Qu’arrive-t-il quand un sage parle ?

Le Rambam écrit : « tout comme un sage se reconnaît par sa sagesse et ses traits de caractère, car dans ces domaines, il se tient à l’écart du reste des gens, ainsi également doit-il se reconnaître par sa conduite. »

L’intention du Rambam est de nous transmettre que l’approche juive de la connaissance est bien plus que théorique. Il faut donc que les connaissances que possède un individu forgent son caractère et, ce qui est encore plus important, influencent son comportement. C’est en cela qu’il se distingue comme sage.

Parmi les types de conduite que le Rambam décrit comme appropriés pour un homme sage, se distingue le raffinement dans la parole. Il continue dans ces termes : « un érudit en Torah ne doit pas crier ou hurler quand il parle... Mais il doit parler gentiment à tout le monde... Il doit juger chacun à une lumière favorable, disant les louanges de ses collègues ne mentionnant jamais contre eux quelque chose qui leur ferait honte. »

La terminologie employée par le Rambam : « juger… à une lumière favorable » et « ne mentionnant jamais quelque chose qui leur ferait honte », implique qu’il se peut qu’un érudit voie des fautes dans le caractère de son collègue. Mais même le cas échéant, il « fera sa louange ». Quand il s’adresse à lui en privé, il peut patiemment et gentiment lui reprocher sa conduite. Mais quand il s’adresse aux autres et quand il pense à lui en son for intérieur, il doit le faire d’un point de vue positif et favorable.

Il ne s’agit pas seulement du reflet du propre raffinement de l’érudit. Mais en soulignant constamment les aspects positifs des qualités de l’autre, il encourage réellement leur expression. Car la pensée et la parole peuvent apporter des changements tangibles à notre monde. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Maguid de Mézéritch prononçait, de temps à autre, des concepts qu’il savait pertinemment inaccessibles à son auditoire. Son intention était d’« attirer l’idée dans notre monde » de sorte qu’elle pût, plus tard, être compréhensible par d’autres.

Prenons pour exemple un concept similaire dans le domaine des relations humaines. Nos Sages statuent que le Lachon Hara (paroles de médisance) tue trois personnes : celui qui le prononce, celui qui l’écoute et celui dont on parle. Nous pouvons aisément comprendre que de tels propos affectent celui qui en est la source et celui qui les écoute, tous deux prenant part à une faute que nos Sages considèrent équivalente aux effets combinés de l’idolâtrie, du meurtre et de l’adultère. Mais pourquoi la personne à propos de laquelle des ragots ont été rapportés serait-elle affectée ? Elle n’a pas pris part à la transgression !

Pour le comprendre, il peut être avancé que parler des défauts d’une personne ravive leur expression. Bien qu’il se puisse que cet individu ne soit pas conscient du fait qu’on parle de lui, le fait qu’on puisse discuter des défauts de son caractère réveille la révélation de ces traits. Si l’on n’avait pas parlé de ces fautes, il est probable qu’elles seraient restées cachées.

La sentence : « les attributs positifs sont plus puissants que les attributs de châtiment » et des concepts similaires s’appliquent au fait de parler positivement des traits de caractère d’une personne. La mention constante du bien que possède une personne, et à l’intérieur de tout être il existe des trésors cachés de bien, rend plus facile l’expression de ce bien dans la conduite individuelle.

Un commandement de parler

Les idées dont on vient de parler ont une relation avec notre Paracha appelée Emor. Emor est un commandement nous enjoignant de parler. Dans le contexte de la lecture de la Torah de cette semaine, ce commandement possède une application immédiate : celle de communiquer les lois relatives à la prêtrise. Néanmoins, le fait que ce terme soit utilisé comme nom pour la Paracha indique qu’il renferme une signification plus large : l’homme doit parler.

(Le lien de la Paracha avec des paroles adéquates est également souligné par sa conclusion de l’épisode du blasphémateur qui fournit un exemple de l’approche inverse. De plus, la Paracha Emor coïncide toujours avec le compte du Omer et partage donc également en cette occurrence un lien avec des paroles correctes, car cette période est marquée par des coutumes de deuil pour la mort des élèves de Rabbi Akiva. Nos Sages expliquent que la source spirituelle de la plaie qui les tua était leur inaptitude à se respecter mutuellement et le Lachon Hara qu’ils prononçaient.)

Et pourtant, nous rencontrons ailleurs les conseils de nos Sages : « Parle peu… » et « Je… n’ai rien trouvé de mieux pour une personne que le silence » impliquant donc que la parole excessive est indésirable. Nous ne pouvons non plus affirmer que le terme Emor se réfère au fait de prononcer des paroles de Torah, car à ce propos existe un commandement explicite : « et tu en parleras », nous encourageant à abonder dans les mots de la Torah. Emor concerne plutôt le fait de parler des qualités de nos prochains, comme cela a été expliqué plus haut.

Apprendre avec la lumière

Nos Sages associent le commandement Emor avec l’obligation du ‘Hinou’h, l’éducation des enfants, commentant :

[Il est écrit :] « Parle » et [il est écrit] « dis-leur ». [Pourquoi la répétition dans le même verset ?] Pour mettre en garde les parents concernant leurs enfants…

Lehazhir, le mot hébreu traduit par « mettre en garde » partage la même racine que le mot Zohar, qui signifie « rayonnement ». Cela nous enseigne une leçon fondamentale concernant l’éducation : elle doit se caractériser par une lumière rayonnante. En général, deux approches sont tentées pour persuader les enfants de rejeter un comportement indésirable : mettre l’accent sur sa bassesse ou montrer une alternative positive. Lehazhir souligne l’importance de répandre la lumière, car « une petite lumière repousse beaucoup d’obscurité » et en répandant la lumière, on allume la lumière intérieure que possède chacun.

La lumière amène la lumière

Le concept qui précède possède aussi une signification plus profonde. Dans son sens complet, le ‘Hinou’h de nos enfants, et par extension de tous ceux que l’on influence, ne doit pas être considéré comme une obligation qui dépasse notre propre service divin, comme une autre tâche à accomplir, mais comme une émanation naturelle de ce service.

Quand le service divin de l’individu atteint un sommet parfait, et en s’attachant à Ahavat Israël et A’hdout Israël (l’amour et l’unité du Peuple Juif) il se joint aux autres, son contact avec eux permet et accélère leurs progrès personnels. La lumière qui émane de sa conduite illuminera et éduquera tous ceux avec lesquels il entrera en contact.

Et cet allumage de lumière par la lumière nous conduira à l’ère où « le Sage brillera comme la splendeur du firmament » et « Israël... quittera son exil avec miséricorde ».

Adapté de Likoutei Si'hot vol. 27, p. 159 et suiv.
et Sefer HaSi'hot 5750 p. 443 et suiv.