Nos Sages évoquent le lien étroit qui existe entre l’individu et l’histoire du peuple juif que raconte la Torah. Les grands événements de l’esclavage en Égypte et l’Exode relatés dans notre paracha peuvent avoir lieu dans le monde intérieur de chaque homme ou femme d’aujourd’hui.
Un exemple de cela est le récit des plaies, un thème central de la paracha de Vaéra. Lorsque nous lisons la Haggadah, à Pessa’h, nous en chantons la liste, versant une goutte de vin à l’évocation de chacune d’entre elles. Et puis la Haggadah rappelle une discussion à leur propos entre deux Sages de l’ancien temps : Rabbi Eliézer et Rabbi Akiva.
Rabbi Eliézer affirme que chaque plaie consista en fait en quatre plaies. D’après Rabbi Akiva, ce n’était pas quatre, mais cinq. Assis à la table du Séder, lisant dans la Haggadah maculée de vin, nous nous hâtons vers la consommation de la matsa, des herbes amères et du repas. Mais que nous enseignent ces deux Sages aujourd’hui ?
C’est ici que nous pouvons découvrir quelque chose sur la possibilité de quitter l’Égypte à un niveau personnel et intérieur.
La fonction des plaies dans l’histoire fut de briser le pouvoir maléfique de l’Égypte et du Pharaon, le tyran qui avait asservi le peuple juif. À l’intérieur de nous, les plaies sont les efforts que nous faisons pour nous libérer de notre propre situation de servitude. Par qui ou par quoi sommes-nous asservis ? Par nos propres désirs négatifs, par notre propre égocentrisme.
Et cet esclavage intérieur se compose de quatre niveaux, selon Rabbi Eliézer, ou de cinq, selon Rabbi Akiva. Comprendre ceci nous permet de mieux appliquer les « plaies » pour libérer notre moi intérieur.
Le premier niveau se rencontre lorsque le penchant négatif a tellement de force à l’intérieur de nous qu’il peut nous obliger à faire quelque chose de répréhensible. C’est le niveau simple et ordinaire de la vie quotidienne, dans lequel nous luttons pour garder le contrôle de notre comportement.
Le second niveau d’esclavage, plus subtil, est celui où nous faisons ce qui est bien, tout en étant constamment préoccupés de ce que les autres vont penser de nous. Nous sommes pris au piège dans notre propre vision de la société.
Le troisième niveau est encore plus délicat. L’individu éprouve un sentiment de liberté et se pose au-dessus des opinions des autres. Cependant, il reste limité par son propre intellect et sa compréhension. Il demeure froid, sans passion. Contrastant avec un tel état, les enseignements du judaïsme exigent de nous d’être capables de dépasser cette limite : « Tu aimeras D.ieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » Il est des situations qui exigent plus qu’une froide rationalité.
Le quatrième niveau est celui où l’homme peut dépasser la compréhension. Il agit dans le sacrifice de soi. Pour Rabbi Eliézer, c’est là le niveau le plus élevé que l’on peut atteindre.
Mais Rabbi Akiva y voit encore un possible problème. On peut encore être piégé par la conscience de sa propre vertu : « Je me sacrifie ! Ne suis-je pas merveilleux ? » Pour Rabbi Akiva, le cinquième niveau de liberté est atteint lorsqu’on s’est complètement libéré de son ego.
On peut alors totalement se dévouer au service de D.ieu, apportant finalement la rédemption non pas seulement à soi-même, mais à la Création tout entière.
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