Perfection totale et failles superficielles

Nos Sages demandent1 : « Quel est le nom de Machia’h ? » et répondent : « le lépreux de la Maison de Rabbi. »2 Cela est très difficile à comprendre. En effet, Machia’h va initier le processus de la Rédemption et est associé au summum de la vie et de la vitalité. Comment son nom peut-il être lié à la lèpre (Tsaarat) qui est identifiée à la mort3 et à l’exil4 ?

Cette difficulté peut être résolue en s’appuyant sur ce qu’énonce le Likoutei Torah qui explique ce que sera une personne atteinte de lèpre :

Un homme d’une grande stature, d’une totale perfection…5 Bien que la conduite d’une telle personne soit désirable et qu’il ait tout corrigé... il reste possible que sur la peau qui couvre sa chair demeurent encore des niveaux inférieurs sur lesquels le mal n’a pas été raffiné. Cela résultera en marques physiques sur sa chair, d’une manière qui transcende l’ordre naturel...6

Puisque la souillure de la surface de ses vêtements apparaît ne pas avoir été raffinée, [des taches] apparaissent sur sa peau... Bien plus, ces taches reflètent des niveaux très élevés comme l’indique le fait qu’elles ne sont pas impures tant qu’elles ne sont pas désignées comme telles par un Cohen.

Ce passage implique qu’il existe des influences spirituelles sublimes qui, à cause du manque de réceptacles appropriés (mis en évidence par « la souillure en surface »), peuvent produire des effets négatifs. Car lorsqu’une énergie puissante est libérée sans être contrôlée, elle peut causer des blessures. C’est la raison de la Tsaarat dont Machia’h est affecté.

Le fardeau de Machia’h

Le peuple juif dans son ensemble est comparé à un corps humain. Ceci est vrai de chaque génération, de même qu’à la nation tout entière à travers l’histoire.7 Tous les Juifs, ceux du passé, du présent et du futur font partie d’un tout organique.

Puisque le bien est éternel, alors que le mal n’est qu’éphémère,8 le niveau spirituel de notre peuple a constamment avancé. Un vaste réservoir de bien s’est rempli au fil des siècles. Le peuple juif, tel qu’il se tient dans Ikveta diMechi’ha, le temps où l’on peut déjà entendre les pas du Machia’h, a atteint le niveau de perfection mentionné dans le Likoutei Torah.

Néanmoins, il reste encore des traces de mal « sur la périphérie », car le monde est encore marqué par l’injustice et la violence. Aussi la lumière de la Rédemption ne peut-elle encore être manifeste ; cela se reflète dans les taches de lèpre qui apparaissent sur Machia’h lui-même. Car, comme le dit le Prophète,9 « Il a souffert nos maladies et enduré nos souffrances... atteint de lèpre, frappé par D.ieu et affligé. » Machia’h endure la souffrance, non à cause de lui-même, mais pour le peuple juif tout entier.

Un sens positif

Il demeure une difficulté. Bien que le passage cité plus haut explique pourquoi Machia’h doit endurer la souffrance, il ne montre pas pourquoi la souffrance est identifiée à Machia’h. Le nom de Machia’h, exprimant sa nature, devrait être positif.

Cette difficulté peut aussi être résolue sur la base du passage de Likoutei Torah cité précédemment. Car celui-ci explique que les plaies de la lèpre reflètent « des niveaux très élevés », leur source étant la lumière spirituelle transcendante10 associée à Machia’h. Néanmoins, pour que cette lumière s’exprime d’une manière positive, des réceptacles adéquats sont requis.

La souffrance de Machia’h apportera un raffinement final au monde en général, en faisant un réceptacle adéquat pour la révélation de son potentiel transcendant. Puisque cette révélation réside au cœur de l’Ère de la Rédemption, l’élément catalyseur nécessaire à son avènement est donc associé au nom de Machia’h.

Le nom de la paracha Metsora

Les concepts évoqués ci-dessus peuvent aussi résoudre une difficulté concernant le nom de la paracha « Metsora ». Metsora signifie « lépreux ». On pourrait penser que le nom de la lecture de la Torah serait un mot au sens plus positif. Cette question est renforcée par le fait que, dans les travaux des Sages rabbiniques de la première époque, Rav Saadia Gaon,11 Rachi12 et Maïmonide,13 un nom différent est employé pour désigner cette lecture. Toutes ces autorités se réfèrent à cette lecture par le nom de Zot Tihyeh (« Ce sera là »). Ce n’est que dans les générations postérieures que le nom Metsora prévaut.

L’explication en est que dans ces générations ultérieures, des fissures sont apparues dans le mur de l’exil, et à travers celles-ci, brille la lumière de Machia’h. À la lumière de Machia’h, Metsora n’est pas un facteur négatif, mais, comme cela a été expliqué, l’expression d’une divinité transcendante.

Par l’intermédiaire de l’étude

La lecture de la Torah commence par une description du processus de purification pour une personne affligée de Tsaraat en ces termes : « Ce sera là la loi du Metsora. » En mettant l’accent sur Torat Hametsora (la loi du Metsora) et non Taharat Hametsora (la purification du Metsora) une allusion est faite à un concept fondamental :

L’étude de la Torah développe des réceptacles humains qui permettent à la lumière, à toutes les lumières, même les plus sublimes, d’être acceptées et intégrées dans notre monde. Par l’étude de la Torah, l’influence transcendante du Tsaraat peut être canalisée en une force positive.

De même, en ce qui concerne Machia’h, l’étude des enseignements de la Torah relatifs à Machia’h précipite sa révélation, attirant son influence dans notre monde.

Avec une nouvelle vie

Souvent, la paracha Metsora est lue conjointement à la paracha Tazria, associée à la notion de semence et à la conception de la vie. Ceci enseigne que les semences de notre service divin n’attendront pas sans fin dans le sombre terrain de l’exil, mais que le Metsora, la Rédemption, fleurira immédiatement après que les dernières semences auront été semées.

Et inversement, la fusion de ces deux lectures implique que Metsora, la Rédemption, a déjà été conçue ; nous n’attendons plus que la naissance. Car la souffrance qu’endure Machia’h est l’étape finale avant sa révélation. Puisse-t-elle avoir lieu immédiatement.

Adapté de
Likoutei Si’hot, vol. 7, p.100ff ;
Vol. 22, p. 77ff ; Parachat Tazria 5751;
Sefer HaSi’hot 5751, p. 491ff.