Pendant six ans, tu sèmeras ton champ, et pendant six ans, tu tailleras ta vigne, et tu en recueilleras les produits. Mais la septième année, la terre aura un repos complet, un Sabbat pour l’Éternel ; tu ne sèmeras pas ton champ, tu ne tailleras pas ta vigne, et tu ne récolteras pas le produit de ta moisson... [Le produit du] Sabbat de la terre sera à vous pour le consommer, à toi, à ton serviteur, à ta servante, à ton salarié et au résident qui habitent avec toi... (Lévitique 25,3-6)

En diaspora

La plupart des lois agricoles de la Chemita ne s’appliquent qu’en Terre d’Israël. Ce n’est qu’en Terre d’Israël que c’est une mitsva de laisser la terre en jachère pendant cette année, et seuls les produits qui poussent en Israël pendant l’année de Chemita sont considérés comme saints, et de ce fait soumis à des règles spéciales, comme nous le détaillerons au cours de cet article.

Ceux qui habitent en dehors de la Terre d’Israël sont concernés par les lois agricoles de la Chemita1 de deux manières :

Les Juifs de la diaspora ont le privilège de soutenir financièrement les courageux agriculteurs israéliens qui observent la Chemita.

a) Les produits exportés d’Israël ne peuvent être consommés que s’ils portent un certificat rabbinique fiable attestant qu’ils ont été cultivés dans le respect des règles de Chemita.2

b) Les Juifs de la diaspora ont le privilège et le devoir de soutenir financièrement les courageux agriculteurs israéliens qui observent la Chemita, « ceux qui sont forts et qui accomplissent Sa parole »,3 en contribuant aux fonds spéciaux créés à cet effet. Vous pouvez envoyer vos dons au Fonds Keren Hacheviit par le biais d’un don en ligne sécurisé.

Lois concernant la terre pendant la Chemita

Ce qui suit est un résumé de certaines des lois fondamentales qui s’appliquent en Terre d’Israël. Les applications pratiques sont complexes, surtout avec les méthodes modernes d’agriculture et de distribution, et une personne vivant en Israël et qui possède une ferme ou un jardin, ou même une plante d’intérieur, doit consulter un rabbin sur place pour en connaître les détails. Même l’achat d’un bouquet de fleurs exige des connaissances supplémentaires cette année. (Bien que tout cela puisse sembler accablant, les applications pratiques de ces lois sont souvent plus faciles à mettre en œuvre qu’on ne le pense. Voir également « La Chemita de nos jours » ci-dessous pour avoir une idée plus précise de la manière dont la Chemita est observée en pratique en Israël aujourd’hui.)

a) Seuls certains types de travaux sont spécifiquement interdits par la Torah pendant l’année de Chemita : les semailles, l’élagage et la récolte. Tous les autres travaux agricoles (tels que creuser, enlever des pierres, fertiliser, appliquer des pesticides, etc.) sont interdits par décret rabbinique, sauf si le travail doit être effectué afin d’éviter des dommages permanents au champ.

b) Pour la durée de cette année, la propriété privée des terres est suspendue. Les portes entourant les fermes ne doivent pas être fermées à clé et chacun peut entrer dans n’importe quel champ ou jardin et se servir. On ne peut rassembler chez soi que la nourriture nécessaire à sa famille.

c) Il est interdit de faire des affaires avec les produits de la Chemita. Ils ne peuvent pas être utilisés pour payer une dette et ne peuvent pas être vendus dans le commerce. On ne peut vendre que de petites quantités de produits qui pourraient rester de ce qui aura été ramassé pour un usage personnel.4

d) Lorsqu’une certaine espèce de produit agricole n’est plus de saison et n’est plus disponible pour les animaux des champs, cette espèce doit également être retirée de la maison. Cela s’appelle le biour. La personne qui effectue le biour emmène le produit à l’extérieur et le déclare sans propriétaire en présence de trois personnes. Il peut alors être récupéré.

e) Un aspect qui revêt une importance particulière pour le consommateur est que les produits de Chemita ont une sainteté particulière.5

Un aspect qui revêt une importance particulière pour le consommateur est que les produits de Chemita ont une sainteté particulière
  • Ces produits ne peuvent être consommés qu’en Terre d’Israël et ne doivent pas être exportés.
  • Les produits de la Chemita, porteurs de la kedouchath cheviit, « la sainteté de la septième année », doivent être traités avec respect et ne peuvent être utilisés que de la manière dont ils sont habituellement utilisés. Par exemple, si un fruit ou un légume est normalement consommé cru, il ne doit pas être cuit ; s’il est normalement consommé par les humains, il ne doit pas être donné aux animaux. Rien ne peut être dégradé par rapport à son usage habituel. Bien entendu, il ne faut pas le gaspiller.6
  • Les restes de nourriture doivent également être traités avec respect. Tout ce qui est bon doit être mangé. S’il y a des restes et des épluchures qui ne peuvent pas être consommés, ils doivent être placés dans un endroit de dépôt destiné à la « sainteté de la septième année » jusqu’à ce qu’ils pourrissent et deviennent impropres à la consommation humaine (ils peuvent alors être jetés).

f) En plus de ces limitations imposées par la Bible, les rabbins ont également interdit de manger des sefi’him, ce qui se traduit littéralement par « pousses spontanées ». À l’origine, tout ce qui poussait tout seul était libre d’accès. Mais des gens ont commencé à planter des cultures pendant la Chemita et à prétendre qu’il s’agissait de sefi’him. Pour éviter cela, les sages ont décrété que tout ce que l’on pouvait potentiellement planter subrepticement (et ensuite prétendre ne pas l’avoir fait) serait interdit de consommation, éliminant ainsi toute incitation à planter pendant la Chemita. Les fruits sont autorisés, car les arbres fruitiers survivent d’année en année et il n’y a aucune raison de les planter pendant la Chemita.

Cela conduit à une distinction générale entre les fruits et les légumes. Les fruits sont soumis à des restrictions en termes de culture, de vente et d’utilisation, mais ils peuvent être mangés, tandis que les sefi’him, un mot qui désigne désormais tous les légumes, les céréales et les légumineuses,7 ne peuvent jamais être mangés, quelle que soit la façon dont ils ont poussé.8

La Chemita de nos jours

Dans le passé, la Terre d’Israël était essentiellement une société agraire. D’une certaine manière, cela rendait la Chemita beaucoup plus simple. Certes, il était interdit de faire du commerce avec les produits de la Chemita, mais l’on pouvait aisément se rendre dans ses propres champs et cueillir des fruits pour sa propre consommation. Et quiconque ne possédait pas sa propre ferme pouvait se rendre dans n’importe quelle ferme voisine et manger librement. Les sefi’him, tels que les céréales et les légumineuses, étaient stockés à l’avance.

Si les fruits de la Chemita ne peuvent être vendus dans le commerce, comment peut-on se procurer des fruits pour les manger ?

Cependant, dans la société industrielle complexe d’aujourd’hui, la plupart des gens ne disposent pas d’une variété d’arbres fruitiers à proximité. Si les fruits de la Chemita ne peuvent être vendus dans le commerce, comment les gens ordinaires des villes peuvent-ils se procurer des fruits pour les manger ? En outre, qu’en est-il des légumes ? Les rayons des épiceries sont-ils vides pendant toute une année ?

Il existe de nombreux types d’épiceries certifiées casher, et elles approvisionnent leurs rayons de différentes manières.

1) Produits importés

Certains magasins observant la Chemita ne vendent que des fruits et légumes importés pendant l’année de Chemita.

2) Produits locaux cultivés par des non-juifs

S’approvisionner de fruits et de légumes cultivés par des non-juifs est controversé

D’autres vendeurs proposent des fruits et légumes cultivés par des Arabes sur leur propriété personnelle en Terre d’Israël. Mais faire fortement dépendre son approvisionnement de fruits et de légumes cultivés par des non-juifs est controversé.9

3) Produits provenant de terres israéliennes « non sanctifiées »

Certaines parties de l’Israël d’aujourd’hui, qui n’étaient pas sous contrôle juif à l’époque d’Ezra, ne sont pas considérées comme faisant partie du pays en ce qui concerne la Chemita. Ces régions comprennent le sud du Néguev et le nord-est de la Galilée (autour de Kiryat Shmonah et de Metula). Les produits cultivés dans ces régions sont totalement autorisés et ne sont pas soumis aux lois de Chemita.

En outre, quelques solutions halakhiques ont été élaborées :

1) Matsa Menoutak

Il est interdit de planter des graines à l’intérieur pendant la Chemita. Planter des graines à l’extérieur, dans des pots complètement déconnectés du sol, est également interdit. Cependant, le ‘Hazone Ich, un éminent érudit de la Torah qui vécut en Israël de 1933 jusqu’à sa mort en 1953, a écrit que lorsque ces deux situations sont combinées – la plantation a lieu à l’intérieur, dans un pot déconnecté de la terre –, la plantation est autorisée.

Sur la base de cette idée, les agriculteurs israéliens ont adopté la technologie de l’hydroponie, une méthode qui consiste à faire pousser des plantes dans une solution minérale et nutritive contenue dans des récipients plutôt que dans la terre. Grâce à cette technologie, ces agriculteurs cultivent certains types de légumes à l’intérieur de serres dans des pots complètement déconnectés du sol. La plupart des autorités halakhiques contemporaines considèrent qu’il s’agit d’une excellente façon de cultiver des légumes qui ne tombent pas sous l’interdiction des sefi’him. En achetant ces légumes plutôt que des produits importés ou arabes, on peut avoir le privilège de soutenir un agriculteur juif qui respecte la Chemita. Ces légumes n’ont pas « la sainteté de la septième année ».

2) Héter mekhira

Le héter mekhira, ou « dérogation par vente », est un dispositif juridique conçu par trois rabbins éminents en réponse à la situation de danger de mort qui régnait en Israël à la fin des années 1800. Les agriculteurs juifs avaient du mal à se maintenir à flot, et 1889 était une année de Chemita. Les agriculteurs craignaient que s’ils laissaient leurs terres en jachère pendant une année entière, non seulement ils deviendraient complètement démunis, mais que tout ce qu’ils avaient construit jusque-là serait perdu. Les rabbins ont donc imaginé ce dispositif, dont le principe est que la terre est vendue à des non-juifs (comme la vente du ‘hamets avant Pessa’h) pour la durée de la Chemita. Il est alors permis de travailler cette terre « non juive » et de vendre ses produits.10

Dès sa création, le héter mekhira fit l’objet de controverses et de débat parmi les autorités halakhiques. Le facteur le plus important pour permettre une position indulgente est le fait que, de nos jours, l’année sabbatique n’est pas requise par la Bible.11 Puisqu’elle n’est ordonnée que par le rabbinat, une plus grande indulgence peut être appliquée.12

Quelques-unes des raisons invoquées par les opposants au héter mekhira : a) Il est interdit de vendre une terre en Terre d’Israël à un non-juif, et une telle vente est invalide. b) Selon certaines opinions halakhiques, l’observation de la Chemita demeure aujourd’hui une obligation biblique. c) Selon d’autres opinions encore, les produits non juifs sont également saints, de sorte que le héter mekhira ne sert à rien. d) À l’origine, cette disposition ne devait être qu’une réponse temporaire à un état d’urgence et ne devait pas être utilisée une fois celui-ci révolu.

Selon le rabbin Abraham Isaac Kook,13 cette dispense est similaire à la permission – et à l’obligation – de profaner le Chabbat dans les situations de danger de mort, comme il est écrit : « La Torah nous enseigne que nous devons profaner un Chabbat pour quelqu’un dont la vie est en danger, afin qu’il soit en mesure de respecter de nombreux Chabbats à l’avenir. »14 L’économie d’Israël étant mieux établie et l’état d’urgence alimentaire ayant disparu, la base initiale de cette dérogation n’est plus là.

La tendance croissante en Israël est d’éviter de s’appuyer sur le héter mekhira.

3) Otsar Beth Din

Une solution halakhique moins controversée sur laquelle beaucoup s’appuient est le otsar beth din

Une solution halakhique moins controversée sur laquelle beaucoup s’appuient est le otsar beth din, « l’entrepôt du tribunal rabbinique », un mécanisme par lequel les agriculteurs peuvent faire distribuer leurs produits aux consommateurs.

Le beth din (tribunal rabbinique) verse aux agriculteurs une somme forfaitaire pour qu’ils récoltent leurs propres fruits et les stockent dans un entrepôt loué par le beth din. Le beth din distribue ensuite ces fruits au public, en répercutant les dépenses engagées pour payer les agriculteurs pour la cueillette des fruits. Les agriculteurs sont payés pour leur temps et leur travail, comme n’importe quel ouvrier, mais ils ne commercialisent pas leurs propres fruits, ce qui est interdit.

[Si l’on se fie au héter mekhira, le produit peut être traité comme le produit de toute autre année. En revanche, les lois de sainteté de la Chemita s’appliquent à tous les produits distribués par le otsar beth din, et les légumes ne peuvent pas du tout être distribués ou consommés, en vertu du décret des sefi’him].

En pratique, respecter la Chemita en Israël aujourd’hui signifie acheter les fruits et légumes uniquement chez un épicier qui a une certification kasher digne de confiance. (Un grand contraste avec la vie partout ailleurs dans le monde, où même celui qui observe la casherout de la façon la plus stricte se sent libre d’acheter et de manger n’importe quel produit frais.)

En résumé

Nous avons vu qu’il existe des opinions très divergentes sur les produits de la Chemita, tant en ce qui concerne la meilleure source de produits (par héter mekhira ou bien cultivés par des Arabes ?) que le statut de ces produits (ont-ils « la sainteté de la septième année » ou non ?). Étant donné que ces opinions impliquent un grand nombre de questions importantes, si vous vivez en Israël ou si vous avez l’intention de vous rendre en Terre Sainte pendant l’année de Chemita (ou peu après, alors que les produits de Chemita seront encore sur le marché), consultez votre rabbin, qui vous conseillera sur la marche à suivre. Il vous indiquera les certifications casher à rechercher et les articles qui contiennent « la sainteté de la septième année ».