de la Torah. Il y est question du bien infini que la Torah garde en réserve pour ceux qui l'étudient avec amour et constance ; des méthodes à employer dans son étude, de l'importance de vivre en un lieu de Torah, etc. Le premier enseignement de ce chapitre est :
Rabbi Méir dit : « Celui qui s'occupe à étudier la Torah pour l'amour de la Torah mérite beaucoup de récompenses dont la plus importante est la reconnaissance du monde. Il est appelé l'ami, l'aimé (de D.ieu et de l'homme), celui qui aime D.ieu, qui aime l'humanité ; cette étude le revêt d'humilité et de révérence, et l'aide à être plein de droiture, de sainteté, de fidélité ; elle le garde du péché et le rapproche de la vertu ; de lui les hommes obtiennent de bons conseils, un profond savoir, compréhension et force, car il est écrit : “Le conseil est mien comme aussi le solide savoir ; je suis l'intelligence, j'ai la force” (Proverbes, 8, 14). L'étude de la Torah lui donne royauté, autorité et discernement ; à lui sont révélés les secrets de la Torah, il devient pareil à une source intarissable, pareil au fleuve qui coule de plus en plus puissamment; il devient modeste, patient et prêt à pardonner l'insulte ; et la Torah le magnifie et l'élève au dessus de toutes choses. »
Nos Sages ont toujours été prudents dans leurs discours. Ils ont choisi leurs mots à bon escient, et n'en ont jamais prononcé qui ne fussent chargés de sens et de signification. Lisons donc et relisons attentivement les paroles de Rabbi Méir, car il n'en existe pas parmi elles de superflues.
Ainsi, il dit : « Celui qui s'occupe à étudier la Torah pour l'amour de la Torah ». Ici le grand Sage souligne avant tout que l'étude de la Torah ne doit pas être accidentelle ; elle doit être une « occupation ». Certes, gagner sa vie nécessite le sacrifice de beaucoup de temps; en dépit de cela, le Juif devrait regarder l'étude de la Torah comme son occupation première, et tout le reste comme un moyen, non une fin. Il devrait être impatient de s'arracher à ses affaires et à tout autre travail, afin de s'absorber le plus vite possible dans l'étude de la Torah.
La Perfection Spirituelle
Quant aux mots « pour l'amour de la Torah », ils contiennent eux aussi une idée. L'étude idéale est celle à laquelle on s'adonne pour l'amour de la Torah même, et non pour d'autres raisons. L'on pourrait s'y consacrer pour l'honneur et la gloire qu'on en retire ; une telle étude et les connaissances qui en résultent sont alors entachées d'impureté, et celui qui s'y livre ne saurait mériter pleinement toutes les récompenses énumérées par le Sage. Les autres s'apercevront rapidement qu'un tel homme est vaniteux, et il tombera dans leur estime. De plus, il diront : « Si c'est tout ce qu'il a retiré de l'étude de la Torah, il eût mieux fait de ne pas s'y consacrer du tout ! ». Il n'aimera ni D.ieu ni l'humanité, et n'en sera pas aimé.
Le premier résultat dérivant de la Torah pour celui qui l'étudie sincèrement est qu'elle « le revêt d'humilité et de révérence ». En effet, étudiant la Torah et se rendant compte de l'infinie sagesse Divine qu'elle contient, prenant conscience également de la grandeur et de la majesté de l'Être Divin, l'homme doit s'apercevoir de sa propre petitesse, de son insignifiance ; il doit se sentir plein à la fois d'une immense humilité et d'une grande révérence pour l'Être Divin. Ainsi, il s'abstiendra de toute action pouvant déplaire à D.ieu et s'efforcera dans la voie de la vertu.
Étant acquis que l'étude idéale de la Torah est celle qui n'a d'autre but qu'elle-même, nos Sages sont cependant d'avis qu'il est bon d'étudier la Torah quelle qu'en soit la raison. Car l'étude amènera inévitablement celui qui s'y adonne à découvrir la valeur inestimable de la Torah ; à ce stade, il ne pourra s'empêcher de l'étudier pour elle-même. Ainsi, nous donnons des récompenses aux enfants afin qu'ils redoublent de zèle dans leurs études ; puis un jour arrive où ils se rendent compte que la récompense la plus grande n'est autre que la connaissance elle-même de la Torah.
« Mérite beaucoup de récompenses »
Le Sage ne se donne pas la peine de mentionner les profits matériels dont sera gratifié celui qui se livre à l'étude de la Torah. En revanche, il énumère les différents éléments qui constituent la perfection spirituelle : l'affection, l'humilité la droiture, et ainsi de suite. Ce sont là les plus belles qualités du caractère ; en elles se trouve le secret du bonheur véritable.
« Le solide savoir, l'intelligence et la force »
Rabbi Méir cite le plus sage des hommes, le roi Salomon, à l'appui de son affirmation, qui souligne notamment cette idée : où se trouve le savoir, là est la force. Mais cette force n'a pas pour but de soumettre d'autres peuples, mais seulement de les aider, comme en témoignent les mots précédant immédiatement « solide savoir ».
« Pareil à une source intarissable »
La source intarissable donne continuellement de l'eau fraîche à ceux qui ont soif, et ne demande rien en retour. De même, l'homme instruit devrait dispenser généreusement son savoir à son prochain. De plus, l'homme possède le pouvoir de développer ses connaissances et de les perfectionner ; des horizons toujours plus vastes s'ouvrent devant lui, c'est pourquoi il est « pareil à un fleuve qui coule de plus en plus puissamment ».
Après tout cela, même après avoir acquis toutes les hautes qualités du caractère énumérées par Rabbi Méir, l'homme doit devenir « modeste, patient et prêt à pardonner l'insulte ». Le savoir et la puissance qui en résulte, ne doivent pas lui tourner la tête. Il doit demeurer modeste jusqu'à la fin. Les personnes capables d'apprécier sa grandeur à sa juste valeur pourraient être rares ; l'injure et l'insulte pourraient accueillir son conseil : c'est pourquoi il doit être patient et prêt au pardon.
Alors, il sera véritablement « élevé au-dessus de toutes choses ». Le mot « choses » (en hébreu Maassime) se réfère à l’œuvre de la Création. L'homme a reçu en partage royauté et domination sur toutes les créatures du monde et sur toutes les forces de la nature. Mais qu'est-ce qui l'élève au-dessus de tout cela ? Si sa vie n'est autre que le manger, le boire et la quête du bien-être physique, en quoi diffère-t-elle de celle des autres créatures ? C'est la connaissance des voies de D.ieu qui oriente l'attention de l'homme vers la perfection morale et spirituelle qui l'élève au-dessus des créatures de ce monde. Et cette connaissance ne peut être acquise qu'à travers de l'étude de la Torah que D.ieu nous a donnée sur le Mont Sinaï.
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