L’un des ‘hassidim de Rabbi DovBer de Loubavitch (le « Mittéler Rebbé », 1773-1827) était connu pour la grande dévotion qui animait son étude de la Torah et sa prière, ainsi que pour sa gentillesse et son amabilité. Malgré cela, il avait un sérieux défaut de caractère : il éprouvait une grande admiration pour ses propres vertus. Craignant de devenir orgueilleux, il décida de solliciter le conseil de son Rabbi.

Après avoir entendu le ‘hassid décrire sa situation, Rabbi DovBer demeura silencieux pendant un moment, puis répondit :

Quand D.ieu créa le monde, Il créa le bien et le mal. Après leur apparition, ces deux éléments se présentèrent devant D.ieu et demandèrent quelles seraient leurs missions respectives. « Diffuse la lumière de la bonté et de la gentillesse dans le monde, dit D.ieu au Bon Côté. Ceci s’effectue en rendant les gens conscients de leur Créateur. »

Le Mal demanda : « Mais serai-je capable de faire mon travail ? Les gens m’écouteront-ils vraiment ? »

D.ieu ordonna ensuite au Mauvais Côté de combattre le bien, donnant ainsi aux gens le choix et la possibilité de surmonter l’adversité. Le Mauvais Côté demanda : « Mais serai-je capable de faire mon travail ? Les gens m’écouteront-ils vraiment ? » Lorsque le Créateur répondit par l’affirmative, le Mauvais Côté demanda qu’on lui dise son nom. « Tu seras appelé le Serpent », dit le Créateur.

En entendant cela, le Serpent fut inquiet. Il avait peur que son nom à lui seul effraie les gens et condamne sa mission. « N’aie pas peur, le rassura D.ieu. Tu réussiras. »

Effectivement, le Serpent réussit à tromper Ève et à l’amener au péché en la convainquant de manger du fruit défendu dans le Jardin d’Éden et de partager son péché avec Adam. Après qu’Adam eut mangé du même fruit, D.ieu les bannit d’Éden, et c’est ainsi que commencèrent toutes les épreuves de la vie.

Cependant, quand Adam et Ève réalisèrent leur péché, ils se repentirent pleinement et réussirent à expier leur acte inconsidéré. Voyant la sainteté qui imprégnait à présent leur vie, le Serpent revint devant le Créateur. « Détruis-moi, implora-t-il. Je ne serai jamais capable de réussir maintenant ! »

« N’aie pas peur, répondit le Créateur. Je vais changer ton nom en “Ange de la Mort”. Personne ne te reconnaîtra. »

Le Mauvais Côté – déguisé en Ange de la Mort – accomplit sa sinistre tâche pendant des générations, jusqu’à ce que nos grands-parents Abraham et Sarah commencent à répandre la connaissance de D.ieu autour d’eux. Mélancolique, l’Ange de la Mort se plaignit encore que son travail était devenu trop difficile, voire impossible. « Ne crains pas, dit le Créateur. Je vais changer encore ton nom. Tu seras désormais appelé “Satan”. Personne ne te reconnaîtra. »

C’est ainsi que Satan commença sa carrière. Son travail alla bon train, jusqu’à ce que Moïse fasse son apparition. Quand il commença à enseigner la Torah, Satan fut prêt à jeter l’éponge pour de bon. Il parut devant le Créateur en demandant une fin miséricordieuse ; il se sentait à présent tout à fait inutile. Une fois de plus, son nom fut changé. Cette fois-ci, il fut renommé « Orgueil ».

Une fois de plus, son nom fut changé. Cette fois-ci, il fut renommé « Orgueil ».

Orgueil entama alors sa carrière. Cette fois, son déguisement était si bon qu’il pénétra même dans les maisons d’étude de la Torah. D’ordinaire, plus un véritable sage étudie, plus il réalise combien il connaît peu de choses. Cependant, sous l’influence de l’Orgueil, les gens étudient sans que leur connaissance ne fasse naître de l’humilité en eux. À la place, ils prennent des airs supérieurs et considèrent les ignorants avec mépris. Bien sûr, ils minimisent ces sentiments en prétendant défendre la dignité de leur savoir, et non leur propre personne.

Cela se perpétua jusqu’à ce Rabbi Israël Baal Chem Tov arrive dans ce monde. Il révéla la véritable unité de D.ieu, devant laquelle tous sont égaux, quel que soit leur niveau d’érudition.

De nouveau, le Mauvais Côté vint devant le Créateur, dans son habit d’Orgueil, et demanda une fin clémente. De nouveau, son nom fut changé. Cette fois, au lieu d’être « Orgueil » tout court, il serait dorénavant connu sous le nom de « Peur de l’Orgueil ». Étant moins audacieuse que l’ancien Orgueil-tout-court, la Peur de l’Orgueil pourrait faire son travail en paix.

« Maintenant, écoute bien, conclut le Mittéler Rebbé. Tu dois savoir que la Peur de l’Orgueil est l’Orgueil, qui est Satan, qui est l’Ange de la Mort, qui est le Serpent lui-même ! N’attend pas, jette-le hors de chez toi, car ta vie est en danger ! »1