Il était 16h30. Le soleil amorçait sa descente. Le bataillon tout entier était assis dans un auditorium à écouter le dernier discours délivré par le colonel. Soudain, son discours fut interrompu. Le bâtiment tout entier trembla et les fenêtres furent violemment secouées par une énorme explosion. Il a eu un moment de silence, mais le colonel sourit simplement et regarda sa montre.

« C’est notre aviation, expliqua-t-il. Et ils commencent à l’heure exacte, comme ils l’avaient annoncé. »

La tension retomba.

Et c’est alors que j’ai réalisé, plus que jamais, que la guerre était réelle. La guerre était là.

J’ai réalisé, plus que jamais, que la guerre était réelle. La guerre était là.Après le briefing nous avons vérifié notre équipement pour la dernière fois et maquillé nos visages en camouflage. J’ai mis alors un bandana violet sur ma tête, style pirate. Ce bandana me valut des moqueries pendant toute la guerre. En fait, ce bandana était un cadeau d’une amie mariée et religieuse. Tous mes amis avaient écrit un mot dessus. Je me suis vite rendu compte que ce bandana était très confortable sous mon casque. Il me réchauffait quand il faisait froid et absorbait la transpiration par temps chaud. Et ainsi, avec mon visage peinturluré et mon bandana violet, j’ai mis mon casque, mes protections, mon treillis, et un sac à dos prévu pour contenir deux missiles SPIKE. Je l’ai pesé plus tard et vu qu’il pesait plus de 45 kg.

Je suis dans la sixième division. Notre mission était de pénétrer Gaza par le nord, à proximité relative de la mer. Nous devions marcher 2-3 kilomètres jusqu’à une colline aux abords de Elei Sinaï. Elei Sinaï est une colonie juive démantelée de la bande de Gaza, comme Goush Katif. Elle n’est plus maintenant que morceaux de ciment et routes abandonnées.

Nous avons quitté la base. Ironiquement, en partant, nous avons dû faire la queue et pointer.

« Hey, Axel ! » ai-je dit à mon meilleur ami, un Canadien sans famille en Israël qui devait son surnom a une attitude étrangement similaire à celle du chanteur de Guns 'N Roses. « On va à une guerre ou à un mariage ? »

Finalement, nous nous sommes mis en route. Et alors le bombardement a commencé. La septième division est maîtresse dans l’art du mortier. Leur technologie élaborée en Israël est tellement avancée que nous sommes en train de passer des accords avec les Marines américains et envoyons des prototypes à l’armée US.

J’avais déjà vu des bombardements auparavant, mais rien de la sorte. Cette fois, ils ont employé les gros moyens. Les mortiers eux-mêmes faisaient d’énormes champignons de feu et les explosions qui suivaient résonnaient à travers tout le paysage.

Dès que le bombardement commença, toute nervosité se dissipa. Je ne me sentais plus seul, comme un misérable fantassin sous une pluie de missiles ennemis. Nous étions une équipe. Nous étions une armée. Nous étions des amis. Et nous allions mettre une raclée au Hamas.

L’aviation aussi nous accompagnait. Des hélicoptères de combat Cobra et des drones de surveillance nous survolaient presque en permanence. J’ai appris plus tard que les drones eux-mêmes n’étaient pas inoffensifs et emportaient une charge utile assez importante. De temps à autre, le paysage était illuminé par une énorme explosion dans le lointain. C’est alors que j’ai entendu le boom supersonique des F-15 Eagles qui volaient bas, suivi par l’impact de la détonation.

Nous avons pressé le pas. Ce qu’ils ne nous avaient pas dit, c’est que le chemin était exclusivement constitué de dunes de sable. Parcourir 3 km dans des dunes de sable avec deux missiles, gilet pare-balles, 24 heures de vivres, 200 munitions, etc, n’est pas la chose la plus agréable du monde ?

Et il faisait froid. Ça gelait ! Tous ceux qui s’imaginent qu’il fait toujours beau en Israël se trompent sérieusement. Le climat ressemble beaucoup à celui de la Californie du Sud. En été, il fait chaud, parfois caniculaire, particulièrement dans le désert. Mais en hiver il fait froid, surtout à cause de la proximité de la mer. Et apparemment, ce soir ne faisait pas exception.

La plupart d’entre nous ont souffert d’hypothermie parce que certains, dont moi, ont commencé à s’évanouir.Finalement, nous avons atteint notre destination et nous nous sommes préparés à prendre position avec la cinquième division, la brigade de reconnaissance, sur une crête de Elei Sinaï. Cette crête dominait les premières villes de Gaza desquelles la plupart des Kassams étaient lancés. Mais à notre arrivée, le colonel réévalua la situation et prit conscience que la plupart des cibles que nous devions détruire avec nos missiles SPIKE avaient fui devant les frappes aériennes et d’artillerie. Il n’y avait donc aucune raison pour que nous restions là avec la brigade de reconnaissance comme c’était prévu à l’origine. Il nous a donc été ordonné de continuer notre avancée au sud et de rejoindre la huitième division comme force d’infanterie légère qui mènerait l’opération. Le seul problème est que nous avions toujours les missiles et le reste de notre équipement sur le dos et qu’on nous demandait de marcher encore 7 km. Inutile de vous dire que ce fut un cauchemar. Ce furent les plus longs 7 km que j’ai eus à marcher de ma vie entière.

Nous avons continué à marcher... et à marcher... et à marcher. Pendant ce temps, l’artillerie et l’aviation pilonnaient tout ce qui était devant nous. Apparemment, le but de ce bombardement n’était pas seulement de nous ouvrir le passage, mais aussi de s’assurer que les civils ne demeurent pas dans cette zone. Il faut que vous compreniez ce que ça fait d’être bombardé par ces trucs. Les explosions sont si fortes que même à une distance d’un kilomètre vous sentez un vent balayer votre visage et vos oreilles se bouchent par le changement de pression. Maintenant, imaginez que vous êtes dans votre maison, vous entêtant à ne pas évacuer, et alors des mortiers tombent à 50 mètres de votre jardin. L’idée était que quiconque désirant rester dans le coin après cela était soi un terroriste près à se battre et/ou quelqu’un de suicidaire. La technique s’avéra très efficace et la plupart des zones urbaines que nous avons traversées étaient vides de toute présence civile. Contrairement, bien sûr, à ce que les médias veulent faire croire au monde.

Vers cinq heures du matin, nous avons atteint notre nouvelle destination. C’était un verger abandonné, juste à l’entrée de la première ville. Nous nous y sommes vite installés et avons attendu que le soleil se lève et que le reste des forces armées israéliennes nous rejoignent. Je pense aussi que la plupart d’entre nous ont souffert d’hypothermie parce que certains, dont moi, ont commencé à s’évanouir alors qu’ils étaient debout. J’ai appris plus tard que six soldats d’un autre bataillon avaient dû être évacués pour cause d’hypothermie sévère.

J’ai aussi appris qu’un bataillon de Golani était entré dans un piège. Les Golani avaient pénétré Gaza plus par le sud et en diagonale. Ils sont réputés pour engager le combat rapidement et parfois même imprudemment. Dans certaines situations, cette habitude est un avantage. À Gaza toutefois, cela s’est avéré néfaste. Chez les parachutistes, nous avons procédé moins vite, avec notre artillerie qui faisait exploser toutes les mines, explosifs et pièges disposés le long de la route. Apparemment les Golani étaient entrés trop vite, ou leurs mortiers avaient manqué quelque chose. Ils ont marché sur une très grosse mine. Deux de leurs soldats sont morts et vingt d’entre eux furent blessés.

Je voudrais souligner en passant que les informations que je donne sur les autres unités ne sont PAS basées sur ce que j’ai vu moi-même. Ce sont des infos qui m’ont été données par d’autres personnes, des rumeurs circulant dans les troupes ou des conversations entendues à la radio. Si, parmi toutes les infos ci-dessus, par exemple, celle relative à l’entrée des Golani n’est pas fiable à 100%, faites-le-moi savoir. Je voudrais que mes rapports soient les plus fidèles et véridiques possibles. Je rapporte au mieux de mes connaissances ce que j’ai vu et entendu, aussi bien à mon sujet qu’à celui de mes camarades.

--YBC