S’agissant de la venue du Machia’h, les sources bibliques, talmudiques et rabbiniques insistent sur la foi dans sa venue, mais également sur la nécessité de son attente. C’est le cas, notamment, de Maïmonide qui, dans ses Treize Principes de la Foi, souligne1 : « S’il tarde, attends-le ! », ou, comme l’énonce la profession de foi Ani Maamine : « Et même s’il tarde, j’attendrai toutefois, chaque jour, qu’il vienne. »
Maïmonide va plus loin en écrivant, au début des lois traitant de Machia’h : « Et quiconque ne croit pas en lui, ou n’attend pas sa venue, renie non seulement tous les prophètes, mais également la Torah et notre maître Moïse. » Il en ressort que même celui qui croit en la venue du Machia’h, mais n’attend pas sa venue, « renie la Torah et notre maître Moïse » !
On sait également que le Talmud enseigne2 : « L’une des questions que l’on pose à l’homme au Jour du Jugement est : “As-tu attendu la Délivrance ?” »
Tout cela nous montre clairement que la Torah exige de chaque Juif non seulement qu’il croie dans la venue du Machia’h, mais aussi et surtout qu’il éprouve une réelle sensation d’attente.
Une expression de l’intensité de la foi
L’importance de cette attente peut s’expliquer de diverses manières :
Une compréhension correcte de ce qu’est une vie de Torah et de Mitsvot En premier lieu, le degré d’expectative atteste de l’intensité de la foi. Un Juif qui affirmerait croire en la venue du Machia’h mais sans pour autant l’attendre, témoignerait ainsi de la fragilité de sa foi. Celle-ci, d’une manière ou d’une autre, pécherait forcément par défaut. Car si sa foi était intègre, comment se pourrait-il qu’un tel Juif ne ressente pas l’attente du « Grand Jour de l’Éternel » ? Comment un Juif croyant aux merveilleux bienfaits qui l’attendent, lui, le peuple juif, le monde entier et la Présence Divine (qui demeure en exil et qui sera également rédimée) lors de l’ère messianique pourrait-il ne pas être impatient à l’extrême de les voir ? C’est pourquoi le degré d’attente de Machia’h d’une personne témoigne de la plénitude de sa foi en sa venue.
D’autre part, l’attente de la venue du Machia’h est également révélatrice d’une compréhension correcte de ce qu’est une vie de Torah et de Mitsvot. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, l’ensemble du service de D.ieu à travers l’étude de la Torah et l’accomplissement des Mitsvot a pour but de préparer le monde aux grands dévoilements qui marqueront l’ère messianique. Actuellement, nous obéissons aux instructions et, au temps du Machia’h, nous en verrons les résultats : le raffinement et la perfection du monde consécutifs à l’étude de la Torah et l’accomplissement des Mitsvot. Il est donc tout naturel qu’un Juif vive dans l’expectative de voir l’achèvement de son œuvre et les fruits de celle-ci. En revanche, celui qui n’attend pas la venue du Machia’h montre qu’il ne croit pas vraiment dans la capacité de la Torah de changer et de parfaire le monde.
Un aspect de la foi
Toutefois, au-delà de toutes ces considérations, l’attente de la venue du Machia’h démontre tout simplement qu’il ne s’agit pas d’une foi purement conceptuelle en un lointain et hypothétique événement, mais au qu’on croit en sa venue aujourd’hui même !
De fait, s’il s’agissait seulement de croire en la venue du Machia’h, on pourrait très bien penser qu’il s’agit d’un événement appartenant à un futur indéfini. La Torah nous demande de l’attendre, de sorte que nous croyions chaque jour qu’il peut venir à n’importe quel moment. On n’« attend » pas un événement qui doit se dérouler dans des dizaines ou des centaines d’années.
En affirmant que croire en la venue du Machia’h sans pour autant l’attendre revient à « renier la Torah et notre maître Moïse », Maïmonide nous enseigne ce qu’est la véritable foi juive en la venue du Machia’h : ce n’est pas seulement croire qu’il finira bien par venir, mais croire qu’il viendra aujourd’hui même. Dès lors, celui qui y croit de façon théorique, mais qui ne croit pas qu’il viendra aujourd’hui même, n’a pas une foi intègre en la délivrance messianique. Celle-ci exige de croire en sa venue immédiate et donc d’attendre chaque jour sa venue.
Exiger la délivrance
L’attente de la Délivrance est également l’une des principales vertus par le mérite desquelles celle-ci arrivera, et à même d’en accélérer l’avènement. Ainsi peut-on lire dans le Midrache3 : « Isaac dit devant l’Éternel : Maître du monde ! N’y aurait-il pas de retour possible pour les fils ? L’Éternel lui répondit : Ne parle pas ainsi. S’il y a une génération qui attend mon royaume, ils seront délivrés sur-le-champ, comme il est dit : “Il y a un espoir pour ta fin, ainsi a parlé l’Éternel, et les fils reviendront sur leur territoire.” »
Le ‘Hyda4 rapporte qu’il est dit dans le Midrache Yalkout Téhilime5 « Quand bien même le peuple d’Israël n’aurait d’autre mérite que l’espérance, il mériterait la Délivrance en récompense de cette espérance. » Le ‘Hyda explique que lorsque le peuple juif demande la Délivrance, on pourrait lui objecter qu’il n’a pas assez de mérites pour être délivré. Ce à quoi le peuple juif répond : « Nous avons l’espérance et, par cela, nous méritons que Tu nous délivres. »
De même que la Délivrance est hâtée par son attente, l’absence de celle-ci est un des principaux obstacles à son avènement. Car ne pas attendre la Délivrance, reviendrait pour le peuple juif à montrer qu’il s’accommode parfaitement de la situation actuelle lui convient parfaitement, ce qui a pour effet de repousser et de retarder la Délivrance. Rabbi Chimon bar Yo’haï affirme même que l’absence d’une telle attente suscite, dans le Tribunal Céleste, de graves réquisitoires contre le peuple juif : « Tous les milliers de Juifs tombés à la guerre au temps du roi David, ne moururent que parce qu’ils n’avaient pas réclamé la construction du Beth-Hamikdache. »6
Nous voyons donc à quel point il est vital d’attendre la Délivrance et de réclamer de l’Éternel qu’Il se hâte de nous délivrer. Les propos de l’auteur du ‘Hafets ‘Haïm sont, à cet égard, fort intéressants : « C’est plusieurs fois par jour que nous demandons la Délivrance. Toutefois, la seule requête ne suffit pas. Il faut exiger la Délivrance, à l’instar de l’ouvrier qui réclame son salaire. La loi étant que s’il ne le réclame pas, rien n’oblige à le payer le jour même. C’est dans cet esprit que nous devons réclamer notre Délivrance. »7
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