[Ésaü demandait à son père :] « Comment doit-on prélever la dîme sur la paille ? »

Béréchit Rabba 63:15

La maison de Jacob sera un feu... et la maison d’Ésaü, de la paille

Obadia 1,18

La paille, en tant que nourriture pour animaux, est exemptée de l’obligation du prélèvement de la dîme, cette obligation ne concernant que les produits destinés à la consommation humaine. Ésaü questionnait Isaac sur la manière de prélever la dîme sur la paille, dans le but d’impressionner son père par une démonstration de piété excessive. Ce faisant, il révélait également un défaut rédhibitoire dans sa conception de la vie.

L’homme, nous enseignent les Kabbalistes, est animé par deux âmes distinctes : chacun de nous possède une « âme animale » et une « âme divine ». L’âme animale est le moteur de la vie physique, intégrant les instincts, les pulsions, les désirs et les facultés qui servent à la survie et à la perpétuation du soi physique. En cela, l’être humain est un animal parmi d’autres, bien qu’il s’agisse d’un animal intelligent et sensible. Ce qui le distingue du monde animal est son âme divine, qui incarne son aspiration à transcender l’état animal et à se relier au divin.

Toute entreprise humaine constitue soit une « nourriture humaine » qui alimente la vie spirituelle de l’âme divine, soit du « fourrage animal » qui nourrit la vie matérielle de l’âme animale. Les deux sont indispensables à notre mission de vie, car l’âme ne peut agir et s’accomplir qu’au travers d’une enveloppe physique ; mais il faut veiller à ne pas confondre les moyens avec la fin. Il est crucial de savoir en permanence distinguer le sacré du profane dans sa vie, et de se rappeler lequel existe pour servir l’autre.

Ésaü souhaitait « prélever la dîme sur la paille », cherchant ainsi à conférer une valeur spirituelle au fourrage animal. Au lieu d’utiliser le matériel pour servir le spirituel, il voulait donner à la matérialité une signification et une valeur intrinsèques.

Ainsi, « la rosée des cieux et les richesses de la terre » destinées à Ésaü furent données à Jacob, en qui l’on pouvait avoir confiance pour « prélever la dîme » ou idéaliser seulement ce qui nourrit l’homme dans l’homme : les élans et les aspirations divins qui distinguent l’humain de l’animal.

Un fourrage impropre

À la fin des temps, prophétise le prophète Obadia, lorsque le but de la création atteindra son accomplissement, « la maison de Jacob sera un feu... et la maison d’Ésaü, de la paille ».

Cette paille n’est pas celle dont Ésaü parlait à Isaac. Le mot hébreu employé dans ce contexte par le Midrash est tévène, tandis que le prophète décrit la maison d’Ésaü comme kach. Si les deux termes peuvent se traduire approximativement par « paille », tévène désigne plus précisément la balle qui est récoltée avec le grain et qui est ensuite donnée au bétail, tandis que kach est le chaume qui reste dans le champ et qui est trop grossier même pour la consommation animale.

Ésaü s’était vu initialement confier le tévène, la paille ayant une valeur vitale pour l’homme – celle qui sustente l’animal au service de l’homme. Mais lorsqu’il chercha à inverser cette relation – à faire de la paille l’objectif et le but de la vie – son tévène se transforma en kach, en une enveloppe vide dépourvue de tout potentiel nutritif.

Dans le monde parfait de Machia’h, un tel matérialisme vide cessera d’exister ; le kach d’Ésaü sera entièrement consumé par le feu spirituel de Jacob. Le tévène, en revanche, deviendra l’aliment de base du règne animal, car « le lion, comme le bœuf, mangera du tévène » (Isaïe 11,7).