“Venez voir les actions de D.ieu, Son complot effrayant pour les enfants de l'homme.”

(Psaumes 66, 5)

Et la femme vit que l'arbre était bon à manger et elle prit de ses fruits et en mangea ; et elle en donna aussi à son époux et il en mangea avec elle.

(Genèse 2, 6)

Le but d'une aventure commerciale est de faire des profits. Aucun homme d'affaire qui se respecte n'investirait un capital et ne consacrerait du temps et des talents quand les comptes ne montrent pas une véritable possibilité de bénéfices.

Et pourtant, les bénéfices les plus importants doivent être récoltés sous les conditions même que l'homme d'affaire responsable cherche le plus à éviter: à la suite de développements tout à fait imprévisibles, dans des environnements sur lesquels il n'a aucun contrôle et dans lesquels son aventure tout entière, et peut-être sa propre personne, sont menacés.

C'est pourquoi l'on peut dire que l'esprit de l'homme d'affaire opère à deux niveaux. Au niveau manifeste, il cherche la stabilité et le contrôle. A ce niveau, « être pris au dépourvu » jette l'anathème sur les affaires.

Tout en sachant que chaque aventure comporte une part de risques, son but est de les empêcher, d'éviter l'imprévisible, d'avoir un plan d'action pour toute éventualité. Mais à un niveau plus profond, subconscient, l'homme d'affaire aspire à l'imprévisible. Au plus profond de son cœur, il veut être pris par surprise, être plongé dans les circonstances que la structure de ses affaires cherche à éviter. Car là et seulement là, réside le potentiel de profits plus grands qu'aucun analyste ne pourrait envisager.

A ce niveau, si « tout va selon le plan prévu », ce serait une déception plutôt qu'un accomplissement. Ce sont des scénarii qu'il n'osera jamais présenter à ses investisseurs, ni même à son moi conscient. Mais en dernière analyse, ce sont ces mêmes possibilités se cachant derrière les chiffres et les projets officiels qui constituent la plus grande motivation pour laquelle il s'est engagé dans les affaires.

Le complot effrayant

Nos Sages nous disent que « le royaume des Cieux est semblable au royaume de la terre », que les structures de la société humaine et les modes de comportement humain reflètent la manière dont le Créateur établit un rapport avec Son monde et le dirige.

D.ieu opère selon une stratégie empruntée au monde des affaires: la Torah qui est « le plan de D.ieu pour la création » définit le « profit » que le Créateur veut tirer de Son entreprise. Les lois de la Torah détaillent ce qui devrait et ce qui ne devrait pas être fait, et ce qui devrait et ne devrait pas arriver, pour sauvegarder l'investissement divin dans la création et assurer sa rentabilité.

Mais au premier jour des affaires de l'histoire, le plan alla de travers. Adam et Eve, en mangeant du fruit de l'Arbre de la Connaissance violèrent la première Mitsva, le premier commandement de D.ieu. Leur acte mit en péril l'aventure tout entière, laissant un chaos de bien et de mal déferler sur le monde sous contrôle et organisé dans lequel ils étaient nés.

Et pourtant, nous disent nos Sages, c'était « le plan effrayant de D.ieu pour les enfants de l'homme ». « C'est Moi qui les ai fait pécher, en créant en eux un penchant vers le mal » admit D.ieu devant le Prophète Elie.

Car c'est le processus de la Techouva (« retour ») du péché qui apporte le plus grand profit dans l'entreprise de la vie. Il n'existe aucun amour plus fort que l'amour ressenti de loin et de plus grande passion que la quête du retour à une maison abandonnée et à un moi qui s'est aliéné. Quand le lien de l'âme avec D.ieu s'est étiré au point de rupture, la force qui le rattache à sa source est plus grande que tout ce qui peut être produit par l'âme qui ne quitte jamais l'orbite divine. Et quand une âme qui a erré jusqu'aux recoins les plus éloignés de la vie, et a exploité tout l'aspect négatif et vil de son environnement, ressent l'impulsion de retourner à D.ieu, elle élève ces parties de la Création qui résident derrière le cadre d'une vie vécue dans la droiture.

C'est là « le complot effrayant » contre les enfants de l'homme : créer un homme avec une inclination au mal, de sorte que lorsqu'il y succombe, il renoue avec D.ieu dans un amour plus grand et des ressources rachetées, générés par une vie maintenant en conformité avec la Volonté Divine.

Toutefois, il est sûr qu'on ne peut dire que D.ieu voulait que l'homme pèche : un péché est, par définition, un acte que D.ieu ne veut pas. De plus, si le « plan » de D.ieu était que l'homme pèche, cela soulève la question de savoir ce qui serait arrivé si Adam et Eve n'avaient pas choisi de manger des fruits de l'Arbre de la Connaissance. Le but de D.ieu dans la Création aurait-il été accompli ?

Ce que désire D.ieu

Tout comme dans le cas de l'homme d'affaire conventionnel, il existe deux niveaux de « motivation » derrière l'acte divin de création.

Au niveau manifeste, le monde fut destiné et créé pour accomplir le plan indiqué par la Torah. Ce plan appelle l'existence d'une inclination au mal dans le cœur de l'homme pour que notre conformité à la volonté divine ait du sens et de la signification.

Selon les paroles de Maïmonide : « La liberté est donnée à chaque homme : s'il désire suivre le droit chemin et être une personne juste, le choix de le faire est entre ses mains; et s'il désire suivre la voie du mal et devenir un être vil, le choix de le faire est entre ses mains... C'est un principe majeur et une base de la Torah et des commandements… Car si D.ieu devait décréter qu'une personne soit bonne ou vile ou s'il existait dans l'essence de l'individu quelque chose qui le force à emprunter telle ou telle voie,… comment D.ieu aurait-Il pu nous commander par Ses Prophètes “fais cela” et “ne fais pas cela” ? Quelle place aurait occupé la Torah tout entière? Et selon quelle justice D.ieu aurait-Il puni les méchants et récompensé les bons? »

Ce plan ne requiert pas l'existence du mal, mais seulement le potentiel de son existence. Il nous est possible de violer la Volonté divine, pour que le fait que nous ne le fassions pas soit pour nous un triomphe moral et une source de plaisir pour D.ieu. Il faut qu'il nous soit possible de ne pas faire le bien, pour que nos bonnes actions aient une valeur et un sens. Les risques doivent être présents, ils sont ce qui rend l'aventure valorisante et jouable, mais le but de tout cela, c'est qu'ils soient évités.

Mais au niveau « subconscient » plus profond, D.ieu complote pour que l'homme succombe au péché. Ce n'est pas ce qu'Il désire et c'est même une déviance de Sa Volonté expresse. Mais quand cela arrive, cela libère une richesse de possibilités qui sont infiniment plus efficaces que tout ce que le plan « officiel » aurait pu permettre. Et ce sont ces possibilités se cachant derrière les calculs et les projets officiels qui constituent Sa motivation ultime pour laquelle Il s'est investi dans « l'affaire » de la vie humaine.