Ce n’est pas pour rien que nous sommes appelés « le Peuple du Livre ».
Lors de l’inauguration de l’Université hébraïque de Jérusalem le 24 juillet 1918, ‘Haïm Weizmann, qui allait devenir le premier président d’Israël, fit l’observation suivante : « Il peut sembler paradoxal que dans un pays à la population aussi clairsemée, dans un pays où tout reste à faire, dans un pays qui réclame des choses aussi simples que des charrues, des routes et des ports, nous devions commencer par créer un centre de développement spirituel et intellectuel. »1
Ce fait éloquent, tel qu’articulé en profondeur par M. Weizmann, rappelle un précédent par les ancêtres de ceux qui ont fondé cette université.
La Bible rapporte qu’avant même de conduire sa famille de Canaan en Égypte, Jacob envoya Judah en Égypte pour une mission spéciale.2
Avant d’avoir des maisons où vivre, ils avaient une maison pour étudierL’objectif de cette mission fait l’objet d’un débat parmi les Sages. Certains pensent qu’il a été envoyé pour s’occuper des aspects techniques de l’émigration et pour rechercher des logements pour la grande famille de Jacob.3
Le Midrash4 propose une interprétation différente : « Judah est descendu en Égypte avant le reste de la famille afin d’y établir une maison d’étude. »
Ainsi, avant d’avoir des maisons où vivre, ils avaient une maison où étudier.
Mais d’où vient cette obsession de l’éducation ?
Dans une rare révélation personnelle, D.ieu dit à propos d’Abraham : « Je le chéris. » Pourquoi ? « Car il instruira ses enfants et sa maison après lui de garder les voies de D.ieu, de faire la charité et la justice. »5
Ce ne sont pas ses prouesses intellectuelles ou son intégrité, ni sa bonté légendaire, ni même son esprit d’activisme et de sacrifice qui valurent à Abraham l’affection unique de D.ieu. Ce fut l’attention exemplaire qu’il porta à l’éducation.
Une confirmation supplémentaire que l’éducation doit être le sujet de notre attention individuelle et collective est venue au Sinaï, avant notre première rencontre face à face avec D.ieu.
Avant que D.ieu n’accepte cette réunion à laquelle Il prévoyait de donner la Torah, Il demanda à Moïse de présenter des garants dignes de confiance qui assureraient l’observance continue de la Torah.
Il ne faisait pas confiance aux adultes. Même les anciens et les érudits ne furent pas retenus comme garants acceptables. Mais lorsque les enfants furent mentionnés, D.ieu fut satisfait et l’alliance fut scellée.6
Si ce sont les Sages développent et approfondissent la loi et la pensée de la Torah, ce sont les enfants qui préservent sa pratique et sa tradition.
Les chérubins
De tous les ustensiles du Temple sacré, l’Arche Sainte était l’élément le plus saint. Elle abritait les Tables de la Loi, le fondement de notre foi. Ce sont ces dernières qui servirent d’acte de mariage liant D.ieu à notre peuple.
D.ieu a confié aux enfants juifs la garde de la TorahMais à qui peut-on faire confiance pour garder ce manuscrit fondateur qui communique l’amour et la sagesse de D.ieu ? Dans les mains de qui devrait reposer le précieux « contrat de mariage » ?
« Du couvercle [de l’Arche], tu feras deux chérubins à ses extrémités. Leurs ailes se déplieront vers le haut, abritant le couvercle avec leurs ailes » – Exode7
« Chacun des chérubins avait l’image d’un visage d’enfant » – Talmud8
« L’un à la ressemblance d’un garçon et l’autre d’une fille » – Zohar9
Les chérubins n’étaient pas faits à l’image de Moïse, mais à l’image de nos enfants.
D.ieu a choisi les enfants juifs pour veiller sur la Torah et constituer Sa garde nationale. Ce sont leurs ailes qui porteront la Torah vers l’avenir.10
De l’or pur
D’après le verset : « Tu ne feras pas de dieux d’argent avec Moi... »,11 nous apprenons qu’« il est interdit de façonner les chérubins à partir d’argent ». De plus, il nous est dit : « Si vous vous écartez de Mes instructions et que vous les faites d’argent, au lieu d’or, ils sont comme de faux dieux devant Moi. »12
Pourquoi cette logique du « tout ou rien » ?
En outre, cette prescription particulière s’applique uniquement aux chérubins : tous les autres éléments du Temple peuvent être faits en argent (ou en d’autres métaux) s’il n’y a pas d’or.13 Pourquoi les chérubins font-ils exception ?
Sur le plan symbolique, cependant, la réponse est manifeste : en ce qui concerne le reste des ustensiles du Temple, alors que, idéalement, tous les instruments divins devraient être en or – ce qui représente ce qu’il y a de meilleur –, l’argent peut, à la rigueur, suffire.
Mais quand il s’agit de l’éducation de nos enfants, représentés par les chérubins, il n’y a pas de place pour le compromis. Seule la plus pure et la meilleure des scolarités est acceptable.
(Cela ne veut pas dire que les frais de scolarité devraient être « à prix d’or », ce qui est malheureusement l’une des raisons pour lesquelles la fréquentation des écoles juives a baissé.14 Mais qu’elles offrent à leurs élèves le plus haut niveau d’enseignement.)
Qu’est-ce qu’une bonne éducation juive ? La culture, le yiddish, le Talmud ?Lorsque les contenus et la manière dont ils sont enseignés sont rétrogradés en « argent », au lieu d’élever des enfants qui grandissent en marchant dans les voies de D.ieu, on crée, D.ieu nous en préserve, de « faux dieux ! » – des enfants qui grandissent en se vénérant eux-mêmes.
L’or véritable
Mais comment définit-on l’or ? Qu’est-ce qu’une bonne éducation juive ? La culture ? Le yiddish ? Le Talmud ?
Ici aussi, les chérubins offrent un enseignement.
« Tu feras deux chérubins d’or ; d’or martelé tu les feras. »15
Rashi explique : « Ne confectionne pas séparément les chérubins pour les attacher ensuite au couvercle. Mais, au début de la fabrication du couvercle, prends un grand bloc d’or et frappe-le en son centre au marteau et à la masse, de sorte que les formes des chérubins saillissent vers le haut. »
Qu’y aurait-il eu de mal qu’ils soient façonnés séparément puis assemblés au couvercle de l’Arche ? Le processus lui-même doit-il être si difficile ?
Peut-être peut-on dire que l’Arche – et son couvercle – représente la Torah qu’elle abrite ; tandis que les chérubins représentent les enfants.16
Quand il s’agit de « construire » votre enfant, pour ainsi dire, – c’est-à-dire de lui inculquer un système de valeurs, une disposition d’esprit, une conception du monde, etc. – cela peut être fait de deux manières : séparée du couvercle, de la Torah, ou façonnée à partir du couvercle lui-même.
Nous devons vouloir que nos enfants ne fassent qu’un avec la Torah, qu’ils soient « façonnés à partir de la Torah ». Au point que s’éloigner de la Torah, à D.ieu ne plaise, serait pour eux comme se séparer d’eux-mêmes. Chacun de leurs traits doit être indiscernable de l’or dont ils sont façonnés.
Un exemple pour illustrer cela :
Un jour, alors que je remettais des pièces à ma femme, ma fille, qui vient tout juste d’avoir un an, s’est exclamée fièrement : « Maman, la tsédaka [charité] ! »
Pour elle, les pièces ne sont pas de la monnaie ; c’est de la charité.Ma femme a expliqué : « Nous avons instauré un rituel quotidien, où chaque matin, ensemble, nous plaçons quelques pièces dans la boîte de charité. Elle a appris à aimer cette pratique et crie maintenant “tsédaka !” chaque fois qu’elle voit des pièces. »
Pour elle, les pièces ne sont pas de la monnaie ; c’est de la charité.
Une vénération autorisée
Enfin et étonnamment, la seule image admise dans le Temple, en contradiction apparente avec le commandement de D.ieu « Tu ne feras pas d’images avec Moi », était celle des enfants.
Apparemment, à part Lui-même, D.ieu ne permet qu’une seule autre forme d’adoration : l’adoration de l’éducation de nos enfants.
Ne forment-ils pas, en définitive, une seule et même entité ?
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