La religion juive régit chaque phase de la vie d'un Juif et de son activité depuis sa naissance jusqu'à sa mort. Le Judaïsme n'est pas quelque chose qui s'est superposé au peuple juif ; il ne constitue pas une entité distincte de lui. Il est son essence même, son mode de vie, voire sa vie même, car une existence juive sans la foi juive est simplement inconcevable.

La religion juive fut donnée à Israël presque en même temps que la liberté en tant que nation indépendante. La révélation divine sur le mont Sinaï eut lieu sept semaines seulement après l'exode d'Égypte.1

Cette révélation divine eut lieu en présence de tout Israël. 600 000 hommes âgés de 20 à 60 ans, sans compter les femmes, les enfants, les vieillards (âgés de plus de 60 ans) et une multitude d'esclaves étrangers et de nobles qui accompagnaient Israël dans sa fuite, furent témoins de l'événement. En tout, plusieurs millions de personnes qui virent de leurs yeux le Don de la Torah sur le mont Sinaï. C'est pourquoi la croyance inébranlable du Juif dans la Torah et les Commandements divins qu'elle contient n'est pas un simple acte de foi, mais une conviction absolue. Ainsi que le dit Maïmonide dans Hilkhoth Yessodei Hatorah, ch. 8 :

« Ce n'est pas à cause des miracles accomplis par Moïse qu'Israël a cru en lui [...], mais grâce à la Révélation sur le mont Sinaï, quand nos propres yeux, et non ceux d'un étranger, ont vu le feu ; quand nos propres oreilles, et non celles d'un autre, ont entendu le tonnerre et l'éclair ; et que Moïse pénétra dans la nuée, que la voix lui parla et que nous entendîmes : « Face à face D.ieu t'a parlé... » Ainsi, ceux à qui Moïse était envoyé furent les témoins de sa prophétie... »

Et Maïmonide poursuit en disant qu'un « prophète » perdrait son temps à essayer de réfuter la prophétie de Moïse, quelque « preuve » qu'il avance ; car nous ne l'écouterions pas, lui réservant le même accueil qu'à celui qui tenterait de nous convaincre de l'inexistence d'un fait visible ou audible que nous aurions vu ou entendu de nos propres yeux et de nos propres oreilles. Ce qu'il appellerait des « preuves » ne seraient pour nous que duperie.

Dans sa préface, l'auteur du Séfère Ha'hinoukh2 écrit : « C'est une coutume établie chez tous les peuples civilisés de la terre d'accepter comme preuve définitive les déclarations de deux témoins ou plus, quand bien même la loi dût prononcer, sur cette base, un arrêt de mort... C'est pourquoi D.ieu a donné la Torah à Israël en présence de 600 000 hommes adultes, afin qu'ils portent témoignage de l'événement. »

Quant aux générations qui suivirent la Révélation sur le mont Sinaï jusqu'à nos jours, eux qui ne la virent pas eux-mêmes mais en entendirent parler par leurs pères et grands-pères, l'acceptation de la Torah n'est pas simplement pour eux une question de confiance et de tradition, mais un fait dont l'authenticité a été continuellement réaffirmée par les prières quotidiennes et par l'observance des commandements par Israël dans sa totalité, de génération en génération.3

L'auteur de Séfère Ha'hinoukh soutient qu'il serait sot et déraisonnable de rejeter cette preuve historique et de partir à zéro en s'appuyant sur la seule raison. Les recherches humaines se sont avérées incapables de mesurer les secrets des forces physiques cachées dans la nature. Et nous ne parlons pas de la science métaphysique, laquelle dépasse par son ampleur tout ce que l'intelligence humaine peut concevoir.

Les croyances fondamentales4 relatives à la Torah et aux préceptes divins, croyances à défaut desquelles aucun Juif ne saurait considérer sa foi comme « juive », sont : que D.ieu qui donna la Torah à Israël par l'intermédiaire de Moïse est la Cause Première, ne comportant ni commencement ni fin, Qui a créé, à partir de rien, tout ce qui existe (creatio ex nihilo), et que rien ne Lui est impossible ; qu'Il ne dispose d'aucune aide extérieure ; qu'Il a connaissance de toutes les actions des hommes, et récompense ces derniers conformément à leurs actes ; qu'en observant les commandements de D.ieu, l'homme méritera un bonheur éternel ; que la Torah fut donnée en même temps que son explication ; celle-ci nous l'avons, par tradition, transmise de génération en génération, et elle est contenue dans le Talmud (celui « de Babylone » et celui « de Jérusalem »), ainsi que dans plusieurs autres ouvrages dus aux premiers Sages juifs tels que Sifri, Sifra, Tossefta et Mékhilta, etc.5

La Torah contient 613 commandements divins embrassant toutes les phases possibles de la vie juive. Ces commandements sont divisés en 248 préceptes positifs (« fais »), et 365 préceptes négatifs (« ne fais pas »). Les premiers, disent nos Sages,6 sont en nombre égal à celui des organes du corps humain et les derniers correspondent au nombre des principales veines (comme aussi à celui des jours de l'année solaire). A considérer les choses superficiellement, le nombre des préceptes positifs et négatifs est significatif ; car quand nous observons les 248 commandements positifs, chaque organe du corps accomplit son devoir divin ; de même quand nous ne transgressons aucune des 365 interdictions, comme nous serions tentés de le faire du fait du désir inhérent au sang, chacun de nos vaisseaux sanguins est protégé de toute souillure. Ainsi, en observant l’ensemble des préceptes divins, nous permettons à l'organisme humain dans sa totalité de s'élever au-dessus du niveau du règne animal et d'atteindre le plus haut point de la perfection humaine.

Les 613 commandements divins constituent seulement les lois principales du code juif. Chacune d'elles se ramifie en règles contenues dans la Loi Orale (Talmud, etc.) qui est classifiée et présentée sous une forme concise dans le Choul'han-Aroukh.7 Ces lois sont définitives : elles ne peuvent être ni changées ni modifiées, et une réforme, quelle qu'elle soit, de la religion juive est contraire à l'esprit de la Torah et du Judaïsme.

Par rapport à leur objectif immédiat, les commandements se classent8 généralement en deux groupes principaux : a) les lois régissant les relations humaines, et b) les lois régissant les devoirs de l'homme à l'égard de son Créateur.

La valeur éthique des lois de la Torah qui régissent les relations humaines n'est guère discutée, même par ceux qui n'inclinent pas à croire en la religion révélée, tandis que nombre de lois régissant le comportement quotidien du Juif sont difficiles à comprendre, même par ceux qui sont prêts à accepter la Torah comme parole divine. Pour les non initiés, certaines lois peuvent paraître irrationnelles et en dehors du temps au regard de ce qu’est le monde actuel. Toutefois, il suffit d'avoir une idée de la signification générale et du but des commandements pour y voir plus clair. Professer la croyance en D.ieu et en la religion révélée, et en même temps choisir les commandements conformément à notre propre jugement c'est, enseigne Maïmonide, affirmer que nous sommes plus parfaits que le Créateur.9

Il est clair que les deux groupes a et b mentionnés plus haut sont intimement liés et dans la dépendance l'un de l'autre. Car une éthique et une morale non basées sur l’idée de D.ieu et de la Torah sont – c'est le moins qu'on puisse en dire – des idées abstraites dépourvues d'un critère qui permette de les mesurer. L'éthique devient un concept variable et relatif, car ce qui est considéré comme « éthique » par les uns ne l'est pas par les autres ; de même ce qui pouvait passer pour « moral » pour la génération passée, peut actuellement passer pour « immoral ». Il est incontestablement vrai que le divorce de l'éthique d'avec la religion est à l'origine du mal qui a causé, l'une après l'autre, les conflagrations mondiales.

D'autre part, « piété » signifie attachement à D.ieu et « imitation des voies divines », ce qui veut dire, à son tour, la recherche et la pratique de la bonté et de l'amour, du jugement et de la droiture. Mais il ne peut y avoir « piété » véritable tant que l'adhésion n'est pas totale aux lois régissant les rapports humains, telles qu'elles sont prescrites par la Torah.

Répartissant à sa manière les commandements en quatorze groupes,10 Maïmonide établit clairement que tous les préceptes divins sans exception ont un but et tendent à la perfection du corps et de l'âme, puisque un esprit net ne peut habiter qu'un corps net.11

Il va sans dire que le bien-être du corps ne peut être assuré que s'il est recherché conformément à la manière prescrite par la Torah où les lois tendant à ce but sont traitées minutieusement et avec beaucoup de soin. Ces lois, comprenant la Cacherouth, l'observance du Chabbat, la charité et tous les préceptes sociaux et moraux, constituent la plus grande partie et le fond de la Torah, et mènent à la perfection morale. Toutefois, l'on ne peut atteindre la perfection la plus haute qu'à travers l'accomplissement de l’ensemble des préceptes prescrits par la Torah.

Maïmonide conclut ainsi dans son « Guide des Égarés » :

« [...] la perfection de laquelle l'homme peut véritablement se glorifier est atteinte quand il a acquis – dans la plus grande mesure possible – la connaissance de D.ieu, de sa Providence, et la manière dont celle-ci influe sur la naissance des créatures et sur leur existence continue. Une fois en possession de cette connaissance, il sera toujours résolu à rechercher la bonté et l'amour, le jugement et la droiture, imitant en cela les voies de D.ieu. »

Ici nous voyons encore une fois comment, dans l'exposé de Maïmonide, les deux groupes (les lois régissant les rapports humains et celles gouvernant les devoirs de l'homme envers le Créateur) ont des effets réciproques, leur action s'inscrivant dans un cercle.

Les citations que nous venons d'emprunter à Maïmonide nous permettent de nous rendre compte que l'accomplissement des préceptes est essentiel en tant que moyen d'atteindre à une intelligence claire et à une plus haute perception de D.ieu. Cette pensée est aussi constamment soulignée dans la philosophie de ‘Habad. Car les préceptes sont la volonté de D.ieu, et du moment que « la volonté de D.ieu et son Essence sont un »,12 l'on atteint la plus haute communion avec D.ieu par l'obéissance à Ses commandements. De plus, cette communion avec D.ieu par l'observance des préceptes est atteinte indépendamment du fait que le fidèle « comprend » ou non leur signification profonde.