Question :

Je suis juste curieux, quelle est la position juive sur les jurons et les gros mots ? J’ai entendu dire que nos corps sont un temple et que profaner le nom de D.ieu est très mauvais, mais qu’en est-il d’un petit juron ici ou là quand on est vraiment en colère ? Merci. :)

Réponse :

Pensez à quelqu’un de sage, gentil et attentionné. Le genre d’homme ou femme que vous respectez profondément et que vous considérez comme un modèle.

Pouvez-vous imaginer une telle personne proférer un langage vulgaire dans un moment de rage soudaine ? Probablement pas. Et pour une bonne raison. Ce n’est tout simplement pas une chose sainte à faire.

Au début de la lecture de la Torah de Kedochim,1 nous lisons une instruction énigmatique : Kedochim tihyou, « Soyez saints. » Ceci est différent des nombreux autres commandements qui suivent et qui concernent des sujets spécifiques tels que la pureté et la sainteté maritale ou rituelle. Les sages2 expliquent que le mot hébreu kadoch, qui est normalement traduit par « saint », signifie en réalité être « distinct » ou « séparé ». Ainsi, ces mots sont en réalité un commandement de nous séparer.

De nous séparer de quoi ? Du langage vulgaire, pour commencer.

Pour paraphraser Nahmanide,3 bien que la Torah interdise divers comportements et aliments, elle permet en même temps l’intimité entre mari et femme, et la consommation de viande et de vin cashers. Ainsi, il peut y avoir un glouton qui ne mange que des aliments casher ; un ivrogne qui ne boit que du vin casher ; et un homme marié dont le comportement avec sa femme est obscène, même si celle-ci lui est permise. Ou il peut y avoir une personne qui exprime de manière grossière un message qui n’est en soit pas interdit par la Torah. Ainsi, il est possible d’être – pour reprendre la formulation de Na’hmanide – « dégoûtant avec la permission de la Torah ».

En d’autres termes, la Torah elle-même exige que l’on dépasse le standard qu’elle a elle-même fixé et que l’on mène une vie véritablement distinguée et élevée. La Torah nous dit que pour être saint, il ne suffit pas de « faire ceci et ne pas faire cela ». Il y a quelque chose que l’on doit faire par soi-même pour y arriver : aller au-delà du simple fait de suivre les instructions, au moins un peu.

La vérité est que l’usage de gros mots fait plus que nous empêcher de monter d’un cran. Elle nous tire en réalité vers le bas.

Le Talmud4 parle très durement de celui qui parle de manière vulgaire. Bien que nous considérions généralement la parole comme un simple acte superficiel, elle a en réalité un fort impact sur notre personnalité profonde. Les mots qui sortent de notre bouche laissent une empreinte sur notre esprit et notre cœur. Quelle que soit le niveau que l’on ait atteint en termes de noblesse de caractère et de raffinement personnel, quelques grossièretés peuvent tout réduire à néant.

Et l’inverse est également vrai. Une personne grossière peut devenir plus raffinée si elle améliore sa façon de parler. C’est pourquoi chemirat halachone, « garder sa langue », est considéré comme l’une des premières étapes à franchir avant de corriger des défauts de caractère plus profonds.

Alors, un gros mot après s’être cogné l’orteil est-il un péché horrible ? Peut-être pas. Mais veiller à ce que tous les mots qui sortent de votre bouche soient saints est une partie importante de la vie « sainte » d’un Juif.