Une terrible famine conduisit dix des fils de Jacob devant le vice-roi d’Égypte pour s’approvisionner en pain. Le vice-roi, qui n’était autre que leur frère Joseph qu’ils avaient vendu comme esclave, sans qu’ils ne le sachent, les accusa d’être des espions et exigea qu’ils amènent leur frère Benjamin en Égypte. Avant de révéler son identité à ses frères, il fit accuser Benjamin à tort en plaçant sa coupe d’argent dans le sac de ce dernier et l’accusa de vol. Judah prit la défense de Benjamin en proposant d’être lui-même puni à sa place. Joseph révéla alors son identité à ses frères, et toute la famille fut réunie auprès de Joseph en Égypte.
Selon la lecture traditionnelle, toute l’intrigue de Joseph et ses frères sert à expliquer comment le peuple juif en vint à vivre en Égypte et comment il finit par être asservi aux Égyptiens. L’interprétation kabbalistique est précisément à l’opposé. Chacune des actions de Joseph préparait en réalité le terrain, non pas pour l’asservissement final, mais plutôt pour fortifier spirituellement les Juifs durant leur exil, ce qui conduirait finalement à la rédemption.
Du point de vue mystique, pour que leurs descendants puissent endurer l’âpreté de l’exil, les frères de Joseph, à la tête des tribus d’Israël, devaient endurer l’oppression et les accusations du monarque égyptien qui n’était autre, en vérité, que leur frère déguisé. Lorsque le peuple juif, à l’instar de ses ancêtres, se sentirait soumis au monarque égyptien, il se souviendrait de l’histoire de Joseph pour percevoir qu’une réalité plus profonde se jouait. Le monarque oppressif n’était autre que leur « frère », qui allait finalement leur apporter des bienfaits. L’exil était une épreuve qui les affinerait et les mènerait à d’immenses richesses tant matérielles que spirituelles.
Outre l’assujettissement physique, l’exil comporte également un aspect spirituel. En exil, nous sommes coupés de notre environnement naturel. Nous vivons une vie en désaccord avec notre nature profonde. Notre conscience innée de D.ieu et notre lien avec la spiritualité de notre âme intérieure sont altérés, car nos émotions et nos aspirations ne visent plus que notre survie physique.
Joseph investit le peuple juif du pouvoir de transcender la torpeur spirituelle qu’est l’exil.
La Torah nous relate comment Joseph fit porter une fausse accusation à Benjamin :
« Il donna alors ces instructions à l’intendant de son palais : “Remplis les sacs de ces hommes de vivres, autant qu’ils pourront en contenir, et place l’argent de chacun à l’ouverture de son sac. Et ma coupe, la coupe d’argent, tu la mettras à l’ouverture du sac du plus jeune, avec l’argent de son achat.” Il exécuta les instructions de Joseph ».1
Selon les mystiques, la coupe d’argent symbolise l’amour ardent et l’allégresse. Le terme hébreu désignant l’argent (kessef) est le même mot qui signifie l’aspiration et le désir ardent. La coupe contient du vin qui, selon le verset, réjouit le cœur de l’homme.2
Par le placement de la coupe dans le sac de Benjamin, Joseph nous donne le pouvoir de réaliser qu’est dissimulée en nous une « coupe de vin » : la faculté d’entretenir une relation aimante et joyeuse avec D.ieu. Joseph nous enseigne que nous pouvons dissiper les ténèbres de l’exil en cherchant les réserves d’émotions positives enfouies en nous. Lorsque nous découvrons la coupe et goûtons le vin, l’exil spirituel se dissipe, préparant ainsi la rédemption physique également.3
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