Un père, une mère, des enfants : cela s’appelle, depuis que l’homme a appris à regarder le monde qui l’entoure et à donner des noms aux choses qui le constituent, une famille. Il y a sans doute peu de notions apparemment aussi simples et profondément aussi complexes et aux implications aussi essentielles. Certes, on pourrait se contenter de définir la famille comme une convention sociale parmi les autres. On pourrait l’imaginer comme un moyen commode de désigner l’assemblage aléatoire d’individus d’origines diverses, une sorte d’organisation économique de base. Et pourtant, c’est sur elle que s’est largement fondée la construction d’un monde stable, d’une certaine forme de sérénité et d’équilibre.

Le judaïsme a, pour la désigner, une expression remarquable : elle est un « édifice éternel ». En deux mots, tout, ou presque, est dit. Telle un « édifice », la famille est une structure cohérente qui se bâtit peu à peu par l’effort de ses membres. Résultat de ce puissant processus, elle s’élève durablement ; elle devient « édifice éternel ». Elle est ainsi bien loin des définitions communes. Elle n’est pas un mode d’organisation produit par la pression sociale. Elle est, d’une certaine manière, indissociable du développement de ce qu’il y a de plus humain dans le cœur des hommes. Plus qu’un cocon protecteur – même si elle peut aussi jouer ce rôle – elle est le lieu où se construit la personnalité de chacun dans le respect de celle d’autrui car c’est en elle que le pluriel se conjugue en un étonnant singulier.

Peut-être est-ce pour cela que notre temps, qui ne sait que peu refuser à un individualisme forcené et toujours insatiable, paraît être à la recherche d’autres modèles. La famille, parce qu’elle donne à être soi sans omettre l’autre, paraît, à certains, une contrainte presque insupportable. Elle fait figure de gêne majeure, d’espace qui empêche de réaliser la totalité de ses désirs, sans jamais que l’on s’interroge sur leur nécessité ou, simplement, leur pertinence. Car est-ce être vraiment libre qu’oublier le sens des choses pour mieux poursuivre l’assouvissement d’appétits que l’on s’emploie à renouveler de peur que le vertige s’arrête ? Finalement, dans la famille, c’est une ancienne sagesse qui s’exprime jour après jour. Elle enseigne à donner autant qu’à recevoir – car aucun des deux n’a de sens si l’autre ne l’accompagne pas. Elle établit un cadre où la pensée et l’émotion – et, au bout du compte la vie – prennent leur envol dans un ciel purifié. Comme pour une expérience nouvelle