Nous avons tous le même problème. Il apparaît tout simplement dans des formes différentes. D’une part, nous avons soif de liberté, de joies pures, saines, entières, des justes récompenses et du fruit de notre labeur. Mais par ailleurs, cette quête est gênée par des problèmes que nous pouvons regrouper sous le terme de « limites ».

L’une des formes que prennent ces limites est le fait que les moments de joie ne durent pas éternellement et qu’à un moment ou un autre, il nous faut retourner aux difficultés de la vie quotidienne. Une autre en est qu’il semble qu’il faille cajoler et aiguillonner cette vie quotidienne pour qu’elle nous procure un peu de joie. En outre, dans notre quête de joie et de confort, apparaissent également certains appétits malsains et destructeurs que nous devons contrôler. Ainsi existe-t-il de nombreuses limites, mais aussi de nombreux aspects à la joie, à la libération et au bonheur. Cette dualité est présente, apparemment toujours là : les limites et la liberté.

Et c’est là le paradoxe de la vie : la combinaison d’un fruit entier, succulent avec une corbeille d’osier qui le contient. Notre liberté et les limites de toutes sortes qui la confinent.

Cette perspective est le sujet de l’ouverture de la Paracha de cette semaine. La Torah décrit une activité qui se tenait à l’époque du Saint Temple de Jérusalem, lorsque chaque fermier exprimait sa gratitude à D.ieu pour les bénédictions dont sa famille et lui-même avaient bénéficié. L’instruction de la Torah enjoint de prendre les « premiers fruits » (les bikourim) de nos plantations, les dattes, les figues et les raisins, de les mettre dans une corbeille et de les apporter au Temple. Ces fruits devaient être donnés au Cohen (le prêtre).

C’est là une manière de remercier D.ieu et nos Sages nous donnent de merveilleuses descriptions sur le voyage des fermiers, accompagnés par des joueurs de flûte.1 Mais chaque passage de la Torah possède une signification éternelle et chaque petit détail peut apporter une clé pour une perspective tout à fait nouvelle.

Dans notre cas précis, selon nos Sages, le petit détail en question est le fait que lorsque le fermier apportait le fruit dans une simple corbeille d’osier, la corbeille elle-même était considérée comme faisant partie du sacrifice.

Pourquoi la corbeille ? Il semble évident que c’est le fruit succulent qui est apparemment l’offrande destinée au Cohen. Pourquoi la corbeille constituerait quelque chose d’autre qu’un simple récipient jetable ?

Parce que, nous dit le Rabbi de Loubavitch, le processus dans son intégralité nous donne un enseignement sur la vie, sur l’interaction entre le fruit délicieux et la simple corbeille d’osier qui le porte. L’image que donne la Torah du fermier et du Temple de la Jérusalem antique nous donne également une leçon sur notre propre vie. Elle nous dit que les limites font également partie de l’offrande, qu’elles sont également potentiellement sacrées. Nous pouvons envisager le fruit comme représentant l’âme et la corbeille, le corps, ou bien le fruit comme nos activités « religieuses » et la corbeille comme nos occupations séculières. Le point est que la force de la Torah est de rendre sainte chaque chose, par l’intermédiaire de préceptes concrets. Les gestes simples du quotidien, et même les combats de la vie, sont saints. Tout comme les joies radieuses, font partie de notre connexion avec D.ieu dans le Temple.2