Le verset d’ouverture de cette paracha1  : Im bé’houkotaï télékhou, « Si vous marchez selon Mes décrets », est expliqué par nos Sages comme suit :

« S’agit-il de la pratique des mitsvot ? La suite du verset : “et vous veillerez à observer Mes commandements” concerne précisément les mitsvot. Que signifie donc “Si vous marchez selon Mes décrets” ? Que vous vous adonniez avec ardeur à l’étude de la Torah. »

Supposer que cette expression se réfère à l’étude de la Torah soulève toutefois une difficulté en raison du mot bé’houkotaï. Le terme hébraïque ‘hok désigne des mitsvot dont le principe dépasse l’entendement humain. Comme l’explique Rachi : « C’est un décret… tu n’es pas autorisé à en questionner [la raison]. » Or, l’étude de la Torah implique compréhension et saisie intellectuelle, permettant à l’homme d’appréhender et de s’approprier la vérité de D.ieu.

Il existe toutefois une autre manière d’entendre le terme bé’houkotaï, en le rapprochant du mot ‘hakika, qui signifie « gravure ». Selon cette lecture, l’injonction d’étudier la Torah exprimée par bé’houkotaï signifie que nous devons nous appliquer à l’étude jusqu’à ce que les paroles soient gravées en nous.

L’avantage de la gravure sur l’écriture ne tient pas seulement au fait que les lettres gravées sont unies à la surface dans laquelle elles sont taillées, puisque cela vaut également pour les lettres écrites : bien que celles-ci ne fassent pas partie du parchemin, elles s’y fondent néanmoins.

La supériorité de la gravure tient au fait que les lettres n’existent pas comme entités indépendantes ; leur existence est indissociable de l’objet sur lequel elles sont gravées : les deux constituent une seule réalité.

Tel est l’enseignement que le terme bé’houkotaï transmet à propos de l’étude de la Torah. L’objectif n’est pas seulement que le Juif qui étudie la Torah soit uni au sujet étudié. Le verset nous instruit que l’homme doit graver la Torah qu’il étudie au plus profond de son être. Une étude assimilable à une écriture – où deux entités distinctes se rejoignent – demeure insuffisante. Il faut étudier à la manière de la gravure : l’étudiant cesse de se percevoir comme une entité indépendante ; toute son existence devient la Torah.

Cette approche a été incarnée par Moïse notre maître, le premier à recevoir la Torah. Son bitoul, son effacement de soi, était si absolu qu’il s’identifiait totalement à la Divinité, au point de déclarer : « Je donnerai de l’herbe… ». Le mot « je » désigne D.ieu et pourtant il fut prononcé par Moïse, car « la Présence divine s’exprimait par sa gorge ». Chacun peut, à son niveau, parvenir à ce degré d’identification à la Divinité par l’étude de la Torah : lorsqu’il comprend un concept de Torah, il peut ressentir que son esprit s’unit à l’idée divine qu’il étudie.

Regard vers l’horizon

Cette paracha contient le verset2  : « Je ferai disparaître les bêtes de proie du pays. » Les commentateurs y discernent une allusion à l’époque messianique, car dans l’ordre actuel du monde, il y a toujours eu et il y aura toujours des bêtes de proie.

Divers enseignements se dégagent de ce verset. Nos Sages divergent sur la question de savoir si l’ère de Machia’h sera marquée par des miracles manifestes ou non. Les rabbins qui soutiennent qu’il y aura de tels miracles s’appuient sur ce verset : la disparition des bêtes de proie dépasse en effet les lois de la nature. D’autres estiment toutefois que le verset se comprend comme une métaphore : les bêtes de proie symbolisent les nations qui s’attaquent au peuple juif ; l’idée du verset est qu’à l’époque de Machia’h, elles coexisteront paisiblement avec les Juifs.

La conception qui voit ici une prophétie de miracles est l’objet d’un développement plus approfondi. Quelle sera précisément la nature du miracle ? Selon un avis, les bêtes de proie disparaîtront entièrement. Un autre soutient qu’elles subsisteront, mais que leur instinct prédateur s’éteindra, conformément au verset : « Le lion reposera avec l’agneau. »3 Cela représente l’ultime perfection de l’ère messianique : les entités négatives seront transformées en bien, et non simplement réduites au néant.