La beauté n’est pas une chose, c’est une expérience.

La beauté, c’est quand le mental dit : « Il y a une symétrie ici, et il faut que je la trouve ! » C’est la grande quête de sens. Dès que l’esprit découvre une structure, la beauté se dissipe comme un mirage. C’est dans les phénomènes qui ne sont jamais vraiment résolus, ceux qui, à chaque regard, requièrent une nouvelle solution, que l’esprit humain trouve la beauté la plus fascinante.

La Joconde ne serait qu’un exemple parmi d’autres d’art de la Renaissance si elle ne présentait pas cet affolant arrondi de la lèvre à gauche qui vous pousse à tenter de le résoudre encore et encore dans le reste de l’image. Beethoven peut faire jouer cent fois le même motif simple dans le premier mouvement de sa cinquième symphonie (et la même chose avec son thème dans le premier mouvement de la Pastorale), car celui-ci n’est jamais réellement résolu. Il laisse toujours derrière lui le sentiment démangeant qu’il n’en a pas encore terminé et qu’il va revenir vous attraper.

La beauté est la sensation qui accompagne l’activité la plus agréable et la plus addictive de l’esprit : l’expérience de résoudre et de résoudre encore et encore à l’infini, comme des fractales de Mandelbrot, fractales à l’intérieur de fractales à l’infini. C’est ce que Rabbi Chalom Dovber, le cinquième Rabbi de ‘Habad, a écrit : que la beauté est ce que le Zohar appelle « Tiferet Ha-neelam, l’essence de la Lumière Infinie qui s’étend dans la Création ». En d’autres termes, une fenêtre sur l’infini.

Peut-être que la Vérité, aussi, n’est pas affaire de trouver le nombre 42 par lequel s’expliquent tous les phénomènes de la galaxie ou, comme Niels Bohr a décrit le travail d’un chercheur, « la réduction de tous les mystères les plus fascinants en trivialités » – peut-être que la vérité n’est pas un fait. Peut-être qu’elle aussi est une expérience de la réalité, une hyperconscience de l’infini dans cette tentative de résoudre toutes les choses.

La beauté, à ce qu’il semble, est relié au paradoxe avec de la colle forte. Dans les sefirot, elle est Tiferet, placée au centre de toutes choses, équilibrant les contraires, sans pourtant rien résoudre. La Vérité, telle que nous la comprenons généralement, tient le paradoxe en horreur et est le résultat de l’aplanissement consciencieux et de la résolution de toutes les bosses et les dissonances des données fournies. Mais la Vérité de la Torah est différente : elle est une reddition au paradoxe de l’Infini.

Hegel a décidé que toute pensée cohérente suit un modèle de thèse-antithèse-synthèse. Le rabbin J.B. Soloveitchik a affirmé que, dans la pensée juive, la synthèse se situe toujours à une étape ultérieure, comme les lignes parallèles dans une perspective qui se rencontrent à un point de fuite infiniment éloigné. Le Rabbi a adopté une approche encore plus radicale : il recherchait systématiquement le paradoxe au cœur d’un sujet, qu’il établissait ensuite comme une vérité essentielle sur laquelle repose toute la réalité.

C’est sur l’objet de beauté que le sage Salomon a dit : « Le charme est faux et la beauté est vaine. » Mais dans l’expérience de la beauté, nous ouvrons une fenêtre sur l’infini qui est synonyme de l’expérience de la vérité. Détournez-vous de la carcasse de l’objet statique et concentrez-vous sur l’expérience intérieure, en recherchant une beauté qui durera pour toujours, et vous trouverez la vraie beauté – et la belle vérité.

Et la laideur ? La laideur, c’est quand l’esprit jette un regard et abandonne.